Le Froid est là... Bordel sans Nom !

Racontez vos histoires autour d'un verre sous la tente...

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Message par Jean Bailly » Ven Jan 15, 2010 12:21 am

Jean se leva et frissonna tandis que les draps et couvertures mettait sa peau à nu.

Devant lui une rareté était accrochée sur le mur, un large miroir, pas plus grand que son buste, mais assez grand pour que le spectacle, qui s'offre à lui, anime quelques souvenirs oubliés... délaissés.

Nu, il regardait ce miroir à la bordure argentée, représentant des feuilles et fleurs de la belle Russie d'Automne, la chair de poule lui faisant hérisser les poils des bras, puis des jambes et enfin de sa nuque.

Sa peau était translucide, tendant vers des teintes étranges au niveau des extrémités. Maigre, ses os ressortaient au niveau de la cage thoracique alors que les muscles en cachaient une bonne partie. L'on voyait les maux de la malnutrition et des maladies de l'Hiver au niveau de son bassin amaigri et creusé par endroits.
Le drap finit par glisser entièrement et dévoiler sa nudité sans faire de façons.

Jean se regarda et déglutit douloureusement en voyant la cicatrice parcourir sa cuisse pour remonter au niveau de son bassin et se perdre dans le dos.
Comment oublier... Tidus avait perdu son oeil, Fisdohit avait perdu la vie et lui... il n'avait été mutilé. Son ventre présentait des stries de toutes parts, des impacts blancs, mal cicatrisés, des doigts malmenés par le froid et des articulations douloureuses. Il avait presque tout vu.

Où étaient-ils ? Paris ? En enfer ? Au paradis ? Les deux ?
Jean s'était senti investi d'une mission vis à vis de la Grande Armée. Il devait être le dernier des "Anciens" Gendarmes à diriger le régiment d'élites, il devait pérenniser la Justice que la 35° Légion avait tant défendu.

Sa main droite trembla...
Ah la catin faisait toujours son retour lorsque les larmes n'arrivaient à couler. La belle voluptueuse et ravageuse, la tendre doucereuse et belliqueuse... Il la sentait descendre son gosier et raviver ses douleurs intestinales pour noyer ses malheurs dans une brume de songes tout aussi périlleuses. Etait-il tant à plaindre ? Non, il était un officier et non de la chair à canon. Il était Grand Prévôt et non sous-lieutenant sur le champ de bataille. Et pourtant, il mourait tous les jours en prenant la première ligne et il revenait à la vie pour tenir ses Gendarmes si valeureux.

Les draps bougèrent derrière lui. Une chevelure blonde s'effaça entre deux coussins, le drap laissant une cuisse apparaître délicatement.

Il n'était pas à plaindre et pourtant il voulait retourner sur le champ de bataille pour que le jour fatidique s'offre à lui, comme l'absolution, le châtiment, la fin de toutes choses, le soulagement ultime... la mort.

Jean frissonna, il faisait si froid dans cette si belle chambre...

Un bordel sans nom...
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Message par Jean Bailly » Dim Mai 09, 2010 8:40 pm

Les files de soldats entraient en ville, les chapeaux et les uniformes impeccables contrastant avec ceux de ces derniers mois. Au loin les détonations se faisaient pressentes et les cris des soldats, ainsi que les nuages s'élevant des ruelles montraient l'ampleur de l'assaut donné.

Jean Bailly regardait, maladif, le regard sévère, les Gendarmes, vétérans et nouvelles recrues s'enfoncer dans cette guerre sanglante.

A ses côtés, les officiers Duval, Travers et Onésime souriaient : ils savaient, ils attendaient.

Duval rejoignit ses troupes marchant en colonnes décalées, laissant passer les chariots et blessés allant vers les hôpitaux à l'arrière du front. Sortant son épée, il la leva haute vers le ciel et ordonna de saluer le Grand Prévôt, tandis que les troupes tournaient la tête tout en marchant, et saluaient Jean Bailly, comme à la parade.


SALUEZ !!!

Grommelant, Jean écouta les houras des Gendarmes comme un choeur parfait et unanime. Les lanciers suivirent, ainsi que les chasseurs à pied, les chevaux laissés à la caserne. Les étendards de la Gendarmerie Impériale flottaient au dessus des soldats investissant les rues imperturbables malgré les mêlées et les tirs fournis de l'ennemi.

A quelques kilomètres de là, deux bataillons de la Gendarmerie Impériale arrivaient à grands pas. Tous les connaissaient... L'ancienne Gendarmerie Impériale refaisait surface et le régiment fantôme de ces derniers mois allait recouvrer de sa superbe d'antan.

Non loin les vétérans restés au sein du régiment se battaient pour chaque maison, chaque parcelle afin de bouter hors de la ville l'ennemi si sûr de lui. Tous voyaient les manoeuvres de contournement de l'armée Russe et pourtant tous étaient confiants. Les Russes auraient d'autres opportunités de mettre en déroute la Grande Armée, mais la volonté indéfectible de la 35° Légion ne serait pas un renfort négligeable en cette campagne.

Polotsk serait le Brugnov de l'Armée Russe !
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Message par Jean Bailly » Dim Déc 26, 2010 7:18 pm

Enfoui dans la neige, il ne savait où il était. En face de lui, une couche de neige lui bloquait le champ de vision, il semblait s'être enfondré dans la neige tombée lors de la nuit du 24 et pouvait même voir les strates du dernier mois de tombées, certaines couches montrant le gel et la glace s'étant mélangée et consolidée avec le sang des batailles précédentes.
Le soldat sourit, sa mère insérait une fine couche de mûres écrasées dans ses gâteaux au pain. Mélangé à du lait, le pain rassi macérait et formait une pâte qu'elle cuisait dans son vieux four à pain pour ensuite en faire des gâteaux qu'elle distribuait aux fermiers alentours contre divers denrées essentielles.

Dans la poudreuse, sa tête endolorie par le froid, il hoqueta doucement, son corps l'empêchant de rire à ce souvenir divin d'un dîner en famille le jour de Noël.

La nuit tombait, il n'essayait même plus de bouger ses jambes qu'il ne sentait plus. La douleur du froid s’immisçant au niveau de son cou, comme de multiples aiguilles cherchant le peu de chaleur qui lui restait, n'était rien par rapport à la douleur de son bassin et son bas de ventre.

On lui marcha sur le bras, du moins il le pensa, car son corps bougea un instant et une ombre passa au dessus de lui, puis une deuxième et quelques autres. Aucun son ne sortit de sa bouche, à part quelques sifflements diffus.

Un fil de laine lui lécha le visage, provenant sûrement de son écharpe. Sa femme lui avait offerte l'Hiver avant son départ, il se souvint du sourire délicat de celle-ci. Elle espérait qu'elle lui plairait et il n'avait réussi à contenir quelques larmes cachées le soir avant de la rejoindre au lit. Cette écharpe serait et était ce qui lui permettait de tenir depuis son arrivée en Russie : le froid et la détresse de la distance n'avaient pas vaincu l'homme qu'il était.

*~~~*~*~~~*

Le soldat Français retourna le Gendarme le visage face contre la neige dans l'épaisse poudreuse. Les Gendarmes étaient plus riches que la plupart des autres soldats de la Grande Armée, il devait sûrement avoir quelque chose d'intéressant sur lui. Et puis, il s'était fait arracher les jambes il y a de cela quelques heures, il ne dirait rien.

Le retournant sans peine, comme un vulgaire chiffon mouillé, il le lâcha immédiatement, basculant en arrière en poussant un cri d'effroi.


Bordel !! Mais qu'est ce qu'il fait encore les yeux ouverts le c%n !

Le Gendarme, la bouche entrouverte, ne bougeait pas, mais ses yeux fixaient le soldat. Il était encore vivant, du sang ayant empourpré deux bons mètres en une traînée immonde au niveau de ses jambes. Il le suivait du regard, il n'en croyait pas ses yeux. Le soldat déglutit avec peine, cherchant autour de lui un confrère de la Grande Armée.

Il est vivant !! Haha !! Il est encore put%in de vivant ! Ohh ?!

Le soldat se rua sur le Gendarme amputé au niveau des cuisses et le saisit par la tête afin de lui parler dans les yeux, un sentiment profond de joie le parcourant, il pourrait peut être le sauver : Noël et son miracle, enfin !
Il lui posa de nombreuses questions, mais n'obtint de réponses que quelques gémissements et hoquets sanglants barbouillant sa bouche. Le Gendarme avait pleuré pendant de longues heures, car ses larmes avaient gelées et irritées sa peau bleutée. Le sang noirâtre avait coulé le long de sa bouche pour s'accumuler en quelques croûtes sur sa joue alors qu'il reposait encore dans la neige.

Ayant relevé son corps pour le questionner, le sang se remit à couler au niveau de ses cuisses arrachées.
La dure réalité frappa le soldat lorsqu'il comprit qu'il ne pouvait rien faire, qu'il avait sûrement empiré les choses en sentant les spasmes du Gendarme meurtri. Il n'était pas médecin, pas un génie non plus, mais il savait que le Gendarme allait mourir.
Reposant sa tête avec délicatesse, il bredouilla des excuses au Gendarme fermant les paupières d'où de nouvelles larmes réussissaient à couler de nouveau.


Je... je suis désolé mon gars... je...

Les Russes avaient lancé leur assaut le jour de Noël, les hommes tombant par dizaines. Alors qu'ils espéraient tous un répit d'une journée ou deux, ils étaient en première ligne de caprices d'officiers belliqueux.
Il l'avait vu... Le visage maladif du Grand Prévôt s'affairant aux côtés de l'officier Duval alors que les Russes tiraient sur ses hommes. Furieux, il avait ordonné au 1169e de tirer sur les lignes Russes, mais deux fois seulement, afin de faire cesser l'assaut ennemi et rétablir la trêve de Noël.

Le 1170e, sous les ordres de l'officier Duval, avait remplacé les hommes fatigués et affaiblis du Grand Prévôt en première ligne, pour subir le massacre qui s'offrait aujourd'hui à ses yeux : une centaine de cadavres avaient gelés sur le plaine, enfouis dans la neige, recouverts par les nouvelles chutes ou dévorés par quelques charognards de l'Hiver.

Le soldat se mit à trembler ; le Gendarme ne gémissait plus et le sang ne coulait plus par petites impulsions au niveau de ses plaies béantes.
Il s'agenouilla et pleura. Reniflant grassement, il s'essuya avec le revers de son gant troué, laissant quelques morves abjectes sur la laine noire.
Enfin, il se leva pataud et regarda autour de lui : personne. Il fouilla le corps et prit son écharpe dont un fil seulement semblait s'échapper et titiller les lèvres du soldat.


Joyeux Noël...
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Message par Jean Bailly » Mer Oct 19, 2011 10:31 pm

Le cavalier se dressa sur sa selle pour regarder l'horizon, son long manteau pendant sur ses jambières et couvrant son uniforme.

Ecarquillant les yeux, il se rassit et descendit le relief herbeux au pas vers un regroupement d'officiers à cheval, uniformes et bicornes sombres.


On peut entendre les canons de 12, ils ne sont plus très loin.

Major,

Nos hommes sont prêts. Ils sont nombreux à attendre notre bannière en première ligne.

Les officiers vétérans sourirent devant l'enthousiasme du Gendarme de Paris. L'ordre fut rapidement donné et les soldats du premier bataillon de Gendarmerie Impériale marchèrent en colonnes, trois par trois sur le sentier vers le front. Les fusils à l'épaule, les paquetages sur le dos, les Gendarmes Normands, Bretons, Croates et Irlandais retournaient sur le front.

~~~~~~

En quelques minutes, les troupes du premier bataillon avaient traversé le front sous une grêle de balles et dans des nuages grisâtres.
Les Gendarmes avaient couru sur une bonne distance et s'alignaient naturel face aux compagnies Russes non loin. Les officiers, sabres au clair, aboyaient des ordres et le tambour donnait le rythme. Les Gendarmes étaient fiers, mais gardaient, comme tout homme, ce mélange de peur, d'excitation et de folie, une discipline hors pair, typique du Régiment.


Le Premier Bataillon est toujours en première ligne, le Premier Bataillon est toujours au devant de la bataille, le Premier Bataillon est le premier à recevoir les balles ! Le Premier Bataillon...

Les officiers vétérans vérifiaient les lignes alors que la bataille faisait rage tout autour.
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Message par Jean Bailly » Ven Jan 03, 2014 12:41 am

Le bosquet sur le flanc droit, à 200 mètres de la position, crachotait, tandis que de nombreuses détonations se faisaient entendre sur les arrières et le flanc gauche sur près de deux kilomètres. En cette saison froide, la plaine givrée s'étendait d'un marron cristallin, tel un immense champ labouré, recouvert d'une fine pellicule de rosée. Le ciel gris semblait se retirer petit à petit de cette vaste espace radieux l'été et cruel l'hiver. Des bosquets et buissons découpaient ce paysage bercé d'îlots épargnés par les paysans Russes et l'on distinguait au loin un clocher ou ce qui devait en rester.

Nous pouvions identifier, par les éclats des fusils, les positions ennemies dans ces zones couvertes d'arbres sans feuilles, de même que nous pouvions deviner des tranchées dans certaines parties des champs.

Je ne saurai dire combien nous étions, toutefois nous avancions le dos courbé, fusil sous le bras et sacs sur le dos. Un officier hurlait des insanités pour lui même peut être, car nous n'en avions cure à présent, toutefois je pense que nous jurions tous entre nos dents serrées, nos mâchoires endolories. Le sol était dur et chahuté, de ce fait les bottes ne trouvaient de terrain plat et les chevilles se tordaient : ce n'était ni l'endroit ni le moment d'y penser. La tension était à son comble et nous avancions tous sans réelle organisation, car non loin se hissait un piètre muret de pierre que nous devions atteindre. Pas plus haut qu'un demi-mètre celui-ci bordait les positions, crépitantes à présent, de l'ennemi.

Les copains haletaient tout comme moi. J'avais les poumons en feu à cause de la froidure et l'effort sur ce faux plat montant. Ce froid extrême avait forcé les visages à reprendre des couleurs malgré la situation, la peur et le stress considérables précédent l'assaut. Partout les soldats avançaient gauchement, mais aussi rapidement que possible, les uniformes d'hiver longs s'encroutant du fait de racler le terrain de plus en plus boueux au fur et à mesure que nous le labourions.
Mon coeur battait la chamade, j'espérais sortir de ce pétrin aussi vite que je m'y étais embourbé.

Puis vint l'enfer.
Les explosions s'abattaient tout autour et au sein de nous. Les soldats étaient propulsés dans les airs ou disparaissaient dans les claquements secs et violents des explosions. Les déflagrations étaient si puissantes que les souffles nous déstabilisaient et sonnaient. J'avais du mal à tenir debout, mes jambes flagellantes. Diantre mon fusil valdinguait par moments. Il ne fallait certainement pas regarder ce qu'il résultait de ces terribles explosions ou regarder ce qu'il restait du groupe sur les arrières. Les tirs ennemis faisaient des ravages et mes copains s'écroulaient par paquets. Je n'étais pas loin de hurler comme une bête tant je détestais ceux qui nous faisaient subir cela. Mes oreilles sonnaient tellement que je n'entendais heureusement plus les cris de terreur et de douleur de mon camarade ; je ne pouvais qu'avancer dans cet enfer, agrippé fermement à mon fusil, mon meilleur ami dans la bataille et espérer que le sifflement aigu dans mes oreilles ne cesse.

Bousculé, je trébuchais et m'écroulais littéralement le menton cognant le muret en pierre d'où une once de mousse s'effrita. Je réajustais mon casque, la tête sonnée, le fusil entre mes jambes engourdies et une sensation que mes dents avaient bougé. La terre de l'explosion retombait sur mes vêtements et dans mes yeux et il me fallut tousser pour récupérer un souffle perdu depuis plusieurs secondes, ma cage thoracique restant immobile, mes muscles stressés et durs comme du granite.
Je n'étais pas seul, un confrère gisait à mes côtés, propulsé sur le muret tout comme moi, tandis qu'un groupe me rejoignait en s'abritant, puis tirant de derrière cette pierre empilée, aujourd'hui salvatrice.

Oh mes jambes sont humides.

L'explosion avait en fait été immense, un pan entier du champ à seulement quelques mètres de là avait été arraché et je peinais à comprendre comment. Le muret fut assailli par des balles de fusils et une pluie de copeaux de pierre s'envola. Les copains tombaient ou se faisaient tirer dessus à travers le muret, je devais partir de là aussi vite que possible. Un confrère fut fauché par les tirs ennemis alors qu'il tentait de passer par dessus le muret pour donner l'assaut une fois de plus. Retombant en arrière émettant d'étranges gargouillis écœurants, les soldats restants n'osèrent réitérer l'acte de bravoure ou de folie.

Un bruit lointain de cliquetis et de rugissements finit de vider le sang de mes mains et je restais pantois quelques secondes regardant mes copains tout aussi tétanisés. Le muret explosa avec les quatre soldats épuisés et blessés lovés tout contre lui. La pierre se dispersa avec la chair vers nos lignes terrassées et harcelées par les tirs ennemis. Je toussais le goût ferreux et de terre que je connaissais que trop bien. Le cliquetis se rapprochait, un rugissement soudain laissant à penser qu'il venait pour moi, rien que pour moi.

Mes jambes ne répondaient que partiellement à ma volonté de m'enfuir, mais je décidais immédiatement de ramper vers l'immense cratère de l'explosion ayant blessé mes jambes empourprées. Les larmes coulaient pour la première fois après tant d'années en Russie, nous perdions une fois de plus dans des assauts désespérés et inefficaces afin de ralentir l'avancée ennemie. Je lançais de toutes mes forces mon Karabiner dans le trou où je glissais quelques secondes après, mes jambes raides, le souffle court, mon Stahlhelm glissant de côté.

Pourquoi donc me retrouver face à une boucle dorée d'une ceinture avec un magnifique aigle resplendissant. Sous la terre et la pierre, à vrai dire dans la boue, une sacoche en cuir, recouverte par une mousse et par un tissu épais ressemblant à un manteau ancien, était presque indemne. Je m'agrippais au symbole des origines du Reich et pris la sacoche sous mon propre manteau, qui se déchira presque aussitôt et déversa une foultitude de lettres anciennes. Le papier s'effrita pour la plupart, mais je fichus le reste dans le reste de sacoche et la garda tout contre moi. Je butais sur une hampe sortant à moitié du sol, une lance on dirait... Je m'écroulais sur un cailloux alors que les ténèbres m'emportaient.




... très cher Jean# #... les hommes étaient tous volontaires...# #... volonté commune... ----~~
~~~~ # ~~- - ---~~~~
admire l'audace... Une Force Prévôtale d'initiatives...# #...
~~~------#
... les plans du Vice Prévôt à la saisie# #... ~~~~~~ infiltrations...

.. . . #~~~ avançons seuls, mais résignés... ##.. ..
Espérons que vos Grenadiers... si l'ennemi Depakin n'a pas été détecté sur le front de Möckern, vous aviez peut être raison.

#... G

~~~""" . .. reverrons dans l'au delà, mon ami. _ #~~

R..~~

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Re: Le Froid est là... Bordel sans Nom !

Message par Jean Bailly » Mer Mars 03, 2021 12:37 am

L'étendue blanche à perte de vue fumait au loin ici et là.
Les cheminées de ces bourgs et hameaux rappelaient que le climat ne faisait preuve d'aucune mansuétude pendant cette période de l'année. Celles-ci parsemaient une immense forêt où quelques collines apportaient un relief intriguant et... meurtrier.

Le brouillard, des respirations de tout un chacun emmitouflé dans de grosses écharpes, mettait un certain temps avant de s'évaporer, car le vent ne s'était pas encore levé.

Il baissa sa lunette et la télescopa délicatement de ses deux mains gantées.



Ca va se passer ici...


Onésime, les armées convergent à cause des routes et des forêts alentours... La bataille va commencer incessamment sous peu.


Il rangea la lunette dans une large poche de son manteau et regarda derrière lui les légions de soldats en manteaux d'Hiver et bicornes partiellement gelées. Les soldats utilisaient de petits tabourets afin de pouvoir s'assoir dans la neige, qu'ils accrochaient en entourant leur havresac, une nouveauté chèrement payée par les officiers pour leurs soldats. La qualité des paires de chausses avaient aussi été revues depuis les premières campagnes et les effectifs de la 35e Légion avaient établi une chaîne de fabrication spéciale pour ses effectifs en Russie afin de ralentir la détérioration du cuir.
Non loin, sous le couvert d'un bosquet de pins, les chevau-légers grimaçaient des suites de longues journées de chevauche à travers le pays afin de bien dénicher les positions de l'ennemi. Il savait qu'il ne fallait pas trop leur en demander avant la bataille à venir. Les chevaux et leurs cavaliers devaient être en pleine forme, car leur labeur, au sein de ces forêts et collines sauvages, allait être une difficulté supplémentaire...

Le vieil homme avait un regard vif malgré un visage émacié et sa voix tonnait toujours autant qu'autrefois, malgré quelques râles intermittents.
L'Empereur avait rappelé certains de ses vétérans d'Espagne et l'acclimatation était difficile. Il leur faudrait encore quelques jours avant de ne plus frissonner lorsque le froid traverse le cuir ou que le manteau épais devient un simple bout de chiffon qui ne retient plus la chaleur dés lors que le vent traverse et transperce.


A ses côtés, Duval n'eut même pas à confirmer, le regard en disant long, et il ordonna la formation en colonne pour reprendre la marche.


Le vieil homme sentit les automatismes de ses soldats qui se rangeaient immédiatement. Leur discipline était palpable. Parisiens, Bretons, Normands, les Français étaient épaulés comme autrefois par les Irlandais et Illyriens, tous prêts à porter les couleurs de l'Empire. Il sourit et se réchauffa le coeur lorsqu'il vit ses officiers s'affairer à pied ou à cheval...


Puis le vent se leva et tous frissonnèrent.



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Re: Le Froid est là... Bordel sans Nom !

Message par Jean Bailly » Lun Juin 28, 2021 2:43 pm

La première ligne...
Le roux de la barbe de plusieurs jours ne laissait aucune illusion quant à mes origines. Les tâches de rousseur disparaissaient derrière mes écharpes et mes meurtrissures du froid qui burinaient une peau laiteuse et qui avait connu les chaleurs de la péninsule ibérique. Les Irlandais avaient afflués par centaines, par milliers lorsque l'Empire Britannique commença son interférence sur le continent. Tuer un soldat portant l'uniforme rouge ? Il n'y avait eu aucune hésitation, nous volontaires ayant tout donné pour prendre le bateau et traverser la Manche pour rejoindre les troupes de l'Empereur. Et c'est la Gendarmerie Impériale qui nous avait acceptés afin d'épauler l'action des bannières impériales face aux britanniques et terribles assauts d'une guérilla au Portugal et en Espagne.

La première ligne...
Le vieux colonel avait sa réputation, le bouclier de la 35e Légion, voilà son surnom d'antan... Et alors qu'il était rappelé en Russie, il avait personnellement demandé que ses Irlandais lui soient transférés d'un enfer à un autre. Tuer du Russe ? Bien entendu, il fallait rapidement gagner cette guerre afin de retourner vers l'Ouest et battre les britanniques... tout était bon pour tuer les britanniques... enfants de malheur.

La première ligne...
Le vieux colonel se tenait, aidé de sa canne, debout aux côtés de l'officier Gendarme O'Leary. Comme à l'accoutumé, il pointait du doigt, bras tendu, comme pour partager le point de vue à tous, et ainsi pour indiquer les mouvements ennemis et que la Grande Armée pourrait entamer et un petit instant il se tourna vers nous. Rapidement, le regard en coin, nous bombions le torse et redressions la tête fiers bien que le vent s'immisçait un instant par chaque interstice au niveau du cou ou des manteaux humides de cette neige tenace, bien que de plus en plus fondue et moins collante. Nous avions nos ordres apparemment.

L'officier Eoin O'Leary hurla en Gaelique qu'on se positionne à quelques mètres en avant en première ligne.

La première ligne...
L'ennemi avançait sur le plateau et alors que la Grande Armée s'organisait à l'arrière, il était du devoir de la Gendarmerie Impériale de ralentir celui-ci.
Là, à gauche, le vieux colonel et les seuls grenadiers de la 35e Légion en Russie du 1169e. Ici sur la droite, les vétérans du Grand Prévôt, l'officier Gendarme Juan Arranda se tenant auprès de ses soldats, et du porte étendard, l'allure farouche et derrière le 1170e près à prendre la relève, l'officier Gendarme Duval demandant aux Gendarmes de garder la poudre au sec, la journée allait être chargée. Nous étions bien entourés, les chevau-légers et les voltigeurs du bataillon du vieux colonel se cachaient derrière le versant de la colline auprès du gros des troupes rabibochant les lignes.

La première ligne...
Je regardais mes compagnons, nous avions troqué nos uniformes verts de la Légion Irlandais pour les manteaux bleu foncé . Nos bicornes portaient exceptionnellement un plumeau vert et or et le vieux colonel avait accepté que nous arborions les couleurs de notre Légion, un étendard vert, aux harpes or entourant le drapeau de la France en son centre. Nous étions près de 200 en ce jour, prêts à tenir la première ligne aussi longtemps qu'il le faudrait.

La première ligne... vile première ligne...
Les Russes attaquèrent à l'aube. Le sol trembla tandis que les cuirassiers de l'Armée du Tsar chargeaient.
Le cri d'O'Leary de serrer les rangs et de préparer une riposte se perdit dans le vacarme qui s'avançait rapidement vers eux. Nous distinguions déjà les orbites des chevaux haletant alors qu'un officier courut devant nous sabre au clair pour nous donner l'instruction d'en joue. Celui-ci se retourna vers la charge, presque seul devant nous et ordonna de faire feu.
La charge fut dévastatrice et après avoir bousculé, elle piétina. Nous avions seulement eu le temps de taillader les pauvres montures... et Dieu sait que nous aimons les chevaux... que l'ennemi repartait déjà. L'officier courageux gisait sur le sol, un arc de cercle immense écarlate autour de lui.
C'est alors que le feu de l'ennemi s'abattit sur nous. Le genou à terre, notre posture irrégulière, ne limita que partiellement les pertes néanmoins. Après quelques minutes seulement, nous comptions près de 60 morts et une quarantaine de blessés peut être. Je vois encore le regard de l'officier Gendarme O'Leary... je pense que nous payerons tous le prix de ces visions d'horreur en Russie... O'Leary demanda à un gendarme de saisir l'étendard à terre et de le brandir au milieu des Irlandais se rassemblant en un groupe clairsemé et embourbé dans une situation où il faut tenir le rang et aussi aider les confrères hurlant de douleur. L'officier regardait la masse de pertes et ordonna à une vingtaine de soldats de s'occuper au mieux des blessés tandis que des gendarmes du 1170e arrivaient en courant pour les épauler, horrifiés par le nombre de morts en si peu de temps.

La première ligne... fiel nauséabond...
Les jeunes Russes de l'armée tsariste laissèrent une longue heure aux Irlandais pour évacuer ce qu'il pouvait du champ de bataille. Le vieux colonel avait donné l'ordre de se retirer tandis que le 1169e prendrait sa place, mais O'Leary avait jugé qu'il aurait le temps d'évacuer suffisamment des siens avant qu'il ne faille reculer. Il avait sûrement raison, nous aurions tous décidé ainsi. Les volées à bout portant occasionnèrent une trentaine de pertes supplémentaires et Eoin ne put nous retenir, laissant les nôtres aux soins de nos confrères gendarmes du 1170e.
Ma barbe rousse et mon manteau étaient humides. Je passais ma main pour me débarbouiller le visage et ce n'est qu'alors que je compris que nous étions tous recouverts du sang des nôtres... Une vue terrible que notre étendard entaché ainsi et virant au marron foncé.



~~~~~

Les Irlandais avaient fait preuve de grand courage et le 1169e avait déjà subi les affres de la bataille, les pertes étaient très importantes déjà, en seulement deux jours. La ligne tenait bon néanmoins, les étendards de la 35e Légion flottaient en première ligne.
L’officier gendarme O’Leary courbait l’échine devant le repli de ses derniers soldats, le vieux Colonel semblait tout aussi meurtri de cette scène. Puis vint notre tour, et ainsi j’ordonnais aux gendarmes du 1170e de prendre la place des Irlandais. La moitié des effectifs aidaient à l’évacuation des blessés, le champ de bataille était parsemé de plumeaux verts et ors.

Pas très loin, les voltigeurs de l’officier gendarme Travers prirent le relais pour faire descendre de cette colline écarlate les blessés et les corps, juste enveloppés de leurs manteaux trempés.

Les chevau-légers chargeaient constamment l’ennemi. Tantôt l’infanterie de ligne, tantôt les canons Russes, les lanciers semblaient épuisés, mais continuaient dans le devoir avec toute certitude de l’importance de la situation. Les grenadiers du 1169e subissaient un tonnerre de feu et bientôt mes gars en prenaient plein la panse.

Le vieux colonel avait lui-même pris position auprès de ses grenadiers tandis que Travers s’occupait d’orienter les renforts et soigner les blessés… un vrai campement de fortune au bas de la colline où les voltigeurs essayaient de remettre sur pied les gendarmes meurtris.

Après six longs jours en première ligne, les gendarmes du 1169e avaient subi la foudre. La neige et l’herbe brûlée par le froid de l’Hiver étaient marquées du sang de nos confrères. Mon adjudant avait compté quelques 166 morts et 199 blessés pour le 1169e et pour l’ensemble du bataillon du vieux colonel proche de 300 morts et 400 blessés… Dés lors que le vieux colonel prit un coup de sabre au bras droit, protégeant son flanc de sa canne en bois, se brisant sous le coup, que le 1169e se replia.

Le 1170e est toujours en première ligne, nous tiendrons aussi longtemps qu’il le faudra.

Le vieux colonel envoie une missive au Grand Prévôt.
Colonel Jean Bailly
IIe Bataillon de Gendarmerie Impériale
"Valeur et Discipline"

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Jean Bailly (Mat. 1169)
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