L’adjudant Martin contemplait les ruines encore fumantes du petit bourg.
Il se remémorait ce mois et demi qui venait de s’écouler... Comment en étions nous arrivé là ? Par quel prodige le IIIe CA avait-il réussi à transporter autant d’hommes à travers les lignes ennemis ? Et comment se faisait-il que leur chef leur proposait sa démission après cette folle épopée ?
Tout débuta durant l’été, le IIIe CA ainsi que les Autunnois devant la poussée russe de 3 ou 4 régiment (je ne me souvenais plus) avait du se replier de l’autre côté de la rivière traversant Polotsk, pour pouvoir protéger la ville des assauts russes. Puis, petit à petit les troupes parties en permission revinrent, et, le moral des troupes gonflé à bloc, le camp français passa à l’offensive. "Bon baiser de Russie" qu’ils l’avaient appelé les chefs, bien aidé certes par la désaffection du front centre des troupes russes parties plus au Nord.
Au mois de septembre, la ville de Létobourg était tombé sous les coup de butoir des Autuns et des braves du IIIe qui décidèrent alors de mettre le siège devant le fortin russe situé au Nord de la ville. Le chef du régiment décidait de capturer le fortin, « une immense gloire pour le IIIe et pour la Grande Armée » qu’il disait, mais un événement au sein de la bataille modifia complètement les priorités ainsi que les enjeux.
Quelle poisse, dire qu’on y été presque à ce maudit fortin, si seulement...
Au mois d’octobre il était sûr maintenant que le fortin ne tomberait pas. De plus des messagers nous avaient rapporté que le fortin français était tombé.
Martin se rappelait aussi que ce sentiment de frustration ne fût que passager, on leur fit bientôt miroiter les larges espaces de l’Est, les chevauchés des cavaliers, les fantassins au pas de marches forcées, mais pourquoi faire ? Pour une ferme ? Quelle idée saugrenue, mais pourquoi pas après tout, on en avait vu d'autre. Tous les hommes s’étaient élancés vers ce nouvel objectif qui avait le mérite de nous faire découvrir de nouveaux paysages. Mais avant de pouvoir coucher dans la paille et tuer le cochon, il avait fallu s’emparer des objectifs alentours, deux mines et une ville, pour pouvoir s’assurer un peu de tranquillité.
La première mine était tombée presque sans coup de feu. Les troupes françaises étaient aux portes de la ville, la messe n’était plus célébrée par un de ces maudits hommes en jupe, mais... mais voila il y avait un "mais": il nous manquait la deuxième mine. Martin et son officier Rekin avaient reçu l’ordre de s’emparer de cet objectif, mais quand il arriva la mine était déjà gardé par 3 escadrons de cavalerie. Ils avaient du patienter deux jours pour s’en emparer, deux jours... deux malheureux jours qu’il nous manquait aujourd’hui.
Car les ruskofs s’étaient ressaisis et avaient lancé une contre offensive sur la ville, on s’était battu maison par maison, rue par rue, pour une cave, pour un grenier...Mais devant la puissance numérique russe les braves du IIIe CA avaient été peu à peu décimés, ils s’étaient battu avec l’énergie du désespoir, grognard comme marie-louise, fantassins comme cavaliers.
"Quel gâchis", pensait Martin, "on y était presque", et maintenant leur chef leur donnait sa démission pour avoir échoué, mais échoué de quoi ? D’avoir mené une offensive d’un bout à l’autre du champ de bataille ? D’avoir fait peur à ce tyran qu’est le tsar ?
Non, nous les braves du IIIe refusons cela.
Martin regarda une dernière fois la ville... comment s’appelait-elle déjà ? Ha oui, on ne lui avait pas encore donné de nom. Martin se disait que Georgesville sonnait bien, puis il s’élança au pas de course en chargeant les Russes, en criant « bon baiser de Russie, bon baiser de Russie »