Il neigeait

[vétéran Percy (Mat. 18958)]

Le 1er décembre, il commença de neiger de temps en temps, le ciel s'obscurcit, de gros nuages s'inclinèrent vers la terre, et enfin le 2 décembre arriva l'hiver de Russie, accompagné de tempête et d'une épaisse masse de neige qui nous dérobait le jour : nous avancions toujours sans savoir où nous portaient nos pas, ni quels étaient nos compagnons d'infortune. Une furieuse tempête nous chassait dans le visage la neige qui tombait du ciel à gros flocons, ainsi que celle qu'elle soulevait de la terre, et semblait vouloir à toute force s'opposer à notre marche. Les chevaux de Margont ne pouvaient que difficilement avancer sur un terrain glacé ; la route sur laquelle la Grande Armée se dirigeait à pas précipités en dehors de Polotsk, se jonchait de cadavres de soldats russes gelés. Mais bientôt la neige les a couverts comme un immense linceul, et de petites élévations, semblables aux tombeaux des anciens, ne nous montre plus que faiblement les traces de ces moujiks ensevelis. Ce qu'il y avait de plus affreux que tout cela, c'est les seize heures de nuit qu'il fallait passer dans les bivouacs au milieu de la neige, le plus souvent sans vivres, sans feux. Le premier bivouacs d'hiver qui m'attendait, se déroula dans Polotsk, .... Les jours qui suivirent la neige tomba par intermitence...


Tant que nous aperçûmes au-dessus de nous un ciel serein, tant que nos pieds foulèrent une terre ferme, tout allait bien. Nos légers vêtements nous garantissaient encore assez des vents d'automne, nous trouvions des vivres dans Polotsk ou sur l'ennemi. Mais bientôt l'azur du ciel s'obscurcit, la neige descendit à gros flocons du haut des nues; le Nord, avec tous ses frimas, abandonna son palais de glace et vient fondre sur nous avec une fureur inouïe. Ce 10 décembre au lever, la route avait disparu, et aussi loin que s'étendaient les regards, l'œil s'arrêtait ébloui sur une immense surface blanche. Après ce jour de fatigues et de souffrances, les hommes de Relmyer atteignîrent les tentes, dans le voisinage desquelles d'autres tentes, cachées sous la neige, leurs annoncèrent que des frères d'armes les avaient précédés et y avaient cherché du repos. Le profond silence qui y régnait lui fit présumer qu'ils avaient déjà abandonné cet asile; ils avaient déjà repris la route du front.
Les voltigeurs de Glüntz s'étaient trouvés un abri dans les bois.