Le Major Vilpinov appris la nouvelle dans la nuit du 14 au 15 juillet alors qu’il était au Mess.
On avait découvert le corps du Commandant en Chef des Armées, Yermolov, dans son bureau, une balle dans la tête, un pistolet à côté de lui.
Suicide ou meurtre ?
Cette question revenait sans cesse. Le mess était en totale effervescence, beaucoup étaient prostrés.
On n’en savait pas plus.
La police du Tsar avait interdit tout accès à son bureau et menait seule l’enquête. Rien ne filtrait sur ordre du Tsar lui-même.
Ores, Chef du deuxième corps d’Armée, et issu du Régiment des Pavlovs fondé et façonné par Yermolov, était effondré.
Le désarroi était perceptible. Cette disparition intervenait au moment où la réorganisation, voulue par Yermolov se mettait en place. Les 4 corps étaient constitués, la stratégie arrêtée dans ses grandes lignes, le positionnement des régiments décidé.
L’organisation de l’école Militaire restait le point difficile.
Pour des raisons obscures le Chef de l’école militaire, un homme de confiance de Yermolov venait juste d’être révoqué. Est-ce que cela aurait pu le pousser au suicide ? Certains le pensaient, car l’école militaire était pour Yermolov une composante essentielle, le creuset de la future élite militaire, et à ses yeux, sa réforme était une condition sine qua non de la victoire. Et tous connaissaient son caractère sans concession.
Le lendemain, tôt, le palais du Tsar donna l’explication officielle dans un communiqué :
« Le Commandant en Chef des armées Yermolov a été retrouvé assassiné dans son bureau hier soir.
Les espions français auteurs de ce forfait inouï sont identifiés et seront arrêtés et exécutés rapidement.
Napoléon, soit disant Empereur, démontre qu’il ne recule devant aucun crime. L’assassin du duc d’Enghien, le continuateur de la boucherie révolutionnaire régicide, n’a pu refréner sa soif de meurtre.
Nos armées chasseront sans pitié les français du sol sacré de la Russie.
Elles seront dorénavant conduites vers la victoire par le Major Vilpinov, Chef du régiment de la Garde Preobrajensky, qui devient dès aujourd’hui le Commandement en chef des armées russes.
Vive le Tsar Alexandre 1er
Vive la Sainte Russie
»
(HRP/ : s’agissant d’un communiqué du Palais, la Gazette peut en rendre compte /HRP)
* * *
Le Major Vilpinov découvrit avec les autres officiers restés toute la nuit au mess le communiqué.
Meurtre donc !
Etait-ce la réalité où la décision du Tsar ?
Peu importe puisque de toute façon la décision du Tsar est la réalité !
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En fait, le Major Vilpinov avait commencé son travail de nouveau Commandant en Chef des Armées dans la nuit.
L’annonce de la mort de Yermolov l’avait affecté. Ils discutaient souvent le soir ensemble de la stratégie, de la restructuration de l’Armée que Yermolov jugeait bien difficile à mettre en place.
Vilpinov tenait pourtant le suicide pour plausible, mais mieux valait ne pas relancer les spéculations et que chaque Chef de régiment se concentre sur les manœuvres complexes en cours.
Yermolov était un. Et il était mort, cela était bien certain. Il restait les 1000 compagnies, bien vivantes. Pour Vilpinov, c’est cela qui devait primer sur tout, même en cette circonstance, même s’agissant d’un de nos plus grand stratège et tacticien. 1000 compagnies, 150 000 hommes … dont beaucoup au contact de l’ennemi.
Vilpinov savait que peu de Chef de régiments se proposeraient pour le poste. Déjà le choix de Yermolov avait été un choix presque par défaut faute d’autres prétendants. Mais Yermolov en imposait à tous il est vrai, par son caractère, son expérience, ses victoires passées.
Le Major Saint-Hilaire était parti depuis peu, mais son retour était impossible : il avait définitivement abandonné la carrière militaire pour se consacrer à sa famille. Les réformes lancées étaient bien trop éloignées de son organisation pour rendre même ce retour souhaitable.
Vilpinov informa les Chef de régiments que s’il fallait assurer l’intérim il se porterait volontaire. A sa surprise, tous semblaient soulagés. L’idée de la vacance possible de ce poste horrifiait tous les officiers.
Le Palais du Tsar le sût immédiatement bien sûr. Rien ne lui échappait de ce qui se passait et disait au mess.
Vilpinov acheva de les rassurer en indiquant qu’il ne changerait pas l’organisation mise en place par Yermolov.
Outre qu’il partageait les grandes lignes de sa stratégie, le changement d’organisation aurait créé une confusion bien trop préjudiciable à un moment crucial de la bataille. Quatre corps, trois corps, Vilpinov s’en moque. Finalement c’est la cohésion qui compte, la confiance entre les Chefs de régiments.
Il fallait se focaliser sur la mise en place des différents corps d’armée, l’installation des régiments dans leurs nouveaux campements, la conquête des fermes ouest, la conservation de la ferme Nord-est et du fortin nord.
Il fallait d’urgence reprendre en main les Pavlovs et les lancer à l’assaut de Styrgrad afin de maintenir leur cohésion.
Dès qu’il le pourrait il faudrait aussi faire une déclaration à lire dans toutes les unités.
Enfin, il lui faudra songer à préparer sa succession à la tête de la Garde Preobrajensky, puisque la constitution interdit ce cumul. Le choix se ferait début septembre quand tous les officiers seront revenus au front