Récital de complaintes d'un Borronine aviné ou comment les sombres machinations de la haute Aristocratie Russes brisèrent les fragiles espoirs d'un sous-officier d'assister à la tardive reconnaissance de ses formidables compétences.
Cher Journal
Il est des jours comme celui là ou la neige précoce de l'automne ne permet pas de rafraichir l'ardente colère qui ronge ses entrailles. Moi l'adjudant Borronine décide en ce 20 septembre 1812 de prendre ma plume, malgré la bandage qui couvre ma main, pour satisfaire le besoin d'extérioriser une rage que je ne peux plus contenir.
Pour ceux qui s'étonneraient de voir un vulgaire sous officier, fils de paysanne caucasienne, dépasser le stade de l'analphabétisme et coucher sur papier ses sentiments, sachez messieurs que mon géniteur, à défaut d'être un père, a tenu, certainement pour soulager une lourde conscience, à ce que son illégitime rejeton, puisse d'échapper à sa triste condition en recevant une éducation.
Ainsi, pendant que ceux qui autrefois se moquaient du bâtard que j'étais s'échinent aujourd'hui à ramasser à longueur de journée des choux couverts de limaces dans une boue qui recouvre jusqu'au toit de leurs chaumières, moi j'œuvre quotidiennement pour la grandeur de notre Saint Mère Russie.
Car c'est en effet à l'armée du Tzar que je dois ma fierté. J'ai d'abord fait mes classes militaires avant d'avoir honneur de servir le Colonel Sergueï Zerkov, un illustre stratèges dont le génie, s'il est reconnu un jour, éclairera les générations futures.
Je me suis ainsi progressivement hissé, à force de travail et d'abnégation jusqu'au poste d'Adjudant et mes talents furent reconnus au point que le Sous Lieutenant Darei Pavlov fasse de moi son aide de camp.
Mais malheureusement la courte et vertigineuse ascension de ma carrière s'arrêta brusquement devant le mur infranchissable du grade d'officier. Pour accéder à cette caste, monopolisée par l'Aristocratie, seule la naissance importait. C'est confronté à la dure réalité de voir s'envoler la juste rétribution de mon engagement sans faille que je commençais à chercher réconfort auprès de la grande amie de l'infortune, celle qui réchauffe les cœurs et permet l'évasion. En me laissant sombrer dans l'ivrognerie la plus basse, je me permettait d'entretenir encore un espoir improbable.
Mais les voies du seigneur sont impénétrables et c'est par un jour pluvieux de Septembre que la providence allait, du moins c'était ce que je croyais, m'offrir une chance inespéré de relancer mon avenir.
Car c'est moi, l'adjudant Borronine, qui eut le privilège d'assurer le commandement de la compagnie après que notre bien aimé et infortuné commandant, eusse la jambe arraché par un boulet de canon français. Pendant plusieurs semaines c'est moi, son fidèle second, qui mena nos troupes aux fronts et qui repris avec vaillance la ferme Polchenine.
Et lorsque le Sous Lieutenant Darei Pavlov succomba des suites d'une horrible infection, j'espérais qu'on allasse en haut lieux enfin se décider à récompenser ma ferveur en me nommant à la tête de la compagnie.
Mais rien de tout cela n'arriva, non, en vérité mes supérieurs n'avait que faire des compétences de l'Adjudant Borronine et j'ai appris aujourd'hui que le commandement de la compagnie allait revenir à un un certain Alexai Diakonov, jeune officier tout droit sorti de l'académie militaire. Je ne le connais pas encore mais la rancœur que j'éprouve déjà à son encontre est tellement forte qu'oubliant le gel automnal, j'ai serré si fort le pommeau de mon sabre que je du m'arracher quelques lambeaux de peau pour dégager ma main de l'acier glacial. Mais que sont les quelques souffrances du corps face au supplice des tourments de mon cœur.
Voila la rage que je tenais à t'exprimer à toi mon journal, toi le seul capable de comprendre à sa juste valeur l'engagement de mon existence au service de mon pays.