en Transylvanie subcarpathique

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en Transylvanie subcarpathique

Message par vétéran Sobrakov » Dim Sep 28, 2014 2:14 pm

L’armistice fut de courte durée, le temps d’une permission bien méritée mais qui ne me laissa pas le temps de retourner à St Petersbourg pour revoir mon père et il fallait déjà rejoindre l’armée car Napoléon mettait le feu aux Balkans. Pour nous, c’était la Transylvanie subcarpathique, la terre de toutes les superstitions, de toutes les croyances, de tous les mythes.
Nous étions affectés dans la région de Bucarest et l’EMR quant à elle se voyait attribuer le Nord du secteur, ce qui nous promettait un hiver presque russe. Nous étions chez Dracula. En vérité, nous occupions la ville de Brasov et pour y arriver nous avions dû croiser le sinistre château de Bran, qui avait appartenu au comte Vlad l’Empaleur, surnommé Dracula. Voilà qui allait occuper les esprits de nos soldats !
Le nom de Transylvanie était mérité car la région était couverte de forêts profondes qui changeaient des bois clairsemés de Saxe occidentale. Le pin sylvestre dominait en plaine charmes, bouleaux, frênes, ormes et chênes blancs. En moyenne montagne, on trouvait du hêtre qui cédait la place aux sapins et épicéas en altitude. Outre la densité des arbres, c’est la hauteur considérable des troncs qui obscurcissait sensiblement les forêts, on trouvait couramment des arbres de plus de 60m. Il va de soi que le diamètre des fûts était en proportion !
Les champs montraient une prédominance de blé, d’avoine et de pommes de terre. Nous allions pouvoir distiller notre propre vodka ! Mais les paysans étaient très pauvres, les troupeaux faméliques, la présence massive de troupes n’allait pas faciliter la vie de ces moujiks et nous n’allions pas grossir non plus…
L’hiver n’était pas si loin et les peaux de mouton que j’avais achetées à Bautzen allaient de nouveau servir.
Mais nous n’en étions pas là.
Les avant-gardes françaises étaient déjà au contact des nôtres, ce qui signifiait que nous étions à proximité de l’armée française et que nous n’aurions pas à faire de longues marches pour l’affronter.
Zerkine était parti en reconnaissance comme tous nos cavaliers et avait croisé la route de plusieurs escadrons français. Son tempérament fougueux l’avait amené à prendre ses dispositions pour charger des lanciers qui s’étaient aventurés dans un bois mais une nouvelle sagesse l’avait amené à se méfier et à regarder autour de lui avant de charger. Bien lui en pris, les lanciers n’étaient pas seuls et il jugea plus opportun de continuer son exploration des lieux !
Vive le Tsar ! Vive la Sainte Russie !
Vladimir Georgevitch Sobrakov, Général Feld-Maréchal des Armées Impériales Russes
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Re: en Transylvanie subcarpathique

Message par vétéran Sobrakov » Dim Mars 29, 2015 5:54 pm

Nous étions redescendus vers le sud de la forêt de Brasov et nous repoussions les français vers les marais qui longent la Mures.
Inexplicablement, les français s’acharnaient à traverser la Mures par un gué qui les menait tout droit vers les marais, plutôt que de faire un petit crochet au nord pour emprunter le pont que leur Génie y avait construit… Et ils tombaient sur nos troupes qui n’avaient qu’à épauler !
Le 14 décembre, je lançais l’Ecole à l’assaut. Les Cadets étaient déchaînés depuis plusieurs jours et ce jour-là fut le dernier pour beaucoup de français, 7 compagnies dont 3 de grenadiers ne verraient pas Noël ! Pendant ce temps-là, mon ancien régiment, la Garde Préobrajensky, avec toute sa puissance et son expérience passait elle aussi à l’offensive et anéantissait 8 autres compagnies. 8 seulement pour ces vieux briscards et 6 pour nos jeunes Cadets, Filat, mon brillant second, qui avait dirigé la manœuvre, jubilait, nous échangeâmes un large sourire !
Mais la situation se détériorait plus au nord et l’état-major nous demandait de remonter vers Brasov aider nos camarades qui luttaient en infériorité numérique depuis des semaines. Je décidais d’organiser un repli progressif, mettant à l’abri les troupes les plus atteintes derrière les renforts qui venaient d’arriver par Brasov tandis que je prenais la tête de l’arrière-garde, mélange composite de troupes aguerries et des tout derniers cadets qui arrivaient droit de nos cantonnements. L’un d’entre eux se jetait sur des cuirassiers et je lançais un autre cadet, un peu plus ancien pour le dégager de la cavalerie française qui passait de vie à trépas en fort peu de temps. Ça promettait d’être mouvementé. Je fis également charger ma première compagnie pour la première fois. C’était le 20 au matin, il neigeait légèrement. Les franzskis qu’on avait salvés la veille, avaient été remplacés par une compagnie fraîche. Raskolnikov s’avance avec ses survivants, envoie une salve et se replie. Je m’avance avec la 1ere compagnie et à 100 mètres de distance je fais battre la charge et j’hurle de toutes mes forces « en avant, chargez ! » Mes vieux lignards s’élancent comme un seul homme et vociférant comme des démons se précipitent sur les français qui ne s’attendaient pas à ça ! Avant de lancer l’assaut, j’avais scrupuleusement étudié le terrain qui était très boisé. J’y avais vu de nombreuses troupes et je savais qu’il ne fallait ni lancer un 2e assaut ni s’attarder sur place. Je pris donc la sage décision de faire demi-tour. Je pensais que ces hommes-là étaient destinés à devenir des Grenadiers à brève échéance.
Le lendemain, l’offensive attendue depuis si longtemps se produisait. Nos compagnies affaiblies ne pouvaient résister et disparaissaient les unes après les autres sous la mitraille. J’envoyais une estafette porter un ordre de repli immédiat et je portais mon bataillon en avant pour donner un coup d’arrêt aux français et faciliter le repli de l’EMR.
J’avançais de nuit et je surprenais une compagnie de voltigeurs par une charge meurtrière qui les mit en déroute sur le champ. Kuzmitschov faisait des cartons sur la compagnie d’à côté. Des renforts franzskis arrivaient pendant la nuit suivante et tiraient sur notre bivouac, provoquant de lourdes pertes mais cette compagnie gardait un moral de fer. Au petit matin, sous la neige, Kuzmitschov et Raskolnikov déchaînaient un feu d’enfer sur les français et je lançais ma compagnie à l’assaut. Au 2e assaut, il ne me restait plus que 92 hommes valides ! La compagnie française n’attaquerait plus personne pendant un bon moment ! On prit en charge nos nombreux blessés et au prix d’efforts considérables, les survivants réussirent à rejoindre les rangs de ce qui restait de l’Ecole. Mes deux autres compagnies elles aussi avaient reculé en bon ordre et Kuzmitschov s’était embusqué dans un petit bois. La milice biélorusse s’était installée dans la mine de Bran abandonnée par la cavalerie française.
Mais le lendemain, de nombreuses troupes françaises nous rejoignaient et exterminaient mes deux compagnies de ligne. Les voltigeurs assistaient impuissants au carnage. Le matin suivant, ils faillirent se faire surprendre par les français, mais ils tirèrent les premiers et ce furent les soldats bleus qui refluèrent. Kuzmitschov en profitait pour reculer plus profondément dans la forêt et établir un contact visuel avec la milice. La situation générale du régiment était critique. Certes, le sacrifice de mon bataillon avait permis à de nombreuses compagnies de reculer en bon ordre et de reformer un petit front en avant de Brasov mais la supériorité numérique française était écrasante et il n’était pas sûr que l’on tienne la ville pendant longtemps.
L’avancée française entourait Kuzmitschov qui transmettait croquis sur croquis de l’avancée ennemie. Le 29 au matin, il avait 9 compagnies françaises autour de lui. La milice avait été anéantie, les compagnies de Filat et Januzaj qui avaient nettoyé la zone étaient balayées à leur tour, il ne restait qu’un escadron de dragons dans la mine, les voltigeurs savaient que leur fin était proche. Jusqu’au 4 janvier, les Cadets réussirent à contenir les troupes françaises au prix de lourds sacrifices. Le soir du 4, il ne restait que 5 compagnies sur 29. Plus le mépris du Haut Commandement qui nous prenait pour des imbéciles avec des promesses de renforts, qu’il démentait indirectement le lendemain après une réaction violente de ma part … Je faillis démissionner mais Filat ne se sentait pas prêt à prendre la relève.
[Note de l’éditeur : il nous a semblé opportun d’insérer ici des notes que le Médecin-Major avait prises pour servir de base au prochain cours qu'il donnerait à l'Université de St-Pétersbourg quand la guerre serait finie. Cet ajout figure ci-dessous en italique.]
Le Capitaine Sobrakov était plongé dans de fortes fièvres comateuses, les symptômes se résumaient à une forte odeur de vodka frelatée et de sang séché.
Il n’arrivait plus à se relever. Sans doute, la vodka y était pour beaucoup mais il y avait cet amas de chairs ensanglantées et nauséabondes qui étaient encore peu de rutilants cadets, espoir de l’armée russe, qui l’entravait. Il me confia qu'il était à la fois Shakespeare, César et Louis-Ferdinand Céline, un français du futur. Il éructait :
« Tout ça pour qui, pour quoi ? On avait perdu presque la totalité de l’EMR pour reculer sans nécessité tactique. Pour aspirer l’ennemi loin du sud ! Mais on n’aspirait rien du tout, c’était toujours les mêmes en face… Certes, l’ennemi conquérait de l’herbe comme disait Vilpinov (même pas de la neige, MERDE, même le temps s’y met !!!!). VODKA ! où est-ce qu’il est cet imbécile d’ordonnance ? MERDE !! Et ces cadets qui mollissaient au plus mauvais moment, ils n’avaient pas de couilles cette année ? Des salves contre les hussards ! Ah les cons ! Le prochain qui tire sur des cavaliers, je le mute dans le SUD ! Cette perspective réjouissante releva d’un coup le moral du capitaine.
Brasov était tombée sans coup férir, il n’y avait plus qu’à traverser la rivière… Le Sud, le soleil, les palmiers, tu parles, le sud des Carpathes, la boue, la pluie, les cadavres……Le moral était retombé. La nuit aussi. C’était la seule manifestation de l’hiver, la nuit. Pas de neige, pas de froid. Qu’est-ce qu’on était venu foutre ici, un pays sans hiver ? Des Slaves ? A peine, ils ne fêtaient même pas Noël comme nous. Qu’est-ce qu’on foutait là ? »
Après une violente algarade avec l’Etat-Major, le capitaine s’était rendormi sur sa paillasse.
Sobrakov méditait sur la condition militaire en Transylvanie quand il eut tout d’un coup la révélation.
« Que cherche le HEM au sud avec obstination ? Il y a une raison cachée. Pistina ! C’est Pistina qui les attire comme des mouches. Ah bien sûr, pas un communiqué ne mentionne le village.
Pistina ! Pistina … La capitale de la tuica, la vodka locale, double fermentation, 70° ! Ces fils de putes voulaient se garder la tuica pour eux. C’est pour ça qu’ils se sont énervés quand j’ai dit que j’emmenais l’EMR au sud elle aussi ! »
Le capitaine avait rédigé sa lettre de démission mais Filat l’avait discrètement déchirée. Sorti momentanément de sa torpeur embrumée, le Capitaine avait gardé le commandement, ou plus exactement la fonction et les roubles qui allaient avec. Il ne lisait plus les missives de l’Etat-Major, il ne se penchait plus sur les cartes, il ne scrutait que le premier rideau d’arbres qui devait cacher les premiers voltigeurs français. La neige qui s’était enfin mise à tomber en abondance n’améliorait pas la vision de loin. Des estafettes apportaient des nouvelles du fortin, l’ennemi arrivait en masse. Faudrait-il reculer encore le campement, revenir au point de départ ?

Les grands chefs qui « versaient des larmes quand ils pensaient à nous » selon leurs dires, n’y pensaient pas trop. Heureusement, le Danube aurait débordé. On se battait à 1 contre 3. Quitter l’armée ? C’était devenu mon sujet de réflexion favori.
Filat et Divadoff surent me convaincre de rester encore un peu. Les 17 et 18 janvier, l’EMR lançait son dernier assaut sous mon commandement pour dégager le fortin. Celui-ci était mal positionné d’après le HEM qui s’était, pour une fois, rangé à l’avis des bouseux de l’armée du nord. Les franzskis, eux, l’auront trouvé pas si mal situé, juste sur leur trajectoire sud. La défense en fut héroïque et il n’y restait plus que 2 compagnies affaiblies quand l’EMR s’est élancée. Au soir du 2e jour, 10 compagnies françaises avaient disparues contre 1 pour l’EMR. C’était un succès complet, le fortin n’était plus menacé directement. Comme convenu avec Filat, je lui cédais le commandement le soir-même. Je n’avais jamais envisagé de partir sur un tel coup d’éclat et c’est avec une bonne dose de nostalgie que je quittais l’Ecole pour rejoindre les Jägers Egersky.
Enfin, le 2 février j’obtenais le grade de chef de bataillon, puis le 24, mes braves de la 1ere compagnie obtenaient la mitre des grenadiers et du même coup je passais Chevalier de l’Ordre de Saint-Georges ! Le Feld-Maréchal eut l’élégance de me remettre personnellement la cravate et la plaque malgré nos désaccords.
Vive le Tsar ! Vive la Sainte Russie !
Vladimir Georgevitch Sobrakov, Général Feld-Maréchal des Armées Impériales Russes
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