17 novembre 1807, Paris
Depuis que je fais parti de l'escorte personnelle de l'Empereur, j'assiste chaque jour à des scènes remarquable de part leur spontanéité...
Il y a quelques semaines par exemple, au cours d'une revue d'un régiment par l'Empereur, un beau jeune homme, un Sergent, à l´oeil expressif et sévère , à la tenue ferme et martiale fit résonner son fusil en deux temps et présenta les armes... L'Empereur approcha et lui demanda combien de fois il avait été blessé au combat. Le Sergent, très fier, répondit trente ! L'Empereur, étonné, lui répliqua qu'il ne demandais pas son âge mais le nombre de ses blessures. Alors élevant la voix, le sergent répéta son monosyllabe: trente ! Contrarié par cette réponse, l'Empereur demanda au colonel de l'unité si cet homme était sourd. Ce dernier lui répondant que le Sergent avait sans doute très bien compris la question de sa majesté, et qu'il avait effectivement trente blessures. Comment, dit l´Empereur tu as été blessé si souvent et tu n'as pas la croix ? Le sergent, alors, regardant sa poitrine, s'aperçut que le bandeau de sa giberne cachait sa décoration et, tout en le déplaçant pour laisser voir sa croix, dit a l'Empereur avec énergie cette phrase mémorable:
"J'en ai bien une sire, mais j'en ai foutrement bien mérité une douzaine !"
L'Empereur, heureux quand il rencontrait de tels hommes, dit a celui-ci ces mots sacramentels en lui tirant amicalement la moustache: "Je te fais officier". Ce à quoi le jeune officier ne manqua pas de répondre que l'Empereur ne pouvait faire mieux.
Je me rappelle aussi de cette histoire, entre un officier de la Garde et la douane française, il y a quelques jours...
Après la paix de Tilsit, la Garde, comme le reste de la Grande Armée rentra en France. Lors de son retour, l´Empereur donna des instructions très strictes aux douaniers de Mayence, leur demandant de renforcer les contrôles.
Un officier de la Garde, Soulès, qui avait fait quelques achats à l'étranger , comptait bien passer tranquillement la douane avec ses chasseurs, sans payer de droits sur les marchandises achetées. Peine perdue, ceux-ci décidèrent de visiter leurs bagages.
La réaction de Soulès au directeur des douanes fut brutale: "Si un seul de vos gabelous ose porter la main sur les caissons de mes chasseurs, je les ferai tous jeter dans Rhin, comme des chats, en commençant par vous."
Le directeur ordonna à ses douaniers de faire leur travail. C'est alors que le régiment de Soulès se forma en carré, baïonnettes croisées ! Devant l'air martial des vieux de la vieille, les douaniers finirent par reculer.
Averti quelques jours plus tard, l'Empereur dit à Soulès: "Et bien! Soulès, on m'en apprend de belles sur ton compte ! Il paraît que tu voulais jeter mes douaniers dans le Rhin."
Soulès: "Sire, je l'aurais fait je vous en donne ma parole."
Napoleon: "Je suis sûr que tu as acheté du linge en Hanovre pour monter ta maison parce que tu as deviné que je te ferais sénateur... Il valait mieux tout de même payer les droits. Passe pour une fois mais ne recommence pas. Je te ferais fusiller. Je t´en donne ma parole moi aussi. Allons, va commander ton costume."
Le contrebandier s´en tira donc avec une simple réprimande impériale !
La vie au coté de l'Empereur est fort plaisante.
Quelle chance pour la France d'être gouvernée par ce grand homme.