Le Bataillon des Loups Noirs

Racontez vos histoires autour d'un verre sous la tente...

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Le Bataillon des Loups Noirs

Message par Lupus » Jeu Août 05, 2010 6:04 pm

[HRP: suite de ce sujet: http://www.campagne-de-russie.com/forum ... php?t=7163
Comme il ne s'agit plus de descriptions mais de récits d'actions, j'ai préféré recadrer la suite dans la zone du forum la plus adaptée]



Chapitre 4: Vers la défense d'Emeraude.


Lupus avait mal dormi. Très mal dormi. Debout dans l'herbe, près de ses hommes qui se reposaient, assis, de chaque côté de la route de la Traverse, il caressait de la main gauche l'encolure de sa monture, et de la main droite se massait la nuque, une grimace sur les lèvres.

- Content ?

Un grognement répondit à la question de Vosgiens, le second de Lupus.

- Je te parles pas de ton dodo !
- Hummm...moui, content... Enfin, ça aurait pu être mieux.
- C'est déjà pas mal...

Lupus hocha lentement la tête. Il fallait bien convenir que le résultat, vu le peu d'expérience du bataillon, n'était pas si mal.

- Ce Major Fidinho n'a pas été touché que par nous...mettre en fuite sa compagnie qu'il commandait lui-même, c'est pas mal...mais cet Yvana Kourine...ou "cette"...pff, malgré que sa compagnie fut déjà presque réduite de moitié, et malgré nos assauts...n'a pas battu en retraite. Il a fallut que d'autres français mettent en déroute la soixantaine d'hommes qu'ils leur restait après notre attaque !
- T'énerves pas...tu oublies que ton Adjudant a gagné un galon.
- C'est pas ça qui va me mettre en joie...ce qui me plairait, c'est d'avancer suffisamment vite en grade pour qu'on nous autorise à rameuter d'autres de nos hommes...mais ça va être long.

Vosgiens détourna la tête et prit un ton léger, faisant le sourd à cette dernière réplique.

- Alors, et Emeraude ?
- Bah...on y va aussi vite que possible...et on s'accrochera par les ongles s'il le faut.

La réponse avait été légère. Trop légère: Vosgiens se rembrunit, et son ton se fit agressif.

- Tu es prêt à sacrifier nos hommes ainsi ?
- Exactement. Parce qu'Emeraude, c'est le verrou stratégique du Nord. Sans lui, adieu Saphir, et adieu le passage vers l'Ouest. Alors désolé, mais on se battra jusqu'au bout pour protéger cette ville. Pas question, ne serait-ce qu'une seconde, de battre en retraite, même si j'en reçoit l'ordre du régiment. Et je suis sûr que le Sous-lieut' Dorian est d'accord avec moi...c'est compris, "juteux" Vosgiens ?

Lupus cessa de caresser son cheval et s'avança vers la deuxième compagnie, placée de l'autre côté de la route, plantant là Vosgiens, purement et simplement.[/u]
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Message par Lupus » Mer Août 11, 2010 5:46 pm

Chapitre 5: Première défaite, début de la deuxième marche vers le front.



Les deux compagnies des Loups Noirs s'étaient installées au Sud-Est de Diamant, le long du Couloir. Un peu moins de la moitié des hommes étaient encore blessés, et les autres étaient surtout des renforts arrivés pour compléter les deux compagnies, amputées de la moitié de leurs hommes, après de nombreuses attaques de l'armée russe subies immédiatement à l'Ouest d'Emeraude, désormais tombée aux mains de l'armée du tsar.

Heureusement, le matériel avait été sauvé: lorsque les deux compagnies avaient été défaites, esseulées et en première ligne à l'Ouest de la ville, elles étaient passées par un petit bois où tentes, chevaux, munitions... avaient été laissés, puis avaient contournée la ville par le Nord, avant de rejoindre la base arrière du 30ème.

Désormais, les hommes n'emporteraient plus qu'armes, munitions, une toile cirée et une couverture pour dormir, et de quoi se soigner, ainsi que, bien évidemment, la nourriture et l'eau: il était, semble-t-il, inutile d'emporter de quoi mieux se protéger et s'approvisionner.

Mais Lupus n'était pas satisfait. Même s'il avait su, dès qu'il avait vu les lignes russes, que ses hommes se feraient écraser, il n'appréciait pas de ne pas avoir pu porter davantage de coups russes. De toute façon, il avait pour habitude de ne pas se montrer satisfait.


Bref ! Les hommes étaient installés, et soupaient tristement. Ils avaient retrouvées les troupes du Sous-lieutenant Dorian le Grey à l'hôpital de campagne du 30ème, et ce n'était pas pour les réjouir, même s'ils désiraient créer un groupe avec les forces du croissant pour mieux affronter les "ruskovs".

Et bientôt, ils combattraient de nouveau, oui ! Les "verts" retrouveraient bientôt ce petit caillou qu'étaient les loups, dans leur chaussure. Avec tous les autres cailloux de la Grande Armée, les russes ne pourraient plus marcher sans tomber...c'était du moins ce qu'escomptaient Lupus...
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Message par Lupus » Mer Sep 22, 2010 1:23 pm

Chapitre 6: Pertes, blessures, doutes.

La Ière compagnie de Lupus campait sombrement, au Sud-Est de Polotsck, en arrière du front de l'Armée du Rhin et d'une partie de l'EMF.

Quelques jours plus tôt, plusieurs attaques russes avaient manqué de peu d'anéantir la compagnie vêtue de noir; et en échange, à peine 2 russes étaient tombés... Forcé de faire replier ses hommes en arrière de la ligne de front, après seulement quelques heures passées devant, Lupus attendait maintenant encore quelques hommes en renfort et que ses derniers blessés soient rétablis.

Mais malheureusement, ce n'était pas la seule mauvaise nouvelle: Vosgiens, l'Adjudant de Lupus, à la tête de la IIème compagnie, avait, sur ordre de Lupus, tenté de contourner les russes avancés vers les campements français, par le Sud, pour rejoindre l'AdR...malheureusement, en moins de deux jours, ses hommes avaient été mis en déroute, écrasés par les russes, et n'avaient guère pu infliger que trois pertes aux russes.

Lupus s'en voulait: pour tous ces morts dans ses rangs, pour le peu de pertes infligées aux russes, et pour le temps ainsi perdu. Certes, il savait qu'il n'avait guère de chances, en tant que Sous-lieutenant, face aux officiers supérieurs russes, mais cela l'énervait au plus au point, tout de même !

Et si seulement c'étaient les seules choses qui atteignaient le moral des "Loups Noirs" !
Lupus, qui jusque-là était, comme à son habitude, adossé à un arbre, à l'ombre, se leva et frappa du poing dans le tronc, presque rageusement.
A quelques pas de là, deux "cabots" se retournèrent, mais ne dirent rien, se contentant de fixer leur supérieur sans la moindre expression: mieux ne valait pas intervenir quand Lupus était...déstabilisé.

Le grand officier barbu massa son poing, d'où coulaient maintenant quelques gouttes d'un sang sombre; puis il se mit à marcher, ses grandes et larges bottes écrasant l'herbe verte, jusqu'au fleuve. Lupus descendit jusqu'au bord, et trempa ses bottes jusqu'à mi-jambe; assit sur la terre trempée de la berge, il sortit d'une poche une vieille pipe en bois, qu'il coinça entre les dents. L'homme n'était pas fumeur, mais mâchonner le tuyau de la pipe l'aidait à se détendre, et le bois même avait un certain goût en bouche, qu'il ne trouvait pas désagréable.

Les yeux fixer sur les vaguelettes du courant, les oreilles fermées aux lointaines canonnades, le géant chercha à mettre de l'ordre dans son esprit.
Au Sud, la situation n'était pas si mal: la ligne avançait, et réussirait peut-être même à contourner les fidèles du tsar.
Polotsck était en partie prise, et d'après certaines estafettes sa conquête totale ne devrait plu tarder.
Au centre, une force russe menaçait les lignes d'approvisionnement françaises, mais il était certain que ça n'allait pas durer; d'ailleurs, ces russes n'étaient probablement pas assez nombreux pour mener une opération durable. Par contre, une ville-clef de la moitié Nord du champ de bataille était désormais en état de siège, et Lupus doutait que la résistance durât longtemps.
Enfin, au Nord, des rapports avaient circulé selon lesquels une mine était tombée aux mains du 30ème régiment, et que la ville au Sud de la ferme ne devrait plus être longue à prendre, malgré les préparatifs russes plus que probables. Bref, la ferme du Nord-Est allait bientôt tomber entre les mains françaises.


- Que cherchent-ils ?

Lupus se sentait mal. Certes, les russes pouvaient, en prenant la ville au Nord de Polotsck, peut-être conserver la ferme Nord-Est ou la reprendre; et ils gêneraient certainement l'Armée du Nord. Mais à quoi cela rimait-il ?
Ils seraient très éloignés de leurs bases. Et Polotsck était apparemment sur le point de tomber, ouvrant la voie aux voies de ravitaillement des russes...avaient-ils des renforts cachés là ? Vu l'assaut sur le Nord, Lupus en doutait: les estafettes parlaient de nombreuses forces russes; trop de l'avis de Lupus pour qu'une contre-offensive sur Polotsck ou au Sud de la ville ne réussisse efficacement...
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Message par Lupus » Sam Oct 02, 2010 3:48 pm

Chapitre 7: Début d'un premier octobre en Russie.

Les premiers froids arrivaient. Depuis un certain temps déjà, les arbres perdaient leurs feuilles, et ce, de plus en plus vite.

La compagnie de Lupus avait été renvoyée à l'hôpital de campagne de l'AdR, et celle de Vosgiens s'avançait toujours plus vers le front de l'AdR.
Autour d'eux, de nombreux français semblaient déjà frigorifiés: les prémices des froids hivernaux russes. Le Sous-lieutenant et son Adjudant étaient moins inquiétés par l'hiver russes que beaucoup d'autres supérieurs français: le Bataillon des Loups Noirs ne comprenait que des français de l'Est, où le climat était plus rude, été comme hiver, que dans le reste de cette douce France. Bien sûr, ils souffriraient du froid; mais comme les montagnards des Alpes ou des Pyrénées, ils en souffriraient beaucoup moins que tous ces citadins ou campagnards du reste de la France.

Si les "Loups Noirs" souffraient d'une chose, pour l'heure, c'était du manque de provisions. Les grands hommes réclamaient davantage de denrées que des compagnies plus communes de la Grande Armée: leur métabolisme manquait de carburant, et ils en souffraient. Du moins, il n'en allait pas de même pour la question de la boisson: l'eau, même froide, leur suffisait amplement, même si peu d'entre eux refusaient un alcool, même s'ils préféraient les vins et liqueurs "bien de chez eux".

Autre chose: les hommes...s'ennuyaient. Depuis quelques temps, leur moral était touché par l'ennui, pour ainsi dire un dépérissement moral. Une permission, si tôt, ne serait bien sûr jamais accordée. Néanmoins, Lupus avait l'intention de soumettre à son chef de brigade le projet du recrutement d'une troupe de comédiens et musiciens itinérants. Pour toute la brigade, sinon plus, bien sûr. Cela amuserait et occuperait les soldats, lorsque ceux-ci en auraient fini avec leurs tâches ordinaires.

Lupus, de son côté, demeurait toujours aussi sérieux et inquiet, par toutes choses. Même s'il avait entendu dire, pourtant, que la situation au Centre et au Nord s'améliorait pour les français. Le problème de la ferme du Nord-Est n'était plus qu'une question de temps, lui avait jeté une estafette qui allait grand train sur sa monture; la reprise de Polotsck allait sans doute être envisagée sous peu, si la question n'était pas encore étudiée, lui avait juré une autre qui avait quémandé aux "Loups Noirs" un verre d'alcool.
Mais pour l'officier, seul comptait le long terme et le redéploiement du Nord, à cet instant: la Garde Preobrajensky serait malgré tout difficile à annihiler, et beaucoup de russes étaient certainement placés dans la plaine au Nord-Est de Polotsck, ainsi que dans Polotsck même. Si au Sud les français étaient bien répartis et organisait, il allait falloir des jours aux forces du Centre et du Nord pour se réorganiser, c'était certain...

La pluie, soudain, se mit à tomber. Les "Loups Noirs" sortirent de leurs paquetages les grandes toiles cirées qu'ils utilisaient en préférence aux encombrantes tentes, ou se réfugièrent sous les arbres ou dans les tentes de l'hôpital. Lupus ne bougea pas, assit sur un gros rocher juste devant une tente réservée aux officiers. La pluie était fine, pourtant le géant barbu fur trempée jusqu'aux os en deux ou trois minutes. Le ciel, gris, faisait écho à son humeur. Enfin, il se leva, sortit un vieux mouchoir en tissu d'une poche, se moucha bruyamment, puis rentra se coucher sur sa paillasse, retirant seulement ses bottes pour les poser près de ses armes et son ceinturon...
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Message par Lupus » Mer Nov 24, 2010 9:36 pm

Chapitre 8: Fin novembre, doutes et nouveautés.

Lupus attendait sur la route enneigée, assit devant un feu. Malgré les premiers froids de l'hiver russe, déjà fort mordants, le grand homme restait toujours assit un peu à l'écart de ses hommes. Ses grandes bottes noires baignaient dans la boue formée par la terre et la neige fondue autour du feu. Il s'était contenté de refermer une grande cape noire autour de lui, pour se protéger un peu du vent.

Les "Loups Noirs" ne craignaient pas autant l'hiver russe que les autres français. La raison la plus évidente était que c'était leur premier hiver en Russie, rien de plus. La seconde raison, mais non la moindre, était que ces géants de l'Est de la France étaient habitués à un climat plus rude que les autres français, si ce n'étaient les montagnards, dont peu s'étaient engagés dans les armées révolutionnaires.
La plupart d'entre eux restaient assis sur des troncs d'arbres abattus, autour des feux, discutant assez joyeusement. Les voltigeurs de la III° compagnie tapaient dans le dos des lignards de la I° compagnie. Lupus commandait lui-même son unité de voltigeurs, arrivée peu après sa promotion au grade de Lieutenant. Les hommes trinquaient avec les bouteilles de liqueur ramenées de France par les voltigeurs, riant et plaisantant à propos des russes ou même de certains régiments français croisés ici ou là.

Toujours à l'écart, Lupus quitta le feu des yeux, et porta ceux-ci sur le bourg qui se trouvait un peu plus loin. Il n'avait pas voulu que ses hommes y logent, à la fois pour soulager les quelques russes qui y vivaient encore, et pour habituer ses "Loups" au froid de l'hiver. Toutefois, il se rendait régulièrement dans la ville, pour écrire quelques lignes au chaud: son travail pour le Génie l'absorbait beaucoup, et ayant été en plus nommé récemment Commissaire de l'Armée du Rhin, il devait surveiller avec attention son courrier, histoire de réagir le plus tôt possible.

Le grand barbu y attendait aussi autre chose. C'était là que devaient être livrées les tenues hivernales des quatre cent cinquante "Loups Noirs": les ateliers de tissage d'Hanovre avaient travaillé un long moment pour produire ces uniformes aux teintes blanches, grises et bleues claires. Le Bataillon des Loups Noirs se démarquait déjà des autres troupes avec ses uniformes noirs, mais si ceux-ci ne posaient aucun problème particulier en été, ils ne pouvaient que permettre aux russes de mieux voir les silhouettes des hommes se détachant sur les terres enneigées. Aussi, Lupus avait prit soin, dès le mois d'août, de commander des uniformes très discrets pour l'hiver.

Lupus détourna les yeux de la ville vers ce qu'il savait être le front. Les bruits de fusillades et de canonnades lui paraissaient proches, mais épars dans le temps. Les claquements étaient réguliers. Lupus soupira et reposa les yeux sur le feu. Il sortit la main de sous la cape et prit, sans le regarder, un cahier aux nombreuses feuilles. Dedans se trouvaient toutes les informations relatives au bataillon...mais à cet instant, Lupus se demandait quels noms allaient être écrits dans l'énorme chapitre qui terminait le cahier: le chapitre recensant les morts du bataillon...
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Message par Lupus » Dim Mars 27, 2011 8:29 pm

Chapitre 9: l'anniversaire et le journal intime:

Lupus observa la colline. Derrière, des troupes russes. Plus au Nord, au-delà de l'embranchement de la Dvina, résonnaient les bruits des salves, des canonnades, amplifiés par les falaises entourant la ville du Nord.

L'officier était appuyé dos à sa monture, qui ne bougeait pas d'un muscle. Il regarda pensivement ses hommes, qui avaient reprit leurs uniformes noirs bien que les beaux jours ne soient pas revenus, et les autres troupes de la Grande Armée, qui attendaient là. Il soupira, puis se replongea sur son journal, crayon dans la main droite. Il hésita, puis commença à tracer les lignes, de son écriture malaisée, presque enfantine dans la forme des lettres.


An XX, Germinal, Ière Décade, Septidi:


Il continuait à écrire les dates selon le calendrier républicain, sauf sur les papiers officiels. L'homme était profondément républicain, même s'il continuait à servir avec loyauté l'Empire.

Je prie, en ce moment. Qui, quoi ? Je ne sais pas: je prie, c'est tout. J'implore.
Tous ces morts, tous ces cadavres, recouverts ici de neige; là encore frais et le sang abreuvant la neige, qui devient rouge. Je suis dégoûté, mais je continue.

J'ai l'impression d'être un comptable. Et un tueur au sang froid en même temps. Ces comptes macabres que je fais... Chercher à faire plus de tués que nous n'en subissons. Chercher à mettre en déroute plus de compagnies que les russes n'en font battre en retraite.
Je reste impassible devant ces chiffres que j'écris, que j'additionne... Comment cela se sait-il ? Certains des hommes qui étaient mes amis ne sont plus, dans ces feuilles, que des nombres. Le cynisme pèse sur tout le bataillon.

J'ai l'impression que la Grande Armée est plongée dans un marasme constant, une stagnation permanente. Comme un marais gluant, ou même la raspoutitsa d'automne. Les régiments se critiquent, s'affrontent. Nos chefs ne trouvent plus de volontaires pour les remplacer ou les soutenir -et encore, quand eux-mêmes ne s'accrochent pas à leurs galons et à leur batterie de cuisine, ou pire encore, à leurs fonctions pour le seul prestige et le monopole du pouvoir.

Comment avoir foi ? Hier, j'ai signalé à mes hommes que notre nouveau second était Maëlys. Au moins un qui est volontaire, c'est toujours ça.
Remarque. Je critique, mais je pourrais sans doute faire plus moi-même. Seulement, je ne vaut rien en tactique, et c'est pourtant l'une des choses qui priment sur le terrain, sinon la seule chose à prendre en considération. Sur le plan stratégique...bah ! Il faut du temps.
A propos...je continue à l'observer: nos mouvements sont axés sur un point au Nord de Polotsck. Au Nord, l'Armée du Nord progresse, bien que plus durement depuis que nos camarades ont mit le siège à cette satanée ville; au Sud, nos troupes reculent peu à peu. Je compile les cartes, et j'essaye de comprendre. Où se trouve le "verrou"...?


Le géant suspendit un instant la lancée de son crayon, et regarda autour de lui. La plupart des soldats se serraient autour des feux, glacés, pour beaucoup. Il pencha à nouveau la tête.

Que faire, au final ? J'ai récemment songé à demander un congé. Mon escadron de cavalerie essuie trop de pertes, et n'en rend que peu...on me dit que mes lanciers manquent d'expérience: d'accord, mais tout de même, c'est rageant ! Finalement, je dois admettre que je ne puis me permettre d'abandonner mes camarades juste pour que moi et mes hommes nous reposions. Que vaudrions-nous si, parce que nous sommes exaspérés, nous lâchions les nôtres face aux habits verts ? J'ose déjà à peine me regarder dans une glace quand je me coupe les cheveux et taille ma barbe: autant tout raser, comme une bille de billard, si je devais ainsi abandonner mes frères d'armes. Là, je n'aurai pas à affronter mon visage.

Feuilleter, compulser, renseigner...Nous manquons de bons stratèges, je pense. Nos généraux sont bons, mais parfois, je me demande s'ils ont à leur disposition assez d'idées diverses pour envisager tous les scénarii possibles.

...

Il faut que je songe à écrire à Hendrix. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de ses nouvelles, je ne sais même pas s'il est encore en vie. Et puis, peut-être aura-t-il quelques conseils à me donner: le 18ème avait évolué dans les parages, il me semble...ou bien étaient-ils plus au Sud ?


Lupus suspendit définitivement son crayon et regarda ses hommes. Il rangea le carnet dans une sacoche de la selle de sa monture, et grimpa dessus.

- Allons casser du russe, messieurs !!

Les hommes crièrent un peu, mais l'enthousiasme des des premiers temps n'était plus là. Qu'elles étaient loin, ces charges éclatantes contre des russes en fuite en pleine plaine.
Lupus fit avancer son cheval noir, puis passa au trot, montant rapidement la pente du plateau, ses lanciers à la suite. La compagnie d'infanterie sur place ne bougea pas, attendant les résultats.

Encore des morts qui finiraient, simples chiffres et nombres, dans des pages de calculs...
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Message par Lupus » Lun Déc 19, 2011 12:51 am

Chapitre 10: arrivée du deuxième hiver russe:

Il faisait froid, il faisait sombre. Lupus se morfondait, sur une route. La neige dans laquelle s'enfonçaient ses bottes noires lui rappelait qu'à cet instant, c'était la période des premières neiges sur sa Lorraine natale: comme beaucoup de français, l'hiver russe lui rappelait son pays, bien que lui ce fut à la neige française qu'il songeât, et non au soleil du pays.

L'importante opération de l'Armée du Rhin au Sud avait été l'occasion de se plonger un peu, à nouveau, dans les cartes, sa seule véritable passion. Les russes voyaient certainement clair dans le jeu des régiments français au Sud, désormais. Mais l'on annonçait que peu de renforts adverses. il semblait donc bien que pour les Etats-Majors des deux camps, la forteresse soit de peu d'importance: l'artillerie française continuait à se briser sur les montagnes protégeant les fortifications, et les artilleurs continueraient à tomber...

Le géant soupira et se leva, quittant la souche sur laquelle il était assit jusque-là. Ses longues jambes allèrent et vinrent, sur la route enneigée. Ses mains, protégées par de longs gants noirs, se massaient mutuellement. Froid. Déjà si froid. Même si ce n'était pas l'hiver qui lui donnait ces frissons qu'il avait là. La peur, peut-être. Encore qu'avec les années, elle avait finit par presque disparaître. La noirceur de la nuit, certainement pas: il l'appréciait beaucoup, au contraire. Non, vraiment:c'était l'impatience. L'impatience de voir ce qu'allait donner le mouvement français, l'impatience de voir quelle situation militaire allait prendre forme durablement dans cette région russe...l'impatience de, déjà, voir finir l'hiver, aussi...

La main gauche descendit à la ceinture, dans la cape, et décrocha la gourde de liqueur de mirabelle, qui fut rapidement portée à la bouche, et en partie vidée. Les frissons cessèrent peu à peu. Ça l'aidait. Ça l'aidait toujours. Ça l'aidait depuis qu'il était revenu d’Égypte avec des plaies infectées horriblement, et des maladies à se faire damner pour ne pas avoir à les supporter. Ça l'avait aidé pour la chaude et brûlante Égypte, ça l'aidait tout aussi bien dans la froide et glaciale Russie...

Santé à la nouvelle année...
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Message par Lupus » Mar Fév 28, 2012 9:42 am

Chapitre 11: Alma à l'approche du printemps:

Des balles perdues qui s'écrasent contre les murs. Les hommes des "Loups Noirs" se baissent, alertes; mais rien ne suit.
La nuit a été rude, mais les grands combattants portant les étendards de l'Armée du Rhin se secouent simplement avant de reprendre leurs places de guet aux coins des fenêtres, méfiants, le regard vif.

Lupus est dans la maison la plus avancée vers l'Ouest que tient son bataillon. En pointe dans Alma. Il a laissé ses lanciers hors de la ville, et est venu lui-même encourager ses hommes et voir les blessés. Les combats, offensifs comme défensifs, ont été rudes...

Hier au soir, les deux compagnies de fusiliers et la compagnies de lanciers des Loups Noirs ont mis en fuite rien de moins que trois compagnies russes, dans de sanglants corps-à-corps: deux compagnies de fusiliers et une de voltigeurs, qui s'était imprudemment glissée dans la ville. Les maisons abandonnées ont aussitôt été occupées par les fusiliers, alors que les lanciers, inutiles en ville, se sont repliés vers la plaine. Les deux unités d'infanterie sont dès lors au contact des russes.
Plus gênant, mais presque une victoire aux yeux des hommes: dans la nuit, une compagnie de grenadiers et une compagnie de fusiliers du colonel Molossol de l'Opoltchénie -l'étendard d'un porte-drapeau tombé en atteste- ont donné trois assauts au I° fusilier. Mais, malgré ces trois attaques répétées, malgré l'attaque du soir qui avait causé des pertes à la compagnie, et même malgré les chevrons d'ancienneté des commandants des deux compagnies russes, bien visibles avec leurs reflets sous les rares torches allumées, les Loups noirs ont rendus à chaque fois presque l'équivalent de leurs pertes aux russes. Et surtout, leur moral n'a pas du tout été atteint: au contraire, il a même été regonflé par les cadavres des russes tombés, puisque résister avec de tels rapports de pertes à deux compagnies bien expérimentées dont une de grenadiers apparaît comme un rêve à ces français de l'Est...

Alma...Lupus en avait fait évacuer la Chancellerie, presque un mois plus tôt. Elle ne s'y réinstallerait pas dans les premiers jours, mais l'assaut victorieux, la poussée inexorable des français sur la ville, malgré les russes qui y étaient retranchés, malgré la supériorité numérique des troupes du Tsar, et malgré l'arrivée de renforts de Pavolv et surtout de Preobrajensky sur la rive Nord, présageaient un retour prochain des grattes-papiers des bureaux de la Chancellerie de l'Empereur.



Mais évidemment, la Chancellerie n'avait à cette heure qu'une place mineure dans l'esprit du géant. Il aurait presque exulté... Une fois de plus, il estimait avoir vu juste. On pouvait lui dire de se taire, il le faisait; mais il n'en pensait pas moins.
Certains avaient cru qu'un assaut contre Balaklava aurait fonctionné. L'affaire était censée être pliée depuis deux semaines, une preuve de plus que la ville était quasiment imprenable pour les français -a fortiori avec la ferme juste au Nord de la ville qui servait d'hôpital de campagne à un régiment russe. Mais aux yeux du géant, ça avait été une excellente manœuvre de diversion...d'ailleurs ça ne pouvait guère être quelque chose de plus...
Sur le Nord, il devait par contre se montrer plus circonspect. On disait que même les Immortels de la Garde Impériale perdaient de leur ardeur; évidemment, il ne pouvait juger sur pièces, n'y étant pas, mais les rumeurs des coursiers et des cantiniers étaient rarement dénuées d'au moins un fond de vérité... La ferme de Tchita était désormais sous autorité russe, même s'il leur faudrait encore du temps pour s'y installer; les hommes du Tsar étaient passés au Sud de Mir, sur la rive française; quant au 18ème...bah, on verrait bien la réponse de leur Second. Le plan paraissait trop long et trop ardu à Lupus pour de tels effectifs...cela pourrait marcher, mais...cela aurait pu largement être simplifié, oui.

Le géant referma le cahier où il avait finit de consigner les noms de ses hommes tombés au combat; puis il alla s'asseoir à côté de son adjudant, se bourrant une pipe avant de l'allumer pensivement. Il allait rester quelques heures avec ses fusiliers, avant de retourner auprès de ses lanciers, plus mobiles et lui donnant une meilleure vision du champ de bataille...
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Message par Lupus » Lun Avr 02, 2012 8:43 pm

Chapitre 12: fatigue:

Le premier assaut sur Alma avait échoué...le géant en avait conçu une amertume aussi forte que lors de la prise ratée de Turquoise. Cela avait semblé le même genre de cauchemar...comment pouvait-on échouer si près du but ? Hendrix, Gallifet, Zon, Philius, De Labastide...ils avaient été là, devant Alma, ils avaient agit, ils s'étaient donnés au mieux. Las, à eux six, ils n'étaient pas encore assez pour contrer les russes. Le géant ne pouvait reprocher publiquement certains actes aux autres officiers français du secteur, mais intérieurement...
Enfin, Alma avait été reprise, Nièvre venait de tomber. Tout comme Balaklava et la ferme de Cantal. Le géant devrait-il toujours voir ses prédictions réalisées ? Il paraît que c'est un fardeau...que les autres ne l'allégeaient-ils pas ?! Bah, qu'importait ? Il n'avait heureusement pas toujours raison, bien d'autres français voyaient juste, et parfois plus que lui. Peut-être parce qu'il jouait au pessimiste ? ...ou bien était-il trop réaliste ?

Le Bataillon des Loups Noirs était éclaté, et loin du front. Lupus et l'unité sous ses ordres étaient à proximité d'Alma, quand les autres compagnies revenaient encore de loin...que de marches, dieux, que de marches. Certains rhénans avaient-ils raison de s'en lasser ? D'autant que jusqu'ici, l'Armée du Rhin n'avait pas vu ses efforts récompensés -quelle que soit la forme de la récompense. Un front russe détruit...ahhh, que cela leur manquait ! Ordres, contre-ordres, déplacements...les rhénans, dispersés, avaient perdue leur légendaire efficacité. Il fallait se réunir, mais c'était dur. Actions synchrones, coordonnées. Il était temps que cela reprenne.

Qui plus est, les paperasseries tenaient le pâle homme souvent loin de ses compagnies. Elles étaient nécessaires à la bonne marche de l'armée, quoi que certains en pensent; aussi l'ancien soldat du rang s'acquittait-il de ses tâches consciencieusement, et sans doute même avec zèle; mais sans guère de passion. Ah, et certains pensaient que cela lui plaisait de nager dans les papiers ! Il préférait de loin les cartes stratégiques, mais l'administration impériale lui laissait si peu de temps pour s'en approcher...
Les fonctions fatiguaient. Sabrer ou marcher était si simple, si reposant, en comparaison. Aucun officier ne tenait bien longtemps à des fonctions. Surtout quand elles n'étaient pas couronnées de succès ou étaient mal remerciées. Pour le géant, amère expérience devant la Justice, où le seul parti qu'il avait eu était celui des juges successifs, qui étaient aussi diabolisés. Pour d'autre, expérience insupportable des échecs stratégiques, quels qu'en soient les motifs. Il fallait passer le flambeau régulièrement, si l'on ne voulait avoir à partir en longue convalescence: Paoli, l'ancien grand général, en était un exemple frappant. Et encore: lui avait des prétendants pour son poste. Bailly, lui, avait eu à chercher...quant à Lupus, il venait seulement de se signaler, mais sans grand espoir quand même...

Le grand homme releva le regard et le plongea dans les eaux claires de la Bérézina. Ici, elles ne charriaient pas encore -plus, pour être exact- de sang et de poudre. Le printemps s'annonçait bien pour la Grande Armée, mais mal pour lui...






[HRP: je rappelle que vous pouvez toujours me laisser des commentaires ici: http://www.campagne-de-russie.com/forum ... php?t=7166 ]
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Message par Lupus » Lun Juin 18, 2012 10:53 pm

Chapitre 13: quitter le front...

Lupus faisait ses malles. Enfin, sa malle. La Chancellerie, à Alma, avait abrité un bureau qui s'était rapidement rempli -pas que de choses relatives à la fonction de Chancelier, comme en témoignaient diverses bouteilles vides qui traînaient, trois sabres d'officiers russes conservés comme trophées, et une collection de livres en russes...que le géant ne savait même pas lire-; aussi il devait quand même finir de tout ranger.

Sa grosse main blafarde et striée de cicatrices fines et argentées se posa sur le carnet noir qu'il utilisait comme "archives" pour son bataillon. Le livret gardait surtout la liste des noms des hommes tombés pour l'étendard des "Loups Noirs". Les petits yeux verts enfoncés se posèrent à son tour dessus. Lentement, il s'assit au bureau, dans le fauteuil de bois -il préférait avoir une assise dure, afin de bien maintenir son dos souffrant-, et ouvrit le livret après s'être servir un verre. Lentement, les yeux parcoururent les noms d'hommes. Chacun avait sa tombe, quelque part, ici, en Russie; une tombe peut-être déjà profanée par des renards affamés ou par des paysans espérant dénicher sur les cadavres du tissu ou quelques pièces d'or. Au pays, chacun avait eu une famille. Chacun avait eu une vie. Le verre se porta presque automatiquement aux fines lèvres ternes perdues dans la barbe noire, qui se striait peu à peu de fils argentés. Quelle folie...


- Et toi...tu n'es qu'un fou...

Oui, puisqu'il y avait souscrit. Après tout, il était dans une "Vieille Moustache". Mais jamais la moindre balle, jamais le moindre sabre, ne l'avait fait fait "tourner de l'oeil"...et pourtant, des "Noces", il en avait fait...Il était dedans depuis la Révolution, après tout.
Les souvenirs se succédèrent rapidement: la prise des Tuileries, les combats contre les autrichiens sur la frontière, puis le Rhin, l'Egypte où il avait était vraiment abîmé, au point de ne pas être disponible pendant trois ans...puis à nouveau les campagnes européennes, et l'Espagne aussi...et la Russie.

Le géant soupira, et ferma doucement le carnet, avant de tourner la tête vers la fenêtre pour regarder les rues d'Alma. Il avait commencé la "Musique" à Paris -enfin, presque-, et il allait désormais y retourner.


- Lupus ?

Le géant leva la main et fit signe à son second d'entrer. Vosgiens, un grand homme maigre avec de longs cheveux bruns et parsemés de fils d'argent, s'avança. Lupus se tourna vers lui, et le regardant, songea que tous deux devenaient vraiment vieux...

- C'est prêt ?
- Presque. Il ne me reste plus que quelques choses, ici ou là...


Vosgiens regarda autour de lui, de son oeil si vif. En fait, tout traînait encore, seul le moins important était déjà dans la malle.

- Je vois ça...bon, tu vas devoir t'y mettre quand même. Je veux pas te chasser, mais il me semblait que tu n'aimais pas la Russie ?

Lupus haussa les épaules, et se leva de son fauteuil.

- Bah...tu vas me prendre pour un sentimental, mais j'ai du mal à accepter de vous laisser, tous.
- Les ordres sont les ordres. Et rassures-toi, je te donnerai toutes les nouvelles que tu pourras désirer.
- J'espère bien. Après tout, le commandant théorique, ce sera toujours moi.
- Il te renverra peut-être vite, alors ? Les officiers administratifs sont rarement conservés à Paris lorsqu'ils ont un commandement effectif en campagne.
- A voir.


Vosgiens hocha lentement la tête. Lupus lui tendit soudain le carnet.

- Tiens. Tu me le tiens à jour, hein ?
- T'en fais pas, je suis pire que toi, tu le sais bien.
- Mouais...aller, files, Commandant, avant que je ne change d'avis.


Avec un léger sourire, le grand maigre enfouit le carnet dans sa poche, hocha la tête en guise de salut, puis sortit.

Lupus commença brusquement à ranger les documents les plus importants. Vosgiens n'avait rien dit à haute voix, mais ils se connaissaient depuis bien assez longtemps pour savoir ce à quoi pensait l'autre. Il était temps pour Lupus d'y aller, faute de quoi il aurait des remontrances. Son poste à Paris, arrivé avec son brevet de Major, avait été une surprise; mais puisque tels étaient les ordres...

Le soir même, le géant fit ses adieux à ses camarades de l'Armée du Rhin et à ses hommes, et prit la route avec une escorte de trois hommes. Au petit matin, ils avaient déjà tournées les lignes russes, et fonçaient vers la frontière prussienne...
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Message par Lupus » Ven Avr 05, 2013 9:10 am

Chapitre 14: Boubka, ou la colère d'une soirée:

Lupus grommelait.
Cela faisait longtemps déjà qu'il était revenu en Russie, mandaté par l'Empereur pour être ses yeux, ses oreilles et sa voix, comme quelques rares autres officiers -tels que, actuellement, le Major Guila. Ce travail là était remplit et restait tolérable, même si les autres officiers se défiaient d'eux, les prenant pour des espèces de gendarmes-espions juste bons à les surveiller pour les mettre ensuite en prison. Et l'un de ses aides de camp lui avait assuré que son brevet de colonel n'était plus très loin du bureau de l'Empereur, pour recevoir son seing. Donc de ce côté-là, tout allait bien.
Non, ce qui le faisait grommeler dans sa barbe, c'était ce qui s'était passé le soir précédent. La prise de Boubka.

Cela faisait plusieurs mois que son bataillon avait quitté les rangs de l'Armée du Rhin pour devenir Franc-Tireur. Musarder en rase campagne pour attaquer brusquement et avec force quelques compagnies russes égarées, renforcer un court instant un front constitué afin de le faire tenir ou de faire basculer le rapport de force, patrouiller dans les vastes étendues d'une région Sud assez désertée...voilà ce qui l'enchantait, désormais. Surtout que la nuit, au clair de Lune et illuminés par les flammes rougeoyantes d'un feu ardent, les hommes du bataillon pouvaient se saouler tout leur content: qui viendrait les en empêcher ? Pour eux et leur major, cette période semblait n'être rien d'autre que "LA" liberté. Leurs chants raisonnaient jours et nuits sur les herbes verdissantes du Sud de la région de la Bérézina, ces herbes naissantes bien moins foulées par les guêtres des soldats, les sabots des chevaux ou les roues des attelages des canons que celles des régions plus au Nord.

Était-ce à cette habitude prise de faire ce que bon lui semblait quand il le désirait, que Lupus devait son agacement ? Sans doute. Jamais période n'avait été aussi faste pour lui et ses hommes que depuis qu'ils n'étaient plus en régiment. Oh, bien sûr, l'esprit de groupe avec d'autres bataillons leur manquait. Mais quoi ?! Pas de contraintes, et la certitude de pouvoir tuer efficacement de nombreux russes, quitte à se replier aussitôt: c'était bien cela, une période faste, non ? Les colonnes "russes" des carnets où Lupus tenait les "comptes" mortels de son bataillon ne s'étaient jamais aussi bien remplies !
Autrefois, il avait tout fait pour que les francs-tireurs intégrassent des régiments -sans grand succès d'ailleurs, et cet échec n'était pas que du fait des francs-tireurs eux-mêmes, loin de là. Il avait aussi amené, dans la lignée de l'ancien Général-en-chef Guillaume de Sarthe, à la création d'un régiment administratif où ces francs-tireurs étaient regroupés pour être identifiés et comptabilisés par le Haut État-Major, ce qui pouvait également leur servir de tremplin vers une entrée dans un véritable régiment combattant -ce second projet avait été défait fort peu de temps après son début de réalisation, et pourtant il savait de source sûre que par la suite, des officiers avaient à nouveau songé à relancer ce projet, sans amorcer cependant le début d'un commencement...
Aujourd'hui, oui, il comprenait les innombrables avantages qu'il y avait à tirer en ne combattant pas de façon plus organisée qu'à l'échelon du bataillon. Oh, certes: outre les accusations relatives à son passé tumultueux et celles relatives à sa fonction de membre du Cabinet de l'Empereur, il s'attirait maintenant parfois l'ire de certains officiers enrégimentés, qui ne le considéraient comme rien de moins qu'un charognard, ou un vagabond refusant d'obéir. Mais peut lui importait désormais...

Aussi, sa dernière expérience en date aux côtés d'un régiment était une parfaite illustration des avantages à être franc-tireur. Et ce d'autant plus que c'était avec des officiers de ce régiment au sein duquel il avait passé l'essentiel de sa carrière, et qu'il admirait toujours malgré son état actuel. L'Armée du Rhin...


Boubka, jeudi 4 avril 1813 au soir

Depuis quelques jours, les troupes françaises, essentiellement de l'Armée du Rhin, avaient afflué dans le secteur du plateau de Kursenaï, et une opération avait peu à peu été programmée pour s'emparer de la mine de Boubka.
Son infanterie placée au Nord-Ouest du plateau, Lupus était monté sur celui-ci, dominant de sa haute stature placée sur son énorme canasson la région environnante et les troupes rhénanes également montées sur le plateau. Un peu au Nord-Est, la mine de Boubka, adossée au massif de Balaklava -quel nom portait ce massif ? Il n'en avait aucune idée...il se rappelait juste avoir un jour suggéré de le désigner sous le nom de "Quintidi"...- ; autour d'elle, un fort parti d'infanterie russe, essentiellement des mousquetaires de la Garde Preobrajenski; à l'Est, les murs d'un fortin russe, d'où s'élevaient quelques appels en slave. Ses vieilles entrées le servaient bien, et il savait par le réseau Comana qu'il y avait probablement quelques troupes russes plein Nord, dans les bois en direction de Balaklava: il était fort possible que sitôt que Boubka tomberait, ces unités éparses feraient demi-tour pour se rabattre contre la troupe française. Aussi, le vieux major s'apprêtait-il davantage à poursuivre plein Nord, vers Balaklava même, plutôt que d'attaquer Boubka: les russes se concentraient actuellement dans leur offensive vers Libau, et sur leur défense du secteur de Wesselovo. L'essentiel des troupes qui défendaient Balaklava contre les français encore au Sud-Ouest était issu directement de la ferme contrôlée par Balaklava et Boubka, il en était persuadé: aussi, qui rencontreraient-ils à Balaklava ? Quelques officiers de l'EMR ? Quelques officiers des régiments ayant raté les moments où leurs fermes étaient en état de les accueillir ? Probablement pas de maraudeurs russes, ceux-ci visant plus certainement les montagnes de la forteresse qu'autre chose ! Et puis, si Balaklava n'était pas accessible, il pouvait toujours tourner les talons et repartir vers le Sud ou le Sud-Ouest, et se contenter de casser des russes retournant vers leur front.
Mais ses anciens camarades de l'Armée du Rhin lui avaient envoyé un porteur de lettre: attaque coordonnée contre Boubka, rassemblement des officiers le 4 à 21 heures 30 en bordure du plateau...

Il était descendu lourdement de son canasson, les herbes naissantes cassant sous sa lourde botte de cuir noir. Il avait retrouvé de bien vieux camarades: les Colonels Juan et Maëlys et le major Adamas; mais aussi un petit jeune, le Lieutenant Tece. Le colonel Tommy était également venu voir sans participer. Sans rien en laisser paraître (comme à son habitude), Lupus avait sentit une petite bouffée de nostalgie le saisir. Quand le major Adamas, chargé de la coordination, avait demandé qui ouvrirait le bal, Lupus n'avait pas hésité à faire un pas en avant. D'un autre côté, il fallait bien avouer que seuls ses cuirassiers pouvaient participer à cette offensive, alors il voulait une place glorieuse, quitte à risquer d'être le premier à se faire cribler de grain de métal russe...

Mais il fallait croire que, décidément, le destin d'un franc-tireur ne devait jamais être de connaître la gloire. Car bientôt, la discussion tourna court: le major Adamas qui ne cessait de redemander la situation de chaque compagnie devant participer; le colonel Juan qui lançait sans attendre ses troupes en avant, avant de les faire stopper contre l'ennemi, bloquant la route aux cuirassiers de Lupus et recevant pour récompense les feux d'une infanterie russe bien réveillée...Une heure après s'être présenté -le premier ! alors qu'il était franc-tireur- sur le lieu de rassemblement des officiers, une demi-heure après le début théorique de l'attaque, vingt minutes après s'être proposé pour ouvrir la "Noce", Lupus lâcha un "au revoir", tourna les talons et rejoignit son escadron de "Gilets de Fer". Bientôt, les cris de guerre et le bruit des sabots frappant le sol en grand galop déchirèrent le silence de la nuit tombée, les troupes rhénanes s'abattant en tempête sur les russes de Boubka.
Boudeur, Lupus s'était retiré. Il n'avait pas souvenir que c'était ainsi, par le passé. Déçu par la complexité de la chose et l'indécision qui lui avait semblé flagrante, il décida de jouer au franc-tireur parfait: ce n'est qu'après la prise de Boubka et la fin des manœuvres rhénanes qu'il lança ses "Gros Talons" en tempête sur des opoltchènes russes déjà bien entamés, sabrant ainsi une trentaine de russes sans récolter le moindre mort de son côté. Les cuirassiers des "Loups Noirs" se retirèrent en arrière, et le major s'éloigna vers le campement de son infanterie, un peu plus loin, pour parler avec son second de toujours, Vosgiens: était-il devenu à ce point exigeant ? Ou avait-il eu raison de claquer la porte ? Il avait bien sentit certains regards furieux dans son dos, quand il s'en était allé...

La vie d'un franc-tireur semblait soudain avoir de graves inconvénients, dans certains cas...
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Message par Lupus » Dim Juin 23, 2013 7:54 pm

Chapitre 15: Terrain de chasse:

Le géant grogna en se hissant sur son énorme monture. L'une des dernières charges de son escadron de cuirassiers l'avait vu récolter un coup de baïonnette dans la cuisse; la blessure n'était pas profonde, mais il y avait eu un début d'infection, tant ladite baïonnette était crade de boue -la compagnie russe avait passée depuis peu l'embouchure de la Bérézina, après tout, et avec les pluies de ces derniers temps, les terrains environnants étaient boueux, en plus des marécages ordinaires qui bordaient le fleuve. Résultat, la plaie avait eu du mal à cicatriser, et était toujours sensible: à chaque fois qu'il tournait le buste ou bougeait la jambe, la douleur revenait.
Ohh, ses hommes lui avaient bien recommandé d'aller se reposer à Borisoff, ou à Lynsk en bord de mer, ou même au Palais de Mir, sous contrôle de la Grande Armée depuis un moment. Mais même si l'activité du Cabinet de l'Empereur avait été débordante ces derniers temps, pour ne pas dire harassante, Lupus refusait de s'accorder un repos maintenant.

Récemment breveté Colonel, Lupus aurait pu en profiter pour se reposer, pourtant. Se laisser un peu aller sur ses lauriers. Mais non. Le mouvement d'une petite force russe vers Taïga avait trop accaparés les régiments français du secteur, ces dernières semaines; aussi, le géant barbu n'avait-il même pas prit le temps de changer les galons de sa tenue, et s'était contenté d'ordonner à la compagnie de gardes nationaux récemment venue à ses ordres de se mettre en route sans l'attendre. Le terrain de chasse au Nord de la Bérézina s'avérait bien trop...stimulant...pour cesser un seul instant.
Ohhh, la I° compagnie de fusiliers, qui avait été placée dans Taïga, s'était vue défaire, certes. Mais les troupes françaises environnantes avaient presque immédiatement reprit possession de la mine à des forces russes trop hésitantes, trop timides. Et les ouvriers habitant à Borisoff avaient pu rapidement reprendre le travail dans les bâtiments, approvisionnant à nouveau les troupes de Napoléon en poudre.
A présent, seuls Lupus et son escadron de cuirassiers participaient à la chasse aux derniers russes perdus vers l'embouchure de la Bérézina: les autres compagnies du Bataillon des Loups Noirs gardaient des points stratégiques ou avançaient vers le front principal. Il faut dire que cette chasse s'était rapidement transformée en hallali: après avoir traversé le fleuve et tenté de s'emparer de Taïga -ce qu'ils avaient fait mais trop peu de temps pour que cela compte-, les russes avaient fuit vers l'Ouest: la Grande Armée avait craint que le fort parti russe présent ne s'empare de Lynsk ou Borisoff, mais ceux-ci semblaient avoir tardé. Lupus soupçonnait que l'officier russe en charge de la troupe s'était perdu -et très probablement parce qu'il n'avait pas de carte ou ne savait pas les lire. Quoi qu'il en soit, les troupes dont le QG se trouvait près de Lynsk avaient rapidement interceptés les russes, qui s'étaient retrouvés pris en tenaille entre les troupes de Lynsk et les chasseurs venant de Taïga.

A présent, il ne semblait rester que deux compagnies de fusiliers, qui avaient à nouveau dérivées incompréhensiblement, cette fois vers Borisoff. Lupus les voyait devant lui, par-dessus la tête de sa monture. On prétendait que quelques autres étaient du côté de Lynsk, mais l'officier du IIIème Corps n'en avait cure: on prétendait la garnison de la ville portuaire assez solide pour résister à l'attaque de tout le Kasak Voisko -c'était sans doute un peu exagéré, mais une telle rumeur devait bien reposer sur quelques bases réelles, non ? D'ailleurs, une grande part des "chasseurs", principalement l'infanterie, reprenaient déjà la route du Sud-Ouest, vers le front, laissant les quelques restes au bon plaisir des cavaliers et des gardes locaux.

Un brusque souvenir, récent du reste, fit surface dans l'esprit du barbu: celui où un membre de la Gazette était venu le voir... Décidément, ils allaient tous voir que la chasse était l'un des domaines préférés des Loups Noirs.
Au loin, la I° compagnie de fusiliers donna de la charge sur l'une des deux compagnies russes, qui fut brutalement anéantie...
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Message par Lupus » Sam Sep 07, 2013 8:37 pm

Chapitre 16: départ précipité:

- Mon Colonel...

Lupus se tourna vers le Sous-lieutenant Depalis, son officier de liaison auprès de l'Empereur, qui venait de se mettre au garde-à-vous en entrant dans la maison d'un quartier d'Alma, où le géant et quelques hommes s'étaient rendus afin de prendre pleinement la mesure de la situation actuelle du front où opéraient leurs unités. A ses côtés, le Chef de Bataillon Vosgiens, son adjoint au commandement des "Loups Noirs", se redressa, raide, ses sourcils broussailleux et argentés froncés: il n'aimait pas trop Depalis, puisque ses apparitions signifiaient généralement des ennuis, du fait des ordres de Paris... D'ailleurs, Depalis, loin des soins ordinaires qu'il aimait porter à sa tenue, se tenait debout, sale, les bottes, la culotte et même les manches de sa veste pleins toutes boueuses: il avait chevauché à grande vitesse...

- Bonsoir Depalis. Je vous en prie, prenez un siège, vous semblez sur le point de vous écrouler...

Le sous-lieutenant n'hésita pas, remerciant en hochant brièvement du chef. Il se servit un verre de lait avec la cruche qui traînait sur la table -seule boisson présente, étrangement-, et le vida avant de soupirer et de déballer son affaire.

- Oui ?
- Mon colonel, des ordres nouveaux viennent de tomber. Vous êtes mandé.


Lupus fronça à son tour les sourcils. Il avait déjà plusieurs fois dû se rendre à Paris, depuis qu'il était devenu membre du Cabinet Impérial, mais pour lui annoncer cela, Depalis ne s'était jamais mit dans cet état.

- Mais encore ?

Le jeune officier ne répondit pas, et sortit des plis de son manteau une lettre, qu'il tendit à un Vosgiens empressé. Le maigre officier la décacheta vivement, et ses yeux bruns la lire en un instant, avant de se reporter sur Lupus.

- Ce n'est pas que toi. C'est nous tous.
- Pardon ?
- Tout le bataillon est affecté à Paris. Et tu pars pour l'Espagne.


Le géant se porta en deux pas sur Vosgiens et lui arracha des mains la missive, pour s'assurer lui-même de ce qui y était porté.

MINISTÈRE DE LA GUERRE

Le Général De Division de Saint-Quentin,
Adjoint au Ministre de la Guerre

A

Monsieur le Colonel Lupus,
Commandant le 199ème Bataillon d'Infanterie "Les Loups Noirs"

Mon Colonel,

Par décision de Monsieur le Général de Division Clarke, Ministre de la Guerre, sous avis de Monsieur le Général de Division Lacuée, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre, j'ai l'honneur de vous signifier par la présente votre réaffectation à compter du 1er octobre de l'année 1812 au commandement du 69ème Régiment d'Infanterie de Ligne, présentement positionné en la Péninsule Ibérique, dépendante de l'Armée d'Espagne.
En conséquence, vous prendrez vos dispositions pour avoir quitté la Russie à la date indiquée et avoir rejoint votre nouvelle affectation, dans la mesure du possible et des contrainte de la route, au plus tôt.

J'ai également l'honneur de vous signifier que le 199ème Bataillon d'Infanterie sera versé sous le commandement du Général de Brigade Rateau, en tant que force de renfort à la Garde municipale de Paris. Votre actuel adjoint, le Chef de Bataillon Vosgiens, dirigera le 199ème bataillon, avec pour mission d'encadrer et vérifier la formation les troupes de la Garde municipale.

Fait à Paris le 21 août 1812,

Général de Division De Saint-Quentin,
Adjoint au Ministre de la Guerre.


Le géant resta un instant silencieux, puis sembla mâcher dans le vide pendant quelques secondes, avant de brusquement se décider:

- Vosgiens. Départ le 15 de ce mois. Marche régulière vers Paris: je te charge de tracer l'itinéraire. Toute la troupe groupée, je ne veux pas de prise de risques. je serais avec vous. Il faut que je vois le Ministre pour lui demander de revoir ça.
- C'est une promotion Lupus...
- Pour l'Espagne ? Tu parles...ils mettent mon bataillon pour "encadrer" des Vieilles Moustaches*, et ils me confient le commandement d'un régiment perdu dans la tourmente ibérique ?? Tu crois vraiment à une promotion ??


L'autre ne répondit rien, et haussa les épaules. Lupus se détourna brutalement et sortit de la maison... Quelqu'un lui voulait des emmerdes, à Paris, et il avait l'intention de trouver qui et de lui expliquer sa façon de penser...



*Vieille Moustache = vétéran, dans l'argot de la Grande Armée
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Re: Le Bataillon des Loups Noirs

Message par Lupus » Sam Août 09, 2014 12:41 pm

Chapitre 17: retour à l'Est:

- CHAAAARRRRRRRGEEEEEZ !!!!

La voix tonnante résonna dans la plaine, vite couverte par le galop de l'escadron de cuirassiers, qui bientôt croisa le fer avec des homologues russes, avant de rompre le combat et de se retirer. Au loin, d'autres compagnies françaises firent mouvement, et bientôt les cavaliers russes se dispersèrent et fuiyèrent, vaincus. Les cuirassiers français démontèrent alors, et descendant sur la rive de l'Elster, face à Grunau, firent boire et paître leurs montures. Bientôt un éclaireur revint vers la petite troupe, mettant pied à terre devant le colonel en charge de l'escadron:

- Nulle trace russe dans les environs, mon Colonel. Les commandants des compagnies environnantes ne signalent rien non plus.

L'officier hocha la tête et fit signe à l'homme de disposer, puis se tourna vers le Chef de Bataillon qui lui servait de second.

- Je vais te laisser la suite. Rassemble le bataillon et suis le plan; je vous rejoindrai une fois que j'aurai terminé à Podelwitz.

Le commandant, une espèce de grand vieillard maigre en diable, grogna un vague "oui" et se détourna. Le colonel alla récupérer sa monture, l'enfourcha, et piquant des deux fers se lança au petit galop vers la ville qui, au Nord-Ouest de Leipzig, accueillait le détachement du Cabinet de l'Empereur.

Sur la route qui le menait plein Nord, Lupus se perdit dans ses pensées, ne revenant à la réalité qu'en croisant les compagnies françaises qui descendaient vers le Sud, pour éviter d'aller leur écraser quelques hommes avec sa lourde monture.
Cela ne faisait qu'un mois que les "Loups Noirs" étaient revenus sur le front Est. Affectés pendant près d'un an à Paris, à ne rien faire, le bataillon avait rongé son frein, encadrant essentiellement les entraînements des recrues parisiennes et servant de garde dans bâtiments officiels de second plan. Quant à lui-même, Lupus, il avait pris le commandement d'un régiment en Espagne; en fait, une unité tellement étrillée par la guerre de la Péninsule Ibérique qu'elle avait reçu l'ordre de revenir en France deux semaines après qu'il ait pris le commandement, afin d'être renforcée et de pouvoir y retourner...pour servir de garnison sur les Pyrénées. Lui aussi s'était donc langui de la guerre véritable, devant se contenter de quelques patrouilles pour éliminer des guérilleros espagnols, et tentant de discipliner et entraîner un régiment finalement composé de nombre de jeunes recrues mal approvisionnées et encadrées par quelques anciens fatigués de la Guerre d'Espagne et méfiants envers ce chef arrivé de Russie.
Quand il avait quitté le front russe, il avait en tête de savoir qui l'avait ainsi éloigné du principal ennemi de la France. Son bataillon était pourtant composé de vétérans habitués aux cosaques et dont les résultats étaient excellents -sans être fantastiques il est vrai-, et lui-même, appartenant au Cabinet de l'Empereur, était protégé de nombre de manigances. Il s'était finalement avéré que si cette mutation était survenue, c'était car l'on avait pensé qu'il serait un bon commandant face aux guérilleros d'Espagne, et que sa haine des anglais serait une motivation supplémentaire: il ne s'agissait donc pas d'une machination, mais d'une mutation qui n'avait pas eu les effets escomptés, du fait de l'état du 69ème Régiment de Ligne lorsqu'il était arrivé en Espagne.

Finalement, il avait obtenu de repartir sur le front Est, récupérant à Paris ses fidèles "Loups Noirs", nom porté par les hommes de son bataillon. Bien sûr, il se trouvait ainsi de fait avec moins d'hommes sous ses ordres, mais qu'importait si le 69ème régiment ne pouvait combattre alors que les "Loups Noirs" le pouvait ? Lupus était un partisan de l'efficacité, et non de la gloire -même si le premier n'empêchait pas le second, il est vrai.
Revenu face à l'armée du Tsar, il avait récupéré ses habitudes sur le théâtre de Leipzig, qu'il ne connaissait pas encore. Le IIIème Corps d'Armée ayant été dissout durant leur absence, les "Loups Noirs" durent réaffectés à une autre unité qu'ils avaient bien côtoyés: la Brigade Infernale. Lupus avait un peu hésité, le XIIIème Corps concentrant ses anciens camarades du IIIème Corps et de l'Armée du Rhin -également dissoute- , et la prestigieuse Garde ayant un théâtre d'opérations qui lui paraissait intéressant; mais finalement, la BI avait eu sa préférence, notamment pour le caractère de jeunesse qui y demeurait à son sens.
C'est ainsi qu'il avait rejoint le brave Philius et le fier De Labastide -ce dernier étant entre-temps passé Maréchal de la Grande Armée-, ainsi que la nouvelle section, les Chasseurs Étrangers, officiers des plus intéressants et motivés -et qui, du fait de leurs accents étrangers, lui évitait les moqueries des autres français par rapport à son fort accent lorrain...

Un sourire en coin se dessina dans la barbe du géant. Les nouveautés de la Grande Armée étaient des plus intéressantes, et le secteur de Leipzig également. A chaque virage, il appréciait davantage d'être revenu face aux russes avec ses hommes. Même si la situation n'était pas positive pour la Grande Armée, cela n'allait pas tarder à changer, il en était persuadé. Avec un grognement qui se voulait un rire, il lança sa monture au grand galop, passant en trombe près de trois compagnies de fusiliers qui ouvrirent des grands yeux devant ce colon qui chevauchait comme s'il avait la quille à cinq mètres devant lui...
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Re: Le Bataillon des Loups Noirs

Message par Lupus » Dim Fév 15, 2015 3:33 pm

Chapitre 18 : des bombardements difficiles:

Le géant soupira, éloignant la longue-vue de son œil. En-dessous de lui, dans un Bacau meurtrit sous une neige tombante, le drapeau français flottait encore sur l'église -mais pour combien de temps ?

Les grenadiers du colonel La rapière faisaient face, de toutes parts, aux russes qui déferlaient sur eux. Si les quartiers étaient vite tombés -d'autant que, loin du chariot logistique de la Grande Armée, peu de troupes françaises avaient réussit à gagner Bacau-, l'église tenait bon, et les fiers grenadiers, solidement retranchés, faisaient feu de toute part pour tenir les russes éloignés. Même si la fin ne faisait guère de doute, on ne pouvait qu'admirer cette brillante page de gloire que La Rapière et ses hommes inscrivaient dans l'histoire de la Grande Armée dans le Carpates. Même si Lupus avait le sentiment d'être seul à le constater.

- Mon Colonel ?

Le géant grogna une réponse, observant toujours la ville, nichées entre les montagnes.

- ...la I° compagnie a été assaillie. Rien de grave, mais la route du repli sera bientôt coupée. On peut encore évacuer les blessés.
- Qu'attendez-vous, alors ? Qu'ils crèvent de froid et de faim ? Mandez des porteurs, et évacuez-les ! Par la forêt, puis remontez jusqu'à Iasi !


Le caporal salua puis décampa sans demander son reste, passant devant les artilleurs qui lui jetèrent un regard bougon. Pas que ce soit la faute du pauvre homme, mais tous savaient qu'il ne reviendrait pas avec de la viande et du pinard, malheureusement...

Lupus posa la main sur le canon à côté de lui. Le fût fumait encore alors que tombait la neige : la batterie avait passée la matinée à matraquer les compagnies russes qui ne s'étaient pas encore abritées dans les maisons, et avaient ru bon d'établir leurs bivouacs sur une plaine coincée entre deux montagnes, sans arbres ou ravines pour leur servir d'abri. Néanmoins, leurs pertes n'avaient guère été élevées: quelques tirs de voltigeurs russes avaient amoindri d'environ la moitié les artilleurs de Lupus, avant même qu'ils ne chargent les canons : faute d'hommes pour servir les pièces, la cadence de tir avait été lente, et les russes en contrebas avaient eu le temps de se disperser dès après la première salve, évitant la mort.

Le géant grogna. Les étendards verts étaient par trop nombreux, il le savait. Derrière lui, quelques compagnies de ligne, pour la plupart étriquées, s'apprêtaient à se replier; ses canonniers allaient devoir fuir, heureusement qu'ils étaient montés à cheval. Et qu'il y avait autant de chevaux que d'hommes...maintenant...
Il tourna les yeux vers les tombes creusés sur un bout de terre au milieu des hautes rocailles. Il faudrait malheureusement abandonner des canons ici -mais on les saboterait, en les bourrant d'explosifs ou en faisant fondre des parties vitales : il en faisait son affaire-; mais c'était bien les corps de ses hommes qu'il regrettait le plus de devoir laisser...


- Mon Colonel ?
- Hum ?


L'un des artilleurs, qui s'était approché, lui tendit une gamelle. Un coup d’œil : des pommes de terre, un morceau de carotte, et...un morceau de cuir.

- Merci, mon gars.

L'autre hocha la tête puis retourna se blottir près de ses camarades. Lupus avait interdit de faire du feu, pour tenir aussi incertains que possible leur nombre et leurs positions. Les russes ne s'étaient pas encore lancés à l'assaut du massif, c'était une chance. Mais du coup, les hommes étaient gelés, et la nourriture était froide.
D'une lampée, Lupus avala le jus, puis se mit à mâcher le cuir de selle, qui avait trempé. Ecoeurant... Quand il l'eût fini, se fut au tour des patates et du bout de carotte. Guère plus de goût. Il alla poser la gamelle dans un tonneau où on les mettait à tremper, puis tira à nouveau sa longue-vue pour surveiller les mouvements dans la vallée.

En rentrant au campement principal de la Grande Armée, il offrirait un repas gargantuesque à ses hommes. Oui, promis.
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