Prélude d'une Campagne

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Prélude d'une Campagne

Message par vétéran Antoine de Froiss » Lun Juin 25, 2007 8:30 am

L'histoire remonte à quelques mois avant le début de la Campagne de Russie, dans le sud de la France.
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Clément sortait de la grande maison qu'il habitait dans le centre de ce vieux Montpellier. La ville ne s'éloignait pas vraiment derrière les remparts, seul le Pérou semblait s'en aller vers l'arrière-pays. Marchant rapidement au milieu de la Grand'Rue il salua quelques connaissances d'un simple signe de main, il avait rendez-vous et n'aimait pas se faire attendre.

Traversant la Place de l'Oeuf alors que les coups de midi sonnaient à la grande horloge du Théâtre, il remit son veston de façon à ce que le vent humide annonçant les cavaliers ne lui fasse pas attraper froid. En cette saison, on pouvait sans mal dire si l'été serait chaud et sec ou bien s'il pleuvrait et fort heureusement, les cavaliers n'étaient toujours pas passés avec leurs grosses pluies venant du nord.

Après avoir vérifié sur sa montre à gousset qu'il n'était pas en retard, il traversa l'Esplanade et glissa jusqu'à l'ancienne citadelle, devenue depuis la restructuration de la ville, la Caserne du 2e Génie. Passant sur les anciennes douves, il regarda une énième fois l'heure, cette fois-ci sur la façade de l'entrée du bâtiment. Il serait en avance d'une bonne demi-heure, comme à son habitude.

Non sans un sourire ravi, il se présenta donc et se fit emmener devant l'Officier Supérieur qui l'avait appelé. L'attente ne fut pas bien longue, on le convia à entrer dans le modeste bureau de son hôte. Clément se souvenait de la dernière fois qu'il avait franchi cette porte, c'était pour lui demander de partir faire la guerre à la tête d'un groupe de pontonniers, mais visiblement, ce ne fut pas le cas cette fois-ci.

" Monsieur Clément de Dare, je suis ravi de vous rencontrer. "

Après un salut dans les règles, ce dernier fut invité à s'assoir et comme l'étiquette le voulait, il ne prononça pas un mot sans y être directement convié.

" Paris m'a envoyé un message à votre adresse et pour que cela passe par moi, c'est que vous devez drôlement leur être important. "

Le jeune homme qui n'excédait pas la trentaine écoutait l'Officier sans grand intérêt. Il se souvenait de son envoie en permission après qu'il ait refusé un ordre venant de l'Etat-Major lors de la campagne d'Italie et se doutait bien que pour qu'on fasse appel à lui, la chose devait être en effet, drôlement importante.

Attendant la suite, il porta son regard sur le vieil homme qui lui faisait fasse et semblait ne pas connaître la notion du temps. Clément décida donc, comme à son habitude, de bousculer les choses.

" Et quel est donc ce message si important ? "

Non sans une expression de surprise et de joie à demi-gâchée, l'Officier remit à l'ancien membre du Génie un document qui portait la signature de l'Armée. Se permettant de l'ouvrir devant son hôte, il la parcourut et finit par jurer au couvert du pli qui lui était adressé.

" Et bien, je vous remercie de m'avoir reçu, Monsieur. Ne vous inquiétez pas, je ferai savoir mon avis aux personnes compétentes lorsque ceci sera nécessaire. "

Tout en prenant congé, il glissa la lettre dans la poche intérieure de son veston. Une fois ramené jusqu'à l'entrée du bâtiment, il décida de faire une petite promenade.

Il avait été décidé que l'ancien officier du Génie reprendrait du service, non pas à la tête d'un groupe de pontonniers mais à la tête d'une compagnie de gendarmerie afin de faire valoir l'action prévôtale sur le terrain. Sans doute fussent ses études de droit qui lui permettaient d'accéder à ce poste, à moins que son cousin n'ait réussi à lui faire reprendre du service sous un faux-prétexte.

Clément avait désormais le choix entre refuser de servir sa Patrie ou d'aller à la guerre et de remplir son rôle. La deuxième solution semblait être de loin la meilleure et le changerait de ses ballades jusqu'au domaine de Gramont ou ses flâneries au Théâtre. Il lui faudrait un peu de temps pour se préparer, s'excuser auprès de ses amis et de rallier Paris puis semblait-il la Prusse.



Clément était un personnage arrogant et discourtois au possible, héritage de la Révolution selon les dires de son père. Reprenant la Grand’Rue en sens inverse, il avançait à grands pas, alors que le ciel commençait à s’obscurcir. Il ne savait pas réellement combien de temps il avait passé dans les parterres des fleurs, dans les jardins de la citadelle et encore moins combien de fois il avait fait le tour de la Place de L’œuf, il réfléchissant au choix qui s’imposait à lui.

Ce fils de marchand avait un sens aigu pour les affaires, il n’avait donc aucun mal à envoyer les soldats au casse-pipe tant que la fin était là. La guerre était la guerre et l’homme ne comptait pas en tant que tel lorsqu’il était question de prendre un plateau ou d’envahir une ville et malheureusement, Clément avait souvent eu la fâcheuse tendance de mener ses hommes dans des bourbiers et a en changer comme de culotte ce qui faisait de lui un officier bagarreur qui ne semblait pas tenir en haute estime les soldats qui étaient sous ses ordres, il était donc de toutes les missions dangereuses ce qui faisait de lui l’un des meilleurs officiers du génie.

Ce fut qu’une fois chez lui et bien après être rentré qu’il ne prit cette décision. Il avait passé toute la soirée à se remémorer ses missions confiées par l’Etat-Major et il finit par s’avouer à lui-même que cette époque lui manquait. Depuis son retour, il était tombé dans une sorte de monotonie, sans grand intérêt et rebondissement. L’Armée avait été quelque chose de palpitant et il se plaisait à raconter à ses plus proches amis les sabotages de places fortes ou la constructions de ponts au beau milieu du champ de bataille.

L’ancien officier du Génie était dans son lit, entouré par de nombreux coussins et relisait à la lueur d’une bougie la lettre rédigée depuis Paris. Il aurait pu remettre au lendemain l’écriture de la réponse mais se sentait à nouveau plein d’envie. Il se leva donc, enfila son peignoir et rejoignit son cabinet où trainaient quelques documents sans grand intérêt. Il passa ainsi un long moment à répondre avec soin et non sans un style qui lui était propre, au colonel qui lui avait adressé ce pli. Ce dernier avait longtemps combattu avec le montpelliérain et sans doute voulait-il à nouveau l’avoir à ses côtés en Russie. La réponse fut terminée peu avant l’aurore et le jeune homme après quelques griefs alla se coucher, il partirait la semaine prochaine jusqu’à Paris, y rencontrerait son ancien supérieur et rejoindrait la Prusse si rien n’était changé en cours de route.
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Message par vétéran Antoine de Froiss » Ven Juil 06, 2007 10:28 pm

Les préparatifs avaient été rapides, Clément n'avait pas besoin de beaucoup de bagages pour aller faire la guerre, même s'il était coquet du fait de son éducation, il n'en était pas pour autant un petit paon de la cour d'antan qui se pavanait dans des costumes tout aussi grotesque que le maquillage de catin qu'il portait. Il avait laissé les clefs de son appartement au concierge, qui le voyant vêtu de l'uniforme de l'Armée Impériale ne fit pas de commentaire. Un simple "Bon Courage!" fut clamé une fois que le jeune homme eut passé la porte cochère de l'immeuble.

Il avait décidé de passer à l'Université de Droit avant de quitter la ville, il avait encore un peu de temps devant lui. Le bâtiment était sobre mais immense. Bien avant que Clément ne soit élève ici, Cambacérès l'avait été lui aussi et avait rédigé d'une plume habile un Code Napoléon appliqué dans la majorité des pays d'Europe. Avant de partir faire la guerre, le jeune homme avait envie de se retrouver dans ce lieu mythique qui avait si souvent enfanté des hommes savants dont le nom fut inscrit dans l'histoire, comme Guillaume de Nogaret, Pedro de Luna, Pétrarque.
Passé la porte du bâtiment, une ambiance monastique tombait soudainement. Le silence et le respect des autres était une chose primordiale dans ce lieu, sans doute l'héritage de l'hôpital Saint-Eloi dans laquelle se trouvait la "faculté". Longtemps associée à celle de l'Art, on voyait des peintures magnifiques garnir les salles d'audience et de cours, alors que le jeune homme glissait à traver le cloître. A l'intérieur de celui-ci, quelques jardiniers étaient en train de tailler les haies et les pelouses, le printemps leur offrant bien du travail sous un soleil qui éclairait de mille feux tout le bâtiment.

Malheureusement pour le jeune homme, il ne trouva pas le Doyen avec lequel il voulait s'entretenir, on lui conseilla de revenir dans quelques jours, mais Clément n'avait pas le temps, il lui fallait partir dès aujourd'hui pour Paris pour ensuite pour la Prusse. C'est donc peiné qu'il fit demi-tour, regardant une dernière fois derrière son épaules les salles de cours qu'il avait si longtemps fréquenté.

Il se pressa donc jusqu'à sa voiture qui le conduirait à Paris, qui prendrait le temps nécessaire aussi. Ses bagages avaient été montés et il était attendu. Sans un mot il monta à l'intérieur puis se mit au 'travail', laissant aux chevaux le reste.

C'est ainsi que ce passa le voyage, sans encombre mais long. Il avait reçu comme information au moment de son départ que les Gendarmes qu'il devrait diriger venaient eux aussi du Sud de la France, amusant. Mais ils étaient déjà partis quelques jours avant lui, avant même qu'ils ne soit tenu informé de son départ. Il devait les retrouver soit en Alsace-Lorraine soit en Prusse, mais les plis étaient concis et peu clairs.

Après environ deux semaines de voyage, il arriva donc jusqu'à la Capitale qui semblait rayonner à nouveau. Il était fermement attendu par le colonel qui avait fait appel à lui et avait sans nul doute, beaucoup de questions à lui poser et en premier lieu, pourquoi passer du Génie à la Gendarmerie Impériale. Il descendit dans une caserne aux abords de la cité gauloise et attendit ainsi plusieurs jours, à maugréer après des officiers qui le faisaient attendre. Puis vint enfin l'audience tant attendue et a contrario de ce qu'il attendit, il n'eut pas besoin de faire le déplacement. L'homme qui vint le rejoindre dans les jardins de la caserne était le même que dans son souvenir, à la différence près qu'il avait désormais les cheveux et la barbe poivre et sel et que quelques rides émaciaient son visage dont deux allant de la base de son nez, marquant prodondément sa joue en faisant le pourtant de sa fine bouche et allant jusqu'à son menton dans une courbure prononcée. Sans doute fusse à forcer de beugler les ordres que de tels stigmates étaient apparus.
Clément était en uniforme, comme à son accoutumée.

" Mon Colonel. " dit-il en se levant et il faisant le salut militaire, shako sous le bras.

" Et bien, mon cher Clément, je vois que vous n'avez pas changé, toujours prêt à venir là où il y'a de l'action. " Son supérieur hiérarchique lui rendit le salut avec un sourire qui ne faisait qu'accentuer la marque de ses rides. " Je vous remercie d'être venu et à dire vrai, j'ai eu peut que vous décliniez ma proposition. "

La dernière phrase amusa grandement le Sous-Lieutenant et pensa sans doute en son fort intérieur qu'il n'avait pas réellement eu le choix de ses décisions et que sa présence à Paris était un passage obligé. Toujours très appliqué, il décida donc d'attendre qu'on lui octroit la parole avant de répondre, voyant que le colonel n'avait pas fini son propos.

" Si je vous ai fait venir jusqu'ici, c'est pour vous expliquer votre nouvel tâche mon ami. Comme vous le savez, ce ne sont plus des pontonniers que vous devrez diriger mais des Gendarmes, chose autrement plus importante et plus difficile. De plus, votre statut du juriste vous a permis d'avoir une place confortable au sein de la force prévôtale déployée en Russie. J'ai pris le soin de vous offrir toute la logistique nécessaire et je suis sûr que ceci vous plaira. Avez-vous quelques questions avant que je ne poursuive ? "

La prémière des interrogations de Clément semblait avoir reçu une réponse, bien qu'étant incomplète. Sans doute fusse la volonté de l'Officier Supérieur que de garder une part de mystère sur sa 'promotion'.

" Vous me le permettez alors autant en profiter. Je m'interrogeais sur le fait d'avoir choisi un montpelliérain qui jouissait de sa retraite alors que bon nombre d'hommes sont compétents et se trouvent déjà à Paris. Avez-vous quelque chose derrière la tête, Monsieur ? Je vous connais comme vous me connaissez et je sais que vous avez d'autres desseins pour moi que de simplement commander un bataillon de gendarmes. "

Le Colonel semblât quelque peu déçu de voir Clément rentrer dans le vif du sujet, ôtant ainsi toute possibilité de surprise.

" Vous avez raison, ce n'est pas uniquement pour exercer la Justice au sein de la Gendarmerie que je vous envoie là-bas mais aussi pour y être pleinement acteur. En effet, notre Empereur a décidé de mettre en place un Code Militaire, ressemblant un peu au Code Napoléon mais qui serait destiné à contrôler et encadrer nos hommes et il a besoin de plumes habiles connaissant les textes et pouvant les faire appliquer au mieux. Votre passé à Montpellier a grandement intéressé l'Empereur qui voit en vous un Cambacérès militaire avec un esprit non moins vif et sérieux. Bien évidemment vous ne serez seul mais sans doute serez-vous à la tête d'un groupe de travail, ce qui ne vous empêchera pas de poursuivre votre travail à la tête de Gendarmes. "

Bien évidemment, l'officier de Dare ne fut pas surpris, il s'attendait même à ce genre de choses. Les statuts et règlements étaient devenus courant pour lui.

La discussion continua ainsi jusqu'à tard, mais l'essentiel avait été dit, dès le début. Clément serait à la fois dans la force prévôtale et devrait donc rédiger le Code qui lui permettrait de faire son travail. Le rassemblement des deux pouvoirs n'étaient une bonne chose mais il aurait tout le temps de prendre les choses en main, il lui fallait déjà oeuvrer pour arriver jusqu'en Russie et y rester.

Il ne revit qu'une fois encore le Colonel avant de partir en direction de Strasbourg, et ce, la veille de son départ. Ce dernier avait des documents à lui remettre et lui souhaita bonne chance tout en espérant qu'ils puissent à nouveau combattre ensemble. Peut-être serait-ce le cas après tout, Clément aimait se disputer avec lui sur la tactique a employer sur un front ou pour sa façon de gueuler tout le temps lorsque ça n'allait pas.

Il profita donc du voyage jusqu'à la frontière prussienne pour reprendre l'ébauche qui lui avait été confiée et voir ce qui pourrait être modifié et ajuster. Le Code Militaire serait un projet titanesque fait au milieu du champ de bataille mais c'était le meilleur moyen de retranscrire les interdits que de vivre les actions en leur sein. Son déplacement fut ponctué par quelques embuche et il perdit deux jours à cause d'une roue brisée par une mauvaise route. A son arrivée à Strasbourg, il fut accueillit par un officier du 'cru' qui lui remit le point de rendez-vous avec son futur bataillon. Ses hommes l'attendaient de l'autre côté de la frontière et il devrait les rejoindre d'ici trois à quatre jours. Il connaissait vaguement le nom de son adjudant pour l'avoir déjà rencontré une fois mais ne pensait pas le reconnaître au milieu de la masse.

Et ce fut le cas. Ses hommes l'attendaient en bavière, dans un fortin servant de point de ravitaillement pour les trains de logistique qui acheminaient ensuite les vivres dans tout l'est de l'Empire La rencontre fut organisée devant le bâtiment, les compagnies étaient en formation et à leur tête les estafettes de chaque d'entre elles. Clément reçu les salutations de ses hommes et le commandement d'une des formations. Sur la plaine où se déroulait cette prise de contact se trouvaient deux compagnies de ligne, une compagnie de voltigeurs, deux de cavalerie et on parlait même d'artilleurs, mais ces derniers étaient encore en France. Bien évidemment, il n'aurait pas à sa tête tout ce groupe et partirait en premier lieu avec les deux compagnies d'infanterie jusqu'en Russie puis serait rejoint par le reste du bataillon, une fois qu'ils auraient finis leurs affaires ici.

Le départ fut programmé pour l'après-midi même et après un repas entre officiers, la mise en branle fut annoncée. Ainsi quatre cent hommes partirent suivant les routes les menant, peut-être, vers une nouvelle victoire de leur Empereur.
Dernière édition par vétéran Antoine de Froiss le Mar Sep 04, 2007 6:25 pm, édité 1 fois.
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Message par vétéran Antoine de Froiss » Mar Sep 04, 2007 2:32 am

Dans la pénombre de sa tente, le Major de Dare laissait ses pensées l’envahir, s’offrant ainsi à l’art de la dialectique entre sa conscience profonde et lui-même. Nombre de choses se bousculaient dans sa tête à en avoir le tournis, tant et si bien qu’il semblait être pris dans un tourbillon de soucis qui voulaient visiblement l’emmener dans les bas-fonds de son esprit. Ce fut peut-être même la première fois que Clément, qui avait su gravir les échelons malgré les luttes intestines du pouvoir, se demanda s’il était réellement utile dans cette campagne et si son travail était bénéfique à la marche de l’armée jusqu’à Moscou. Lui, d’ordinaire si prompt à se faire complimenter et à flatter son égo, était en proie à une réflexion farouche, voire pis, doutait même de son œuvre.
La bataille semblait ne pas vouloir avancer depuis maintenant six mois et ce champ de bataille était devenu un vrai bourbier, où les corps étaient ensevelis par d’autres, plus frais. On se serait cru dans un cimetière où l’on aurait laissé les morts comme des offrandes à Dieu. Barbarisme à la gauloise, qui montrait bien l’atrocité de cette guerre et les carnages qui avaient lieu au milieu des détonations et du capharnaüm magnifique des combats. Trois cent gendarmes étaient morts sous son commandement depuis le début de la bataille, et si cela était bien peu en comparaison d’autres, le Major semblait pour la première fois touché par ce chiffre insignifiant par rapport au nombre de morts causés par ses hommes, qui se comptaient en milliers.

Il se souvint de cette première approche avec ses hommes, qui venaient d’un peu partout de la France, pour servir l’Empereur dans cette campagne qui s’annonçait très bien. Ils avaient pris la route depuis la Bavière vers l’est, sur un chemin plutôt grand leur permettant d’avancer en formation, avançant en rangs serrés. Les deux bataillons de ligne étaient suivis par le bataillon de voltigeurs, alors que les tambours sonnaient la cadence et les trompettes donnaient l’air des chants qui étaient repris en cœur par l’ensemble des hommes. Clément s’était senti à son aise, et profitait de cette longue marche pour discuter un peu plus avec les membres de l’estafette qu’il avait composé en triant sur le volet ceux qui seraient désormais ses adjudants et ses sergents. Parmi eux, se trouvaient Antoine de Foissac et Pierre-Marie Lizeaux. Le premier était plutôt beau garçon à la verve digne d’un poète, quant au second, c’était un homme dont les cheveux ‘poivre et sel’ aidaient à définir son âge, en plus de l’indice laissé par ses petites lunettes rondes qu’il portait sur le bout du nez.
Clément, alors Sous-Lieutenant, savait que tous les trois feraient un bout de chemin important ensemble, et espérait que tous pourraient progresser au sein de la hiérarchie militaire, se rapprochant ainsi de l’Empereur et des têtes pensantes de la Grande Armée. Mais avec son dossier militaire, il ne lui serait pas rendu facile l’accès aux postes importants, à moins que ce dernier ait pu être totalement nettoyé des blâmes qu’il avait reçu pour insubordination.

Oui, à y repenser ainsi, les débuts avaient été bien difficiles, malgré les combats remportés par le jeune sous-lieutenant. Il leur avait fallu deux semaines pour rejoindre les troupes sur le champ de bataille et ainsi pouvoir se lancer à l’assaut de la Russie, qui leur tendait les bras. Très vite, Clément avait su se faire bien voir, faisant part de ses analyses pas plus mauvaises que celles d’autres officiers, au Mess -qui se trouvait en amont du champ de bataille- ,alors en train de se constituer. Il avait réussi à intégrer le VI° Corps d’Armée du Commandant Laurent de Gouvion Saint-Cyr et avait, avec l’aide de ses camarades de fortune, pris le contrôle de la première ville qui se trouvait devant eux.
Clément avait dû intégrer un autre régiment que celui de la Gendarmerie Impériale, aujourd’hui composé de plusieurs milliers d’hommes, car il se trouvait qu’il était pour l’heure le seul à exercer la force prévôtale, les renforts étant bloqués pour leur grande majorité en Espagne et devaient arriver que deux semaines plus tard, ce qui avait laissé le temps au jeune montpelliérain de prendre ses marques au beau milieu de cette Russie, immaculée –au premier abord- par une neige qui ne semblait jamais vouloir s’arrêter de tomber.

Pendant que le Grand Prévôt Lassalle et l’Inspecteur Général de la Gendarmerie Impériale arrivaient en Russie, Clément se chargea de lancer les bases du Code Militaire de la Grande Armée avec l’aide de quelques autres personnes, jusqu’à finalement s’en approprier toutes les modifications, par de belles paroles et des écrits qui prouvaient à juste titre, sa connaissance en droit. Cambacérès serait sûrement étonné et peut-être même ravi de voir aujourd’hui ce Code Militaire en évolution constante, mais qui reste encore maintenant, un texte incomplet qui ne demande qu’à être amélioré et épaissit par l’écriture du Major et par le Bureau du Parloir qui fêtait son premier mois de mise en place.

Major… Ce fut l’un de ces grades, comme il en eut plusieurs autres. Car oui, le parcours durant cette campagne, de l’Officier de Dare était plutôt surprenant. Etant alors Sous-Lieutenant et rédacteur d’un jeune Code Militaire, il aida l’Empereur à installer les bases de l’Etat-Major en rédigeant au sein du Code, les modalités qui permettent de rendre officielle la tête pensante de cette campagne. Avec le travail abattu qui permit ainsi à la Grande Armée de gagner bien des combats, l’Etat-Major s’affirma peu à peu, et l’officier de Dare commença à cumuler les postes, ce qui créa ainsi des tensions dignes des intrigues politiques du parlement français. Les jaloux étaient bien vite montés aux créneaux, mais celui qui était devenu le Général de Dare semblait s’en moquer éperdument.

Il avait, après s’être occupé de la rédaction du Code Militaire, pris la tête de la Cour Martiale, étant Officier Supérieur de la Gendarmerie Impériale et le seul officier qui s’était présenté à la place et ayant eu un passé dans le droit. Puis, lorsque les deux décisionnaires furent envoyés sur un autre théâtre d’opération par l’Empereur, ce dernier donna toute latitude à Clément pour poursuivre les combats sur le champ de bataille et il devint ainsi Général.
Mais le serpent a bien souvent le dernier mot, et il fut peu à peu instauré au sein même de l’Etat-Major un état de crise où les disputent étaient plus courantes que les débats d’idées sans effusion de paroles assassines. Bien évidemment, Clément était toujours aussi détesté, y compris par certains membres de l’État-Major mais semblait toujours aussi peu troublé. La seule chose qui lui importait était la victoire et Antoine le comparait parfois à Machiavel, ce prince Italien qui avait quelques siècles plus tôt, parlé de la ‘fin qui justifie les moyens’.

Combien d’hommes avait-il été prêt à envoyer au casse-pipe pour prendre une position stratégique ? Combien de régiments étaient sollicités pour une seule mission ? Tout se faisait suivant un ordre précis, le temps comptant énormément. C’est ainsi que Clément devint le métronome de l’Etat-Major en éjectant en prison ceux qui retardaient un peu trop l’avancée de la Grande Armée. Mais l’Empereur avait souhaité du changement, prétextant que l’organisation actuelle de l’Etat-Major ne lui plaisait pas. Trop immobile et bien évidemment, trop fermée.

Aujourd’hui, il se retrouvait donc las de tout ceci, comme s’il s’était déjà essayé à tous les rôles dans cette campagne. Ses hommes lui vouaient une confiance aveugle, ses aides de camp ne venaient jamais contredire ses ordres. Clément avait toujours désiré détenir le contrôle des choses, mais il aimait lorsqu’il y avait du mouvement, une opposition et il ne trouvait ceci que dans les combats qu’il menait face aux russes.

Toujours pris sans ses pensées, il se souvint qu’il ne fallait pas qu’il tarde, le prochain assaut français dans les lignes russes allait être donné, autant être prêt à affronter la mort une fois de plus.
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