Autunnois Stoppent L'Opoltchénie sur l'autre rive

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Autunnois Stoppent L'Opoltchénie sur l'autre rive

Message par vétéran NEY » Dim Avr 26, 2009 10:08 pm

Personne n’avait envie de dormir ; Chef de bataillon Robert Surcouf Duguay-Trouin, Del dongo et moi, nous étions à la même gamelle, et nous disions en nous regardant :

« C’est demain que ça va chauffer, si nous voulons passer la rivière pour ne pas etre broyé par l'avancée de L'Opoltchénie! Tous les camarades de Phalsbourg, qui prennent leur chope à la brasserie de l’Homme Sauvage, ne se doutent pas que nous sommes assis à cet endroit, au bord d’une rivière, à manger un morceau de vache, et que nous allons coucher sur la terre, attraper des rhumatismes pour nos vieux jours, sans parler des coups de sabre et de fusil qui nous sont réservés, peut-être plus tôt que nous ne pensons.

« Bah ! disait Del dongo, ça, c’est la vie. Je me moque bien de dormir dans du coton et de passer un jour comme l’autre ! Pour vivre, il faut être bien aujourd’hui, mal demain ; de cette façon, le changement est agréable. Et quant aux coups de fusil, de sabre et de baïonnette, Dieu merci ! nous en rendrons autant qu’on nous en donnera.

– Oui, faisait Duguay-Trouin en allumant sa pipe, pour mon compte, j’espère bien que, si je passe l’arme à gauche, ce ne sera pas faute d’avoir rendu les coups qu’on m’aura portés. »

Nous causions ainsi depuis deux ou trois heures ; del dongo s’était étendu dans sa capote, les pieds à la flamme et dormait, lorsque la sentinelle cria :

« Qui vive ! » à deux cents pas de nous.

« France !

– Quel régiment ?

– Autunnois »

C’était le colonel Ney et le Commandant Crom, avec des officiers de pontonniers et des canons. Le colonel avait répondu a notre appel, parce qu’il savait d’avance où nous étions : cela nous réjouit et même nous rendit fiers. Nous le vîmes passer à cheval, avec le commandant Crom et cinq ou six autres officiers supérieurs, et malgré la nuit, nous les reconnûmes très bien ; le ciel était tout blanc d’étoiles, la lune montait, on y voyait presque comme en plein jour

Ils s’arrêtèrent dans un coude de la rivière, où l’on plaça six canons, et, presque aussitôt après, les pontonniers arrivèrent avec une longue file de voitures chargées de madriers, de pieux et de tout ce qu’il fallait pour jeter deux ponts. Nos hussards couraient le long de la rive ramasser les bateaux, les canonniers étaient à leurs pièces, pour balayer ceux qui voudraient empêcher l’ouvrage. Longtemps nous regardâmes avancer ce travail. De tous côtés on entendait crier : « Qui vive ! – Qui vive ! » C’étaient les régiments du 3e corps sur notre aile droite.

À la pointe du jour, je finis par m’endormir, il fallut que Del dongo me secouât pour m’éveiller. On battait le rappel dans toutes les directions ; les ponts étaient finis ; on allait traverser .

mais les russes allaient surement nous pourchasser, vouloir traverser a leur tour

Il tombait une forte rosée ; chacun se dépêchait d’essuyer son fusil, de rouler sa capote et de la boucler sur son sac. On s’aidait l’un l’autre, on se mettait en rang. Il pouvait être alors quatre heures du matin. Tout était gris à cause du brouillard qui montait de la rivière. Déjà deux bataillons passaient sur les ponts, les soldats à la file, les officiers et le drapeau au milieu. Cela produisait un roulement sourd. Les canons et les caissons passèrent ensuite.

Le capitaine Robert Surcouf venait de nous faire renouveler les amorces, lorsque notre commandant arriva. Le bataillon se mit en marche. Je regardais toujours si les Russes n’accouraient pas au grand galop, mais rien ne bougeait.

À mesure qu’on arrivait sur l’autre rive, chaque brigade formait le carré, l’arme au pied. Vers cinq heures toute le monde avait passé. Le soleil dissipait le brouillard ; nous voyions, à trois quarts de lieue environ de l’autre coté de la rive maintenant sur notre droite, une vieille ville, les toits en pointe, le clocher en forme de boule couvert d’ardoises avec une croix au-dessus, et plus loin derrière, un château : c’était Mohilev que l'on avait quitté et pourtant .....

Le colonel Ney, qui venait d’arriver aussi, ils nous prépara a recevoir nos cosaques fougueux car il fallait repousser ces barbares qui semblaient avoir envie de nous rejoindre sur cette rive. Deux compagnies furent déployées en tirailleurs, et les carrés se mirent en place au pas ordinaire : les officiers, les sapeurs, les tambours à l’intérieur, les canons dans l’intervalle, et les caissons derrière le dernier rang.

Tout le monde se méfiait, je m’attendais à quelque chose. Malgré cela, de nous voir tous bien en rang, le fusil chargé, notre drapeau sur le front de bataille, nos généraux derrière, pleins de confiance. Je me disais en moi-même : « Peut-être qu’en nous voyant ils se sauveront ; ce serait encore ce qui vaudrait le mieux pour eux et pour nous. »

J’étais au second rang, derrière belgarion, sur le front, et l’on peut se figurer si j’ouvrais les yeux. De temps en temps, je regardais un peu de côté l’autre carré et je voyais le colonel au milieu avec son état-major. Tous levaient la tête, leurs grands chapeaux de travers, pour voir de loin ce qui se passait.

Déjà, quelques instants avant, j’avais aperçu plus loin, de l’autre côté, quelque chose remuer et reluire comme des épis où passe le vent ; l’idée m’était venue que les Russes, avec leurs lances et leurs sabres, pouvaient bien être là bas prêt a traverser ; j’avais pourtant de la peine à le croire. Presque aussitôt un éclair brilla juste en face de nous et le canon tonna. Ces Russes avaient des canons, ils venaient de tirer sur nous, et je ne sais quel bruit m’ayant fait tourner la tête, je vis que dans les rangs à gauche, se trouvait un vide.

En même temps j’entendis le commandant Crom qui disait tranquillement :

« Serrez les rangs ! »

Cela s’était fait si vite que je n’eus pas le temps de réfléchir. Mais 2 minutes apres il y eut encore un éclair et un bruit pareil dans les rangs, – comme un grand souffle qui passe, – et je vis encore un trou, cette fois à droite.

Et comme, après chaque coup de canon des Russes, le commandant disait toujours : « Serrez les rangs ! », je compris que chaque fois il y avait un vide. Cette idée me troubla tout à fait, mais il fallait bien Tenir.

Je n’osais penser à cela, j’en détournais mon esprit, quand le Major Bouchu, qui venait d’entrer dans notre carré, cria d’une voix terrible :

« Autunnois ! »

Alors je regardai et je vis que les Russes arrivaient en masse.

« Premier rang, genou terre… croisez la baïonnette ! cria le major. Apprêtez armes ! »

Comme del dongo avait mis le genou à terre, j’étais en quelque sorte au premier rang. Il me semble encore voir avancer en ligne toute cette masse de chevaux et de Russes courbés en avant, le sabre à la main, et entendre le Major dire tranquillement derrière nous comme à l’exercice :

« Attention au commandement de feu. – Joue… Feu ! »

Nous avions tiré, les quatre carrés ensemble ; on aurait cru que le ciel venait de tomber. À peine la fumée était-elle un peu montée, que nous vîmes les Russes qui repartaient ventre à terre ; mais nos canons tonnaient, et nos boulets allaient plus vite que leurs chevaux.

« Chargez ! » cria le major.

Je ne crois pas avoir eu dans ma vie un plaisir pareil.

« Tiens, tiens, ils s’en vont ! » me disais-je en moi-même.

Et de tous les côtés on entendait crier : Vive l’Empereur !

Dans ma joie, je me mis à crier comme les autres. Cela dura bien une minute. Les carrés s’étaient mis en marche, on croyait déjà que tout était fini ; mais, à deux ou trois cents pas de la rive, il se fit une grande rumeur, et pour la seconde fois le major cria :

« Halte !… genou terre !… Croisez la baïonnette ! »

Les Russes sortaient comme le vent pour tomber sur nous. Ils arrivaient tous ensemble ; la terre en tremblait. On n’entendait plus les commandements ; mais le bon sens naturel des soldats français les avertissait qu’il fallait tirer dans le tas, et les feux de file se mirent à rouler comme le bourdonnement des tambours aux grandes revues. Ceux qui n’ont pas entendu cela ne pourront jamais s’en faire une idée. Quelques-uns de ces Russes arrivaient jusque sur nous ; on les voyait se dresser dans la fumée, puis, aussitôt après, on ne voyait plus rien.

Au bout de quelques instants, comme on ne faisait plus que charger et tirer, la voix terrible du Major Bouchu s’éleva, criant : « Cessez le feu ! »

On n’osait presque pas obéir ; chacun se dépêchait de lâcher encore un coup ; mais, la fumée s’étant dissipée, on vit la rive face à nous couvert de corps vert

Aussitôt on déploya les carrés pour marcher en colonnes. Les tambours battaient la charge, nos canons tonnaient.

« En avant ! en avant !… Vive l’Empereur ! »

Nous allames a la rive par-dessus des tas de chevaux et de Russes qui remuaient encore à terre. Tous ces Cosaques de L'Opoltchénie, la giberne sur les reins et le dos plié, galopaient devant nous aussi vite qu’ils pouvaient : la bataille était gagnée !

L'Opoltchénie ne traversera pas !!!

Mais, au moment où nous approchiames de la rive. les canons russes tonnerrent et nous envoyèrent des boulets, dont l’un cassa la hache du sapeur Joé en lui faisant sauter la tête. Belgarion, eut même le bras droit fracassé par un morceau de la hache ; il fallut lui couper le bras le soir. C’est alors qu’on se mit à courir, car, plus on arrive vite a l’abri, moins les autres ont le temps de tirer : chacun comprenait cela. les russes jucher sur l'autre rive essayaient vainement de nous toucher

Quand nous fumes tous reformés, le maréchal prince de la Moskowa passa devant notre front de bataille et nous dit d’un air joyeux :

« À la bonne heure !… à la bonne heure !… Je suis content de vous !… L’Empereur saura votre belle conduite… C’est bien ! »

Il ne pouvait s’empêcher de rire, parce que nous avions couru comme le vent.

Et comme le commandant CROM lui disait :

« Cela marche ! cela cours »

Il répondit :

« Autunnois Vaincra »

Nous avions traversée pour rejoindre les Autunnois et repoussé les cosaques de L'Opoltchénie sur l'autre rive
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