par vétéran Kreuzberg » Jeu Août 23, 2012 10:13 am
Lorsque Kreuzberg avait vu la bouteille exploser à côté de lui, il avait renversé son gobelet sur son uniforme vert foncé. Voyant la vaste tâche noire qui était apparue et sentant la gnôle à plein nez, il prit sa lorgnette et jeta un coup d'oeil aux Français. Il vit un capitaine voler le soulier de son aide de camp, un chef de bataillon tentant d'apaiser ledit capitaine et les soldats français viser et tirer sur les bouteilles. Il prit un porte-voix et il vociféra :
- Vous n'avez pas honte de détruire un si bon nectar ?! Bon Dieu, mais qu'est-ce qu'elle a de plus, cette gnôle ?!
Une balle siffla au dessus de la tête du Sous-Lieutenant et fit tomber son shako. Kreuzberg se coucha. Il prit un morceau de bouteille cassée par terre et lut : "Réserve personnelle de Monsieur De Lasalle : gnôle aux mirabelles". En 1804, lorsque Kreuzberg habitait encore en Prusse et que cette dernière n'était pas en guerre, il avait entendu parler de la gnôle française, exquise selon les dires.
Le Sous-Lieutenant trempa l'index dans le fond de bouteille où résidaient encore quelques gouttes. Il mit le même doigt dans sa bouche.
Après un moment, il murmura :
- Par la barbe du Patriarche de Moscou ... Mais ... Mais c'est délicieux !
Puis, se cachant derrière la roulotte du vieux Niko, il appela son aide de camp :
- Adjudant EisenKreuz !!
- Monsieur ?
- Dans notre campement, on a encore combien de chariots vides ?
- Hmm ... 3 chariots vides.
- Mon secrétaire en a un ?
- Oui.
- Vous allez lui dire de prendre sa paperasse dans une malle et il va faire la marche à pied, comme tout les hommes !
- Mais, avec moi, c'est votre plus proche collaborateur et ...
- Silence ! Si il le faut j'écrirai moi même mes lettres malgré mon écriture de "pattes de mouche" comme diraient les Franzskis ...
Après un court silence ou l'aide de camp baissa la tête face aux yeux noirs du Sous-Lieutenant Kreuzberg, ce dernier reprit :
- Après avoir foutu dehors cet hurluberlu, vous irez à la cave de la taverne. Vous irez voler tout ce que vous pourrez qui comporte la mention "Réserve personnelle de Monsieur De Lasalle". Et ces bouteilles, vous les chargerez dans les quatre chariots vides. Un gobelet à chacun de mes
400 hommes avant tout combat. Et puis bien sûr, une bouteille pour moi et moi seul à chaque fin de repas. Ah, et n'oubliez pas de m'apporter une bouteille immédiatement, j'ai soif. Exécution !
L'aide de camp claqua des talons et, évitant les balles françaises, s'enfonça dans la taverne en gueulant les ordres.
Kreuzberg remit son shako, se releva, reprit son porte-voix et cria :
- Capitaine ! Je me vois contraint de vous prendre ces quelques centaines de bouteilles de votre camarade De Lasalle !... Sans raucune, hein ?!
- Va te faire f... !, cria le capitaine en sortant son pistolet et en tirant à l'aveuglette (ce qui n'eut qu'un effet : casser une vitre).
Kreuzberg riait tellement fort qu'il en avait les larmes aux yeux. Intérieurement, il se dit : "Ah ! Ces Français ! Ils en perdent leur bonne conduite et leur décence ... C'est bien dommage, je les aurai bien accueillis à Berlin si ils n'étaient pas raucuniers".
L'aide de camp arriva avec une bouteille à la main. Kreuzberg se coucha à nouveau derrière la roulotte du vieux Niko pour éviter que les Français ne casse la bouteille et appela ses amis :
- Moleskine, Stephanovitch ! Excusez-moi, Messieurs, tout à l'heure je ne vous ai pas salués, mais je crois que l'occasion est bonne pour le faire !
Les deux officiers se précipitèrent à terre derrière la routelle, leurs gobelets avant leur tête. Kreuzberg les servit, puis se servit lui même en criant (cette fois sans porte-voix, mais d'une voix qui se voulait portante) :
- Hmm ! Délicieuse cette gnôle FRANÇAISE ! Mouahahaha ...
Ludwig von Kreuzberg,
Médaillé de la Nation
Ex-Juge de la Cour Martiale Russe
Ex-Vice-Chancelier Russe
Ex-Commandant de l'EMR et de la Garde du Tsar