Le boiteux

Racontez vos histoires autour d'un verre sous la tente...

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Le boiteux

Message par vétéran Dimitry Sarlov » Sam Nov 14, 2009 11:28 pm

Est-il dans la nature du monde que toute chose aspire à un rythme, et que dans ce rythme à une sorte de paix? C'est en tout cas ce qu'il m'a toujours semblé. Tous les évènements aussi cataclysmiques ou bizarres soient-ils, se diluent au bout de quelques instants dans les habitudes de la vie quotidienne. Par exemple, les hommes qui arpentent les champs de bataille à la recherche de survivants s'arrêtent pour tousser, se moucher, pisser... ou bien encore regarder le "V" d'un vol d'oies sauvages. J'ai vu des fermiers labourer et semer pendant que des armées s'entrechoquaient à quelques vestres de là. Il en fût de même pour moi. Je ne puis que m'étonner en repensant à cette période de ma vie : abandonné par ma femme et mes filles (contre leur gré), abandonné par mes amis, mes titres balayés d'un revers du droit et mon grade d'un revers du gauche...

Le soleil levant me frappa violemment les yeux et, encore abruti par le sommeil, je trainais lamentablement ma vieille carcasse, en boitant, jusqu'à la rivière, en m'appuyant sur ma hache. En me penchant au dessus de l'eau pour me rincer le visage, j'eus pour la première fois de ma vie honte de qui j'étais, de ce que j'étais. Bien qu'encore grand et large d'épaule, les effets du temps étaient de plus en plus visibles. Ma barbe épaisse et mes longs cheveux étaient parsemés de blanc et des plis apparaissaient de plus en plus nombreux sur mon front et sous mes yeux. Comme pour effacer cette vision pourtant bien réelle, je plongeai mes deux mains dans l’eau pour tordre le cou de cette vision, bien que cela était vain. En me retournant, mon regard se figea. J’avais autour de moi quelques dizaines d’hommes qui s’activaient pendant que je ne trouvais rien de mieux à faire que de me morfondre. Ces hommes... ces hommes... ils étaient ma fierté, la crème de la crème. Ces hommes étaient restés à mes côtés alors que je n’avais plus rien à leur offrir : plus de solde, plus le prestige d’appartenir à l’armée Russe, et surtout même pas de repas chaud ou un verre de vodka… Ils savaient qu'en me suivant ils risqueraient la potence, n'auraient plus d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles et pourtant ils étaient bel et bien là, vigoureux et forts, marchant la tête haute et le dos droit.
Pour eux je devais me ressaisir afin de les remercier de leur fidélité et de les conforter dans leur choix. Contenant le flot de sentiments qui inondait mes pensées, j'allais à leur rencontre, pour leur parler, pour nous construire un avenir commun.


« Camarades, mes amis, mes frères !! »
Petit à petit, ils cessèrent leurs activités diverses et se regroupèrent en demi-cercle autour de moi. Ils avaient les traits marqués mais le sourire toujours présent au coin des lèvres.
« Nous sommes à présent considérés comme des lâches et des déserteurs par ceux qui ont – comme nous - du sang russe dans les veines, nos anciens compagnons d’arme, nos anciens supérieurs… Mais nous avons tous juré, en signant notre acte d’engagement, fidélité au Tsar et à la grande famille de la Russie, et ce serment ne doit pas être rompu malgré les quelques suppôts de Satan bureaucrates qui veulent notre mort.
A nous de leur prouver que nos actes sont légitimes et que nuire à notre pays n’est pas notre objectif, car c’est comme nuisibles que nous sommes considérés à présent par les membres de l’État-major, aujourd’hui. Nous ne pouvons compter à présent que sur nous même, et croyez-moi quand je vous dis que l’hiver sera rude, nous pourrons certainement compter sur la bonté des gens du coin mais ça ne sera pas suffisant pour que nous mangions à notre faim et buvons à notre soif… »

On me coupa et un homme fit un pas en avant, son visage m’était familier bien que je ne connaissais son nom. Il faudrait d’ailleurs que je fasse l’effort d’apprendre le nom de chacun de ses hommes. La hiérarchie n’existe plus, nous sommes tous dans le même navire, la même galère… Nous devons ramer ensemble pour nous en sortir. Son œil-au-beurre-noir m’inquiéta, j’espérais qu’il n’y’avait pas de querelles au sein du groupe.
-« … Excusez-moi Chef…
-… Il n’y’a plus de « chef » qui tienne, mon bon ami. Mon grade n’existe plus… Appelle-moi le boiteux, et c’est valable pour vous tous.
- Très bien le boiteux… J’ai rencontré des hommes dans une taverne, ce sont les responsables de ceci, dit-il en pointant son œil. Ils ne sont pas russes, sont un peu rustres, manquent visiblement de manière et ont un accoutrement étrange mais fidèles au Tsar à ce que j’ai cru comprendre avant qu’ils créent un pugilat et retournent tout l’établissement. Ils ont installé leur campement dans le grand nord à une semaine de marche d’ici. Nous avons suffisamment de vivre pour nous y rendre et peut-être nous accueilleront-ils.
- Les membres du Kasak Voisko ? Demandais-je
- Un truc dans le genre oui…
- Ces hommes manquent effectivement d’éducation, une belle bande de vauriens et de brigands dit-on… mais… Dieu sait qu’ils ne manquent pas de culot au combat. Ils font tourner les membres de l’État-major et les lèches-cul du nabot en bourrique et sont souvent là où on ne les attend le moins. Personne ne viendra nous chercher à leurs côtés. Qui est d’accord pour se rendre au campement cosaque ? »
Les hommes se regardèrent les uns les autres, ne voulant visiblement pas lancer la première main vers le ciel. Une main qui pourrait nous conduire vers un funeste destin, ou bien vers une vraie aventure humaine à côtoyer un peuple très peu compris. Voyant l’hésitation, et la comprenant je levais la première main, rapidement imité par un, puis deux, puis trois autres…

Nous avions pris notre première décision. Nous irions voir les Cosaques.
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Message par vétéran Dimitry Sarlov » Sam Nov 14, 2009 11:31 pm

Il était loin le temps où je participais aux diverses tâches d’entretien d’un camp, je faisais de mon mieux pour soigner les quelques bêtes restantes, faire l’inventaire des vivres et des armements, où bien ne serait-ce qu’aller chercher de l’eau à la rivière... Ma jambe m’handicapait et je ne pouvais forcer trop dessus, d’autant plus que nous lèverions le camp dès l’aube prochaine dans le but de rejoindre le campement Cosaque. Mais m’appliquer à ces tâches qui me semblaient ingrates, m’aidait à me rapprocher des autres et me fondre dans la masse. Je n’étais plus le haut-gradé, d’ailleurs ce soir, je me débarrasserai de mes chevrons et médailles et j’inviterai les autres à en faire de même, et je devais montrer à ceux qui pouvaient encore me considéré comme leur chef que ce n’était plus le cas. Bien évidement, ils avaient besoin d’un leader mais un chef en aucun cas !! Jamais je n’ordonnerai plus, je conseillerai, m’exprimerai mais ils en feront de même… Je ne pourrai adopter ici les mêmes règles que celles qui nous ont porté préjudice.

Au soleil couchant, nous nous étions rassemblés près de la rivière, sous un arbre dénudé. Ce lieu avait été choisi volontairement… Nos deux derniers tonneaux de Vodka avaient été ouverts pour l’occasion.
Ce soir la Milice des parjures serait créée.

« Regardez cet arbre. Nous sommes exactement comme lui ! Dénudés mais pas pour autant prêts à rompre sous les bourrasques.
Qui sommes-nous ? Nous sommes avant tout des hommes du grand peuple de Russie, mais également des guerriers avec le fusil à l’épaule, le sabre au fourreau et une rage de vaincre incomparable. N’est-ce pas ? Mais nous sommes également des parias, malvenus sur nos propres terres et dans nos propres maisons. Nos familles nous pensent morts et si nous souhaitons aller à leur rencontre nous savons ce qu’il pourrait bien leur arriver…
A nous, de faire en sorte que nos faits d’armes arrivent aux oreilles du Tsar qui est le seul à pouvoir nous accorder le pardon. Le pardon pour une faute que nous n’avons pas commise, dû à la soif de pouvoir de certains hauts-gradés.
Aujourd’hui… arrachant mes chevrons et mes médailles afin de les confier aux eaux de la rivière … Aujourd’hui, je suis libre comme le loup et vif comme l’ombre. JE SUIS UN MEMBRE DE LA MILICE DES OUBLIES !!! »
Dans un même élan, les chevrons de chaque homme furent retirés plus ou moins délicatement des uniformes.
« Ce soir, festoyons !! »

C’est dans les «  hourras », que les tonneaux furent ouverts et que les verres se remplirent. Les chants retentirent dans la plaine. Me concernant, la proximité avec les autres me ravie au plus haut point : loin des us et coutumes habituelles, je me sentais bien. La chaleur et la fraternité m’entourant me réchauffèrent le cœur.

Ce soir là, je bu plus que de raison.
Dernière édition par vétéran Dimitry Sarlov le Sam Nov 14, 2009 11:35 pm, édité 1 fois.
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Message par vétéran Dimitry Sarlov » Sam Nov 14, 2009 11:35 pm

Une dizaine de jours plus tard, au campement Cosaque.
- C’est le chaos ici…
-Que s’est-il passé ?
Nous avions marché tranquillement afin d’économiser nos forces mais nous avions dû faire quelques détours afin d’éviter de croiser des garnisons Russes. Nous avions, pendant un moment, regretté de nous être débarrassés de nos insignes mais nous ne pouvions revenir en arrière. Nous étions arrivés sans encombre et les vivres n’avaient pas manqué.
Sur place, nous ne pouvions qu’être outrés du spectacle qui nous était offert. Des hommes visiblement chargés plus que de raison « éthyliquement » parlant dormaient dehors nus comme des verres, entourés de femmes nues également (certes très jolies). Une scène que les murs du plus huppé des bordels Moscovite ne connaitraient surement jamais. Mais où donc étaient passée les règles de la bienséance ? Les débris semés à gauche à droite n’ajoutaient que plus de glauque à cette vision d’horreur. Ces hommes pensaient-ils que les bouteilles plantées dans la terre feraient pousser des patates ou bien même directement de la vodka ?

Sous le choc, nous ne savions quoi faire, quoi penser… C’est le moment que choisirent quelques cavaliers pour nous tomber dessus. Ils étaient sortis de nulle part et malgré leurs yeux trahissant un état d’ébriété avancé, ils semblaient fiers et forts.

- « Posez-vos armes, culs blancs, nous ordonna un des cavaliers.
- Est-ce ainsi que l’on accueille des amis ? Je souhaite parler à votre supérieur… demandais-je d’un ton respectueux mais cependant ferme, en avançant vers lui.
- J’ai dit po-sez-vos-AAAaaaa-RME !! Après on cause s’tu veux, l’infirme. »
Nous n’étions pas en position de force, on décida donc de s’exécuter, même si nous étions après soumis à la bonne volonté de ces… barbares primitifs. Je ne chercha même pas à répliquer bien que l’envie de lui mettre une raclée, après l’insulte qu’il m’adresse, me chatouilla vivement.
-«  Votre chef donc, me répétais-je.
- Un chef ? Ahaha, vous voulez surement parler de notre hetman… Qu’est-ce qu’tu lui veux, hein !?
- Je ne parlerai que devant votre chef, je n’ai que faire d’un garde, saoul qui plus est… »
Mon interlocuteur me fixait sans répondre. Il tachait de jouer avec mes nerfs et visiblement il y arrivait.
-«  Notre hetman doit farcir quelques orientales à l’heure qu’il est. Qu’est-ce qu’vous voulez ?
- L’asile !! Et nous sommes surement au bon endroit : chez les fous !

Je commençai à penser que notre choix n’avait pas été le plus judicieux, la réputation des Cosaques était amplement méritée… La discussion avec les gardiens n’ayant mené à rien nous nous étions assis dans l’herbe, pourtant encore humide, en attendant un signe de leur chef. Une dizaine de Cosaques étaient restés nous surveiller pendant que les autres étaient surement partis faire des inspections de routines dans les environs.
-« Qu’est-ce qu’on fait le boiteux, chuchota un milicien assis à ma droite. On peut récupérer nos armes et s’enfuir je pense. Ces hommes sont saouls.
- N’en faite rien si leur réputation est exacte, ils sont plus dangereux alcoolisés que sobres. Et pour l’instant les rumeurs à leur sujet sont exactes : barbares, boissons, femmes… Soyons patients… Nous ne savons où aller autrement. Regarde-les, ils ne manquent de rien visiblement…
-… Si ce n’est d’éducation… ajouta t’il, ce qui m’arracha un léger rire.
- Espérons que leur Hetmachintruc soit un homme de valeur.
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Message par vétéran Dimitry Sarlov » Dim Nov 15, 2009 6:25 pm

L’attente commençait à devenir très longue. A croire que l’hetman n’était pas humainement constitué et qu’il avait une bonne dizaine de femelles à satisfaire… J’imaginai très bien le nombre de petits « bâtards » que ce peuple pouvait laisser sur son passage et je ne vous cache pas que cela m’effraya au plus haut point. Le manque d’éducation et la primitivité de ce peuple était visible – mais gare à ne pas juger trop vite des hommes dont notre Tsar disait le plus grand bien – et rien que le fait de penser qu’ils devaient se multiplier à une vitesse folle me répugna. Enfin… Ces hommes étaient surement notre seul espoir. Je ne donnai pas chère de nos peaux si nous venions à croiser un régiment de l’armée Napoléonienne, malgré l’envie et la rage nous animant.

Un homme d’une stature impressionnante, débordant légèrement de sa culotte mais assurément musclé et fort, s’approcha en titubant. Son épaisse barbe et ses cheveux au vent, ajoutaient au côté sauvage du Cosaque, mais on ne pouvait que remarquer les marques et cicatrices sur son corps. Il devait assurément être un guerrier farouche, bagarreur et inépuisable… à moins qu’il ne soit simplement né sous une bonne étoile. Il se dirigea vers les guerriers qui nous « surveillaient » et échangea quelques mots avec eux dans une langue qui m’était inconnue. Ca devait être lui, le chef Cosaque !! Mes pensées ne tardèrent pas à se confirmer, quant il s’exprima à nous dans un Russe correct grammaticalement mais légèrement cru dans ses propos.

-«  Je suis Habramovitch, hetman Cosaque, celui que les chefs de la Rada ont choisi. Qu’est-ce qu’vous m’voulez. J’tais tranquille’ à fourrer d’la pucelle en cuvant et v’la qu’on m’coupe en plein effort, pardi !!
- Parce que vous n’avez pas fini, lançai-je malgré moi plus étonné par son incroyable vigueur que par curiosité mal placée.
- V’s êtes chez les Cosaques ici, pas au palais de vot’ coquine de Tsarine… Bon qui vous êtes et qu’est-ce qu’vous v’nez foutre ici ? Ca fait longtemps qu’on n’a pas vu de ruskofs dans l’coin.
- Tu m’ét… pensai-je tout haut avant de me reprendre. On m’appelle le boiteux et voici les membres de la Milice des oubliés. Nous désirons combattre à vos côtés. »

En évitant tout le côté cérémonial à ma demande, j’espérai que l’hetman apprécierait ma franchise. Mais, aucune réaction de sa part, sinon un rire. Un rire totalement décomplexé mais inquiétant pour notre avenir…
- « Hahahahaha !! Un infirme et des maigrichons faiblards. Non mais franchement même des Ottomans dans la neige auraient meilleure gueule que vous… Allez voir les russes, dans votre état, vous f’rez surement la fierté de l’HEM. Hahahahaha !!! lança-t-il, repartant dans son rire.

Il n’avait pourtant pas tout à fait tord. En inspectant mes hommes, je ne pu que constater l’effet directe du rationnement drastique mis en place. Quant à moi, j’étais né infirme en effet… J’avais appris à vivre avec ce handicap qui était devenu ma force et ceux qui m’avaient mal considéré au combat ne sont plus là pour témoigner. Paix à leurs âmes.
Habramovitch s’arrêtant enfin de rire et ayant repris son souffle, nous dit-enfin.

- On verra ça à la Rada ce soir en attendant profitez de not’hospitalité. On vous apport’ra un repas chaud et à boire. Quant à toi l’infirme, tu parleras devant l’ensemble des chefs de guerre, à la Rada… On viendra t’chercher. Reprenez-vos armes mais ici les problèmes ça se règle à coup de poings, de bouteilles et d’chaises dans la trogne !!
- Merci Monsieur… dis-je alors qu’il nous avait déjà tourné le dos, retournant, semblant lutter face au vent quasi-inexistant, à ses occupations. »

Nos armes à la main nous nous sentions un peu moins vulnérables et la relative confiance que nous faisait le chef Cosaque, nous mit du baume au cœur. Je n’avais pas tout compris quant à cette histoire de Raba ? Raza ??, mais nous verrons. Les gardes nous autorisaient à nous approcher un peu plus du sinistre campement et même à y pénétrer si l’envie nous prenait, mais je dois dire que même le plus audacieux des hommes y réfléchirait à deux fois…
Quand le soleil fût à son apogée, les repas nous furent apportés, comme promis. Comme des morts de faim, (que nous étions…) on se jeta sur la nourriture sans même faire attention à l’aspect hideux de ce semblant de ragoût. Les quelques Cosaques passant nous regardaient en se fichant de nous, mais je dois bien avouer que sur le moment nous ressemblions vraiment à une meute de loup se partageant la carcasse d’une chèvre vieille et malade.

- « Tu vois Dimitry, j’t’avais bien dit que c’était bon le ragoût de musaraignes ?
- Ben ouais mais les touches personnelles de Poko, Andreas et Vitali, ont dû donner un petit plus à la sauce.
- Je t’avais dit que les russes préféraient leur bouffe bien salée… Si vous aviez pris le temps de baiser plus de leurs femmes, vous le sauriez… lança Vitali.
- Ah ben ouais, j’savais po qu’les russes aimaient qu’on leur pisse à la gueule… J’préfère de loin nos femmes, elles ont plus de caractère et ont des pratiques moins étranges, répliqua l’ainé des Sarlov. »

Pisse ?? Bouffe ?? Russes ?? Nous nous regardions et notre sang ne fit qu’un tour avant qu’une bagarre générale se déclencha. Ces rustres avaient pissé dans notre repas, l’envie de vomir me prit mais on devait avant tout corriger l’affront qui nous avait été fait. Deux marées humaines s’entrechoquèrent, nous d’un côté et les cosaques de l’autre. Les coups de poings et de jambes furent échangés, les bouteilles jonchant le sol se mirent à voler allant s’écraser sur les visages de cibles totalement aléatoires. Il n’y’avait pas de règles ni de tactiques, le seul but de ce « combat » était de faire mal à/aux l’homme/s qui se tenai(en)t face à soi. Personne ne tenta de stopper ce pugilat… naturellement, les hommes épuisés s’arrêtèrent jusqu’à l’arrêt total de l’affrontement. Plus personne ne se rappelait réellement de la raison de cette opposition, mais ça n’avait pas d’importance. En regardant autour de moi je pu voir des Cosaques et des membres de la milice se donner une accolade franche et fraternelle, d’autres relever les hommes sonnés ou bien trop fatigués pour se relever seul. Quelques blessés étaient à déplorer, mais rien d’important (nez cassés, saignements…) comparé à ce que cet évènement m'avait fait remarquer.

J’irais affronter les membres de la Rada ce soir en sachant qu’une entente était possible entre nos hommes…
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Message par vétéran Dimitry Sarlov » Dim Nov 15, 2009 6:28 pm

Comme convenu l’Hetman envoya quelqu’un me chercher au soleil couchant, sa discrétion et son amabilité me firent bondir.
-«  Le boiteux !! Le boiteux !! Lequel que c’est l’atrophié qui veut taper la causette avec les membres de la Rada ? Où qu’il est l’infirme ? Où qu’il se cache ? brailla t’il en marchant nonchalamment au milieu des autres miliciens…
- C’est moi… Ici… dis-je en ignorant ses propos. »
Je ramassai ma hache et me redressai sur mes jambes afin de le suivre. Il me fit traverser la moitié du campement avant de m’abandonner devant une grande tente. Pendant la courte marche, je ne remarquai même plus l’organisation anarchique, je devais déjà mettre habitué aux lieux bien que je n’avais osé m’y enfoncer pendant l’après-midi, préférant une petite marche dans la forêt adjacente.
- « Allez, boite donc dedans, j’vais pas rester planté là… D’ot’ chose à foutre !! » me lança t’il en maintenant l’ouverture afin que je puisse rentrer. 

A mon grand étonnement, le calme régnait à l’intérieur… Les chefs de guerre du Kasak Voisko étaient assis en tailleur, formant un cercle. Je pu reconnaitre l’hetman rencontré durant la matinée et quelques autres croisés dans l’incident du midi.
- Pose tes fesses, m’ « invita » l’hetman.
Après m’être exécuté, on me servi un verre d’alcool que je ne connaissais pas, sans même me demander mon avis, mais je suppose que ça devait être une de leur tradition. La danseuse orientale m’ayant servi était ravissante, je ne pu m’empêcher de contempler ses formes parfaites… Aussi rustres soient les Cosaques, je devais bien avoué qu’ils avaient bon goût en matière de femmes. Après avoir servi tout le monde les verres se levèrent, s’entrechoquèrent et se vidèrent.
-«  A l’Hetman !! » s’écrièrent sèchement les cosaques.
A la fois surpris et hésitant je me senti un peu seul avec mon verre plein.
-«  Eh ben… Tu vas le tasser ton godet ? » s’exclama celui qui, je l’appris plus tard, s’appelait Berner .
Dos au mur, je n’eus d’autre choix que d’avaler ce -loin d’être- subtil breuvage très… agressant. Il s’agissait en réalité d’une liqueur de fruits des bois. J’en avais déjà goûté mais des comme celle-ci, JAMAIS !! Je dû puiser dans mes ressources pour m’empêcher de rendre sur le délicat tapis, soigneusement brodé, sur lequel j’étais assis. Devenu écarlate et transpirant je leur lançai en toussotant :
-« Hummmm… Quelle charmante douceur que voici. Et moi qui pensais que vous n’étiez pas très regardant sur la qualité de ce dont vous remplissez vos verres, je ne me trompais pas. Je constate que vous arrivez à confectionner des alcools dignes d’écœurer le plus grand soiffard de la grande Russie.
- C’est une question d’habitude », me dit alors un Cosaque très propre sur lui et rasé de près. C’était Morlocks.

Je n’avais pas remarqué cet homme, très discret, qui avait avec lui un instrument de musique de très bonne facture apriori. Je prêtai alors une attention particulière aux membres siégeant à la Rada. Quoi qu’on en dise il y’avait visiblement de tout parmi leur rang. Certains semblaient issus d’une certaine noblesse, d’autres des quartiers malfamés de St Petersbourg tant leurs tenues n’étaient même pas digne d’être portées et leur corps négligés. Cette vision m’amusa. Jamais dans l’armée Russe des hommes si différents se regarderaient dans les yeux ou se considéreraient un minimum. Ici, on ne prenait guère de gants pour se parler, on ne se passait pas de pommade dans le dos, on disait les choses telles qu’elles doivent être dites et on apprenait à se connaitre. Cet aspect me plaisait chez ces hommes !!

L’hetman me coupa dans mon observation.

- « Camarades, l’infirme voudrait qu’nous l’accueillions parmi nous avec ces hommes. Qu’est-ce qu’vous en dîtes ??
- Où sont tes chevrons, le Russe m’interrogea Vitali.
- Longue histoire… Très longue histoire…
- On n’est pas là pour prendre la tisane, alors cause, bordel, l’agressa un autre. »
- Très bien, soit !! Vous avez dû entendre parler des derniers caprices des membres de l’HEM. Non-contents de ne pas se faire obéir au doigt et à l’œil, ils ont décidé de prendre les pleins pouvoirs en obligeant les chefs de tous les régiments Russes à signer une « Charte », ceux qui refusent se font destituer de leurs titres et de leurs grades et risquent la prison. Mes hommes et moi, sommes des guerriers nous n’avons que faire de ce qui se trame dans les bureaux, nous avions l’habitude d’être envoyés au travers des lignes ennemis en repérage et pour ralentir les renforts ennemis. Nous ne pouvons respecter des consignes à la lettre quand nos vies sont en jeu, les bureaucrates ne connaissent pas et ne se rendent pas compte de la réalité du terrain.
J’ai donc refusé de signer cette charte après en avoir discuté avec mes hommes. J’ai appris par la suite que mon épouse aurait reçu une missive l’informant de ma mort au combat, ma maison est gardée jour et nuit, je ne peux donc pas rentrer. Vous êtes-vous déjà retrouvé devant votre propre tombe ?
Nous avons marché pendant plusieurs jours pour arriver dans la région de Polostk pour vous rejoindre. Nous espérons que nous pourrions marcher à vos côtés en hommes libres, tout comme vous. Certes nous ne payons pas de mine mais après quelques bons repas, mes hommes seront prêts à reprendre le combat.
Je pense que plus tard, d’autres Russes en désaccord avec la politique de l’Etat-Major pourraient nous rejoindre. Quelques miliciens russes pourraient vous être d’une aide précieuse.
- Sors le boiteux, les chefs de guerre du Kasak Voisko vont voter. »

Je m’exécutai sans discuter. Je pensai que l’attente serait de courte durée mais je ne tardai pas à remarquer que j’étais dans le faux. Un groupe de guerriers Cosaques installé face à moi semblaient rire de moi. Quant l’un d’eux s’avança vers moi :
-« C’est avec ça que tu combats? demanda t’il en pointant ma hache.
- Oui, c’est une très bonne arme, plus lente que le sabre mais nettement plus puissante. Il suffit de compenser la vitesse par ceci, lui répondit-je en tapant sur mon crâne.
-Duel !! s’écria-t-il pour appeler ses camarades.
- Je refu…
Il avait déjà sorti sa shaska de son fourreau et m’obligea à parer sa puissante attaque avec le manche de ma hache. Il se déplaçait rapidement. Il tentait de tirer profit de mon handicap mais je demeurais face à lui, il n’arrivait à me déborder, ce n’était pas faute pourtant de manquer d’encouragements… Ses assauts étaient devenus brefs mais manquaient de puissance, il me harcelait je ne pouvais que le repousser sans pouvoir attaquer à mon tour. Je sentais que ses nerfs lâchaient il attaquait de manière désordonnée, ce qui aurait pu s’avouer dangereux car imprévisible, mais je me contentais encore de tenir. Une brèche finirait par s’ouvrir. J’analysais ses gestes, ils étaient répétitifs, pied droit, pied gauche, pied gauche, attaque… pied droit, pied droit revers. J’avais trouvé la faille. Mes lèvres articulèrent :
- « Pied droit, pied droit, revers, pied gauche, pied gauche, attaque, bam, T’es mort !! »
Son sabre au sol, l’homme ne pu que constater sa défaite. Chambré par ses frères d’armes, il me félicita.
-« Tu combats bien, le boiteux !! »
Les membres de la Rada avaient assisté au spectacle, et me regardèrent d’un air approbateur en m’invitant à revenir dans la tente.
- « Tu t’es bien démerdé pour un infirme… Tu es le bienvenu avec tes hommes. Mais… aucun de vous ne pourra prétendre à avoir accès en ce lieu qu’est la Rada. Ici, les recettes des pillages sont partagés équitablement entre les hommes.
- Des pi… quoi ? Mes hommes ne sont pas des bandits…
- T’auras pas de soldes ici, si t’as faim, tu voles. Tu verras quand tu crèveras la dalle pendant plusieurs jours.
-Je compte sur la générosité des fermiers de la région.
- Tu parles des culs terreux qui se sont fait baisés par les franskis ou d’ceux qui ont pris leur grognasse et leur marmaille pour fuir? »
Il n’avait pas tord, il connaissait la région mieux que moi, je devais au moins lui accorder ça. Nous aviserons au moment venu, nous n’y étions pas encore.
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