Le Bataillon des Loups Noirs

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Re: Le Bataillon des Loups Noirs

Message par Lupus » Lun Nov 23, 2015 10:56 pm

Chapitre 19 : une bonne expérience de l'artillerie, et une entrée en Gendarmerie :

- Bataillon...à mon commandement...'ARRRRRDDD'VOUS !!

La voix rauque du Chef de Bataillon Vosgiens claqua sur la plaine. Devant les tentes qu'ils avaient montées, et hormis les quelques hommes affectés à la garde du campement et à la tambouille, l'ensemble du Bataillon des Loups Noirs claqua des talons.

- 'SEEEEENNNTEEEEEZ...ARM' !!!

Les officiers présentèrent le sabre et les troupiers présentèrent le fusil, les sous-officiers et les artilleurs se mirent simplement au garde-à-vous.
Le Colonel Lupus, chef de corps, sortit alors de sa tente, et salua Vosgiens, qui lui rendit le salut au sabre. Puis, tous deux commencèrent la revue des troupes, qui, disposées en carré ouvert sur un côté, sur la place d'armes improvisée sur l'herbe, suivaient leurs deux chefs du regard.
Lupus saluait les compagnies et pelotons de sa troupe, les uns après les autres. Son regard scrutait chaque détail, car, enfin, la troupe était toute entière parée de l'insigne de la 35ème Légion de la Gendarmerie Impériale. Les hommes du Bataillon des Loups Noirs avaient certes fière allure : ces géants, qui presque tous portaient la moustache, parfois même la barbe, étaient vêtus d'uniformes d'un bleu très sombre, parés de la grenade d'or; leurs couleurs françaises, sur leurs drapeaux, et les lettres d'or et les médailles d'ancienneté qui y pendaient, étaient les seuls tons qui détonaient vraiment.

Ayant fini le tour des troupes, Lupus et Vosgiens se placèrent sur le côté ouvert du carré, et Lupus, qui de ses deux mètres vingt-cinq dominait les autres, lança de sa voix profonde et puissante:


- Messieurs !
Après les longs affrontements des régions de Brailia et Cahul, nous avons quitté la Brigade Infernale, avec qui nos chemins ne s'accordaient malheureusement plus.
Nous avons alors progressé vers le Nord, et nous sommes installés un temps dans le secteur de Campina où, avec les rares autres troupes présentes, nous avons livré les durs combats pour protéger la forêt de Vulcan et empêcher une percée directe de l'ennemi russe contre le campement principal de la Grande Armée.
Puis, plus récemment, nous nous sommes tournés vers l'objectif de la Grande Armée : la destruction de la forteresse de Brailia. Dans ce défilé étroit, où les compagnies s'entassaient les unes sur les autres, vous avez fait preuve d'une extrême combativité. J'en profite pour saluer notre VI° Batterie, qui a acquis l'expérience nécessaire pour que ses officiers et sous-officiers pointeurs de pièces se voient attribuer la qualification de balisticiens !


Le capitaine commandant l'artillerie du bataillon répondit en saluant du sabre, tandis que des murmures approbateurs parcouraient les rangs et que quelques "bravos" fusaient ici ou là. La rumeur cessa cependant vite, car le colonel n'avait pas terminé.

- Dans le même temps, j'ai entamé les démarches pour que le bataillon quitte les rangs des francs-tireurs et rejoigne ceux de la Gendarmerie Impériale. Le Grand Prévôt De Villeneuve et le Vice-Prévôt Bailly ont accepté, ce qui nous vaut aujourd'hui l'insigne honneur de porter enfin, cousu à chaque épaule, la grenade d'or de ce corps d'élite.
MAIS !
Mais n'oubliez pas : intégrer la Gendarmerie Impériale n'est pas intégrer un simple régiment. Nous intégrons une Arme particulière : une Arme où nous servirons tous, je dis bien tous, la Justice militaire. Chacun de vous suit d'ores et déjà des instructions spécifiques à nos nouvelles qualifications d'auxiliaires de la Prévôté Militaire. Nous ne sommes pas encore de véritables gendarmes, mais nous le deviendrons.
Cette qualification rejoint, vous ne l'ignorez pas, mon poste de Directeur Général de la Protection, de la Surveillance et des Peines Militaires, auprès du Cabinet Militaire de Sa Majesté Impériale, ainsi que ma passion de la Loi, seul moyen de tenir en équité les membres d'une société, et de tenir en stabilité cette société elle-même.
Aussi, je compte sur vous pour tout faire afin de mériter et de bien user de cette qualification. Soyez dignes de la Grenade.


Lupus marqua un temps, quelques murmures fendirent le silence, un court instant.

- Ceci étant, nous faisons désormais marche vers le Nord. Comme vous le savez, soit par vos supérieurs, soit par les rumeurs récoltées auprès de vos camarades des autres bataillons de la Grande Armée, l'armée impériale russe, malgré ses importantes réserves de ressources, a craqué au Centre et, surtout, au Sud : son dispositif a été complètement défait, notamment par la Garde Impériale. Je suis désormais en mesure de vous confirmer officiellement que les troupes françaises ont, en plus de tenir toujours Brailia victorieusement, réussit à s'emparer du moulin de Bolgrad ! Il est même possible que les deux fermes du Sud-Est servent bientôt de campements à nos armées !

De nouveaux murmures approbateurs s'élevèrent dans les rangs. Cela avait certes couru depuis un moment, mais une confirmation par le chef de corps donnait toujours un caractère réel à une information.

- Au Nord-Ouest, le sureffectif russe a réussit à entamer un moment nos forces, au point de faire tomber notre fortin et notre ferme; mais désormais, la Grande Armée y a redéployé des forces, et notre poussée ne souffre d'aucune comparaison avec celle que les russes avaient appliquée : l'armée du Tsar est battue en brèche, et recule en courant. Des informateurs ont laissé entendre que déjà des russes, faute d'assez de ponts, se jetaient dans la Mures, au niveau de Nadvorna et Putna, pour traverser à la nage. Notre avant-garde s'enfonce dans leurs rangs comme dans du beurre, et le gros de notre armée du Nord ne rencontre aucune véritable résistance. Nos cavaleries chargent avec fanfare en tête. A ce rythme, il est probable que sur Brasov flotte à nouveau notre drapeau tricolore sous quinze jours seulement.

Cette fois, des "hourras" fournis fusèrent dans les rangs, et quelques hommes agitèrent leurs chapeaux. Lupus attendit un instant que tout se calme.

- Oui, oui, bravo à nos frères d'armes. Et Messieurs, je compte que nous soyons bientôt des leurs, et foncions également sur la ferme Nord-Est des russes. Ainsi, ils pourraient être bientôt encerclés de toutes parts dans une poche, et seraient contraints à revoir leur déploiement. La reddition ou la retraite est malheureusement peu envisageable, car ils disposent d'assez de réserves pour tenir longtemps même acculés dans une poche des Carpates : plus, en fait, que notre charroi ne pourrait nous en fournir.
Toutefois, sachez que même une demie-victoire, ici, serait une superbe victoire : ici, à quelques centaines de lieues seulement de la Pologne et de l'Autriche-Hongrie, nous pourrions infliger un revers à l'armée tsariste, tel qu'elle y perdrait son aplomb depuis trop longtemps conservé. Et que nos alliés, allemands et autrichiens surtout, seraient convaincus que nous sommes invincibles, et que la balance du Destin penche à nouveau en notre faveur.


Lupus se fendit de l'un de ces terribles sourires dont il avait le secret : le regard bas et sombre, un rictus cruel soulevant le coin des lèvres et découvrant ses dents d'ivoire, il était l'incarnation du tueur, du chasseur...

- Oui, Messieurs ! L'armée russe ploie sous nos coups ! L'Empereur voit sa Grande Armée marcher sous le soleil, comme lorsque à Austerlitz elle s'avança et détruisit les rangs adverses après que le soleil eut parût !
Souvenez-vous, mes camarades, mes frères : ici, dans ces montagnes abandonnées du monde, la Grande Armée va infliger un cuisant revers à Alexandre et ses bouffons, y compris cosaques ! Je compte donc sur vous pour que la Victoire nous enlève, et que nous volions sous ses ailes !!


Cette fois, un grand cri déchira la plaine, comme un grondement de tonnerre. Lupus salua sa troupe, puis tourna les talons. Vosgiens dû attendre deux ou trois minutes, que la clameur se calme, pour pouvoir appeler les officiers et distribuer les ordres de marche...

Les Loups retournaient dans le Grand Nord, leur terrain de chasse préféré, les crocs aiguisés, l'ardeur au cœur, alors que les parfaites conditions se réunissent... L'Hiver vient...
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Re: Le Bataillon des Loups Noirs

Message par Lupus » Mar Nov 15, 2022 2:03 am

Chapitre 20 : retour dans le froid :

De la colonne n'émanaient guère d'autres bruits que le grincement des roues, le crissement de la neige sous les pieds et les sabots ; parfois un ronchonnement mécontent, mais bien plus souvent un éternuement ou un reniflement. Le Bataillon des Loups Noirs était de retour en Russie, et les hommes ne le vivaient pas très bien, tant ils s'étaient déshabitués aux frimas russes. Le géant mais vieillissant colonel qui les commandait, sur le côté, les regardait passer en silence.
Comme eux, Lupus était fort las de la longue marche qui l'avait ramené en Russie, et considérant qu'il avait été rappelé ici pour faire face aux russes, la situation ne devait pas être très reluisante. Pourtant, ses sentiments étaient mitigés : il détestait, certes, ces vastes espaces dont l'hiver accentuait la rudesse, ces vastes plaines et ces nombreuses collines qui avaient vus tant de ses hommes mourir ou finir estropiés.

Mais, en même temps, elles soulevaient en lui de nombreux souvenirs : jadis, alors que tout juste breveté officier, il était monté au front avec ses excellents amis, les jeunes Hendrix et Dorian le Grey, et comment ils étaient motivés pour servir et pousser la Grande Armée ; comment ils avaient vite quitté le 30e Régiment pour rejoindre plutôt l'exceptionnelle Armée du Rhin, où lui et Dorian s'étaient épanouis : Tommy, alors chef de Régiment, mais aussi Brialmont, Vavaaa, Winters, Juan, Bouchu...et puis ce cher Alberich, auprès de qui il avait développé son goût des cartes : il n'avait jamais été membre officiel du service annexe de renseignement et de cartographie de l'Empereur -le SARCE-, mais avait été fier d'y contribuer et même d'être régulièrement et directement sollicité pour proposer des plans et analyses au Haut-état-major impérial d'alors... Alberich, avec qui il avait aussi vécu, trop peu de temps, l'exceptionnelle aventure du "Petit Génie", ce journal aussi plaisant à lire qu'à écrire...
Et puis, il y avait aussi eu ses fonctions de Commissaire à la Guerre, d'abord à l'Armée du Rhin puis auprès de l'Etat-major impérial : il avait adoré se plonger dans les textes de lois, malheureusement plus souvent pour accuser que pour défendre ; et il y avait acquis une réputation de bureaucrate exécrable, ce qui ne lui avait guère plu mais lui avait néanmoins était utile. C'était d'ailleurs à cette période qu'il avait commencé à rédiger un nouveau Code militaire et un nouveau Code de Justice militaire -par la suite adopté pour remplacer les textes précédents malheureusement dépassés : la Constitution Paoli, le Code Pierre Monzenat, le Code de Justice de Sainte-Croix et ses annexes de de Dare...
Pourtant, ce n'était pas lui qui avait publié ces textes. Il avait d'abord plongé dans l'univers de la Chancellerie, devant gérer les cérémonies de récompenses, l'administration du Haut état-major et de l'Etat-major impériaux, et même les élections mises en place alors, à plusieurs reprises : malgré des critiques toujours nombreuses, il restait persuadé que, cette fois-là en tous cas, il avait parfaitement assumé sa charge et avait porté haut le flambeau de l'administration militaire ; il avait publié le Règlement Chancellerie, tandis que Tommy, alors Juge Suprême qu'il conseillait en permanence sur d'innombrables sujets, promulguait le nouveau Code de Justice militaire. Mais ce n'est qu'après avoir passé la main de la Chancellerie à Dami, un autre excellent ami, qu'il avait eu l'heur de voir celui-ci enfin faire voter et publier ce qui avait été alors appelé la Constitution de la Grande Armée. Il se demanda d'ailleurs un instant si ces textes avaient survécus et étaient encore en usage. S'il les avait proposés et tant peaufinés -un travail en sous-main bien plus long qu'aucun officier de l'Empereur ne pouvait le concevoir !-, c'était en espérant qu'ils survivraient au choc des hommes et des réalités, contrairement aux textes précédents qui avaient fini par tomber en désuétude.
Dans le même temps, il avait été élu Général de la Grande Armée, l'un des deux adjoints du Général-en-chef Ferdinan Charleville : mais cette fois, il n'avait guère pu agir, et s'était vite retiré, ne parvenant pas à fonctionner correctement avec son supérieur...une occasion terriblement manquée, car s'ils s'étaient entendus, le trio à la tête de la Grande Armée aurait alors pu fonctionner à merveille, son supérieur et son pair étant pour leur part d'excellents meneurs d'hommes tandis que lui-même aurait pu piloter le SARCE et l'administration militaire...enfin, il détenait toujours, sauf erreur, le triste record de l'officier du Haut-état-major impérial ayant occupé ses fonctions le moins longtemps !
Cela ne l'avait pourtant pas mis sur la touche : à peine déchargé de sa fonction, il avait rejoint le Cabinet de Sa Majesté l'Empereur : cette fois, il y avait longuement et activement servi, s'y attirant, comme dans ses fonctions de Commissaires à la Guerre, une haine farouche de bien des français plutôt que des russes. Il avait même été nommé Directeur général de la protection, de la surveillance et des peines militaires, c'était dire !
Pendant qu'il servait au Cabinet, cependant, son bataillon avait beaucoup navigué : quittant l'Armée du Rhin tant aimée, il avait très rapidement servi comme commandant intérimaire de l'Ecole militaire française, puis avait longuement rejoint le IIIe Corps, qu'il avait précédemment côtoyé aux côtés de l'Armée du Rhin. Lorsque le IIIe Corps avait été dissous, il avait rejoint pour un temps la Brigade Infernale, dont il connaissait les hommes de la même façon -souvenir de la grande et terrible époque de Polotsk et de la force de choc que constituaient ensemble le IIIe Corps, la Brigade Infernale et l'Armée du Rhin... Enfin, il avait intégré la Gendarmerie Impériale, servant alors sous les ordres de De Villeneuve et son adjoint Jean Bailly, l'ex-Juge Suprême sous le mandat duquel, officier peu gradé, il avait longuement fait ses armes de Commissaire à la Guerre : le poste de Juge Suprême était d'ailleurs le seul poste qu'il regrettait de n'avoir pu occuper.
Mais enfin, après un temps, l'Empereur l'avait déchargé de ses fonctions au Cabinet, quelques temps après que ses hommes aient été rappelés de Russie pour venir servir de garde d'élite dans les environs de Paris. Avec son bataillon, il avait alors mené des missions de garnison, mais aussi de maintien de l'ordre et...d'actions "discrètes". Les Gendarmes impériaux faisaient partie de l'élite des armées impériales, mais, s'ils étaient en charge de maintenir l'ordre et de servir de supplétifs à la Justice, ils n'en étaient pas moins aussi chargés de servir la Raison d'Etat. Fidèle grognard ayant servi au Cabinet, il recevait alors certaines de ses missions secrètes directement du duc de Rovigo...

Le souffle glacial de la Russie vint fouetter son visage : habitude toute militaire, bien qu'il ait été ainsi plongé dans ses souvenirs, il ne s'était presque pas écarté de la colonne de ses hommes, qui marchait à sa gauche. Le géant rentra un instant le cou dans son col, puis releva le regard sur l'étendue blanche devant ses pieds.
Finalement, après ce long casernement, des missives étaient venues de Russie : le mythique Général-en-chef de la Grande Armée, Guillaume de Sarthe, désormais Major-général de celle-ci, avait battu le rappel des troupes. Les premières demandes adressées au département de la Guerre n'avaient pas été transmises à Lupus : d'évidence, certaines estimaient qu'il était alors mieux en France qu'au front. Pour eux ou pour lui ? A cette question, il lui était impossible de réponse...
Sans émotion aucune, il songea que ceux-là même, ou d'autre, l'avaient renvoyé ici pour se débarrasser de lui : la lance d'un cosaque, la balle d'un mousquetaire de la régulière, le boulet de l'artillerie tsariste ou le sabre d'un officier : il savait bien qu'il n'était aucunement immortel. Il se sentait cependant vieux et las de tout, même de la vie. Seuls sa fidélité à la France et sa loyauté envers les hommes de son bataillon le poussaient encore à servir et à tenir. Pourtant qui sait : là, dans ces vastes plaines gelées, allait-il peut-être connaître quelque printemps de l'esprit ? Il restait encore ses crocs au vieux loup...
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