La Campagne de Russie

L'écho de la dernière salve résonnait encore dans l'air glacé.
Quelques canonniers avaient été couchés dans la neige par les balles, et le nuage de poudre noire se dissipait peu à peu révélant à l'adjudant La Boissière, l'impasse dans laquelle sa compagnie se trouvait. Il n'avait pu briser l'encerclement. Le piège mortel était définitivement clos. Il n'y avait maintenant plus aucun espoir d'en sortir vivant.
Sa compagnie, ou ce qu'il en restait. Une centaine d'hommes épuisés, morts de froid et de fin, se terraient en carré dans la neige, tandis qu'autour un nombre incalculables d'unités russes passaient en formation serrées, enfonçant les défenses de la Grande Armée.
Rien ne semblait pouvoir freiner la progression ennemie.
Y avait-il encore une lumière d'espoir, des unités prêtes au sacrifice ultime pour bloquer les Russes.
L'espoir avait abandonné la Grande Armée.
La désillusion était générale.
Les pauvre gardes nationaux avaient commencé de jeter leurs fusils inutiles dans la neige.
Ils attendaient la fin. Puisse-t-elle venir rapidement pour mettre fin à leur calvaire...

Les larmes gelées avaient glacées les moustaches des pauvres gardes nationaux. Ils assistaient impuissants à quelques contre-attaques isolées pour briser l'étau, mais sans réussite. L'angoisse de la capture, plus pressante que la mort acceptée au combat, les accablaient comme des moutons promis à l'abattoir.
La Boissière fit passer une missive à l'ennemi :
"Messieurs,
Je m'incline.
Le sort des armes m'a été défavorable. Je n'ai pu briser votre encerclement.
Ma trop grande témérité associée à l'inertie et au défaitisme de mon camp auront eu raison du destin de mes hommes.
J'accepte la capture avec résignation mais aussi beaucoup de ressentiment.
Salutations respectueuses,

Adj La Boissière

Trop de questions se bousculaient dans son esprit. Comment la Grande Armée, si puissante, celle qu'il avait vu défiler fièrement avant de partir pour les campagnes lointaines, comment ce fabuleux outil de combat avait pu devenir cette masse informe de compagnies perdues, incapables de forcer la victoire ?...