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An XX, Germinal, Ière Décade, Septidi:
Je prie, en ce moment. Qui, quoi ? Je ne sais pas: je prie, c'est tout. J'implore.
Tous ces morts, tous ces cadavres, recouverts ici de neige; là encore frais et le sang abreuvant la neige, qui devient rouge. Je suis dégoûté, mais je continue.
J'ai l'impression d'être un comptable. Et un tueur au sang froid en même temps. Ces comptes macabres que je fais... Chercher à faire plus de tués que nous n'en subissons. Chercher à mettre en déroute plus de compagnies que les russes n'en font battre en retraite.
Je reste impassible devant ces chiffres que j'écris, que j'additionne... Comment cela se sait-il ? Certains des hommes qui étaient mes amis ne sont plus, dans ces feuilles, que des nombres. Le cynisme pèse sur tout le bataillon.
J'ai l'impression que la Grande Armée est plongée dans un marasme constant, une stagnation permanente. Comme un marais gluant, ou même la raspoutitsa d'automne. Les régiments se critiquent, s'affrontent. Nos chefs ne trouvent plus de volontaires pour les remplacer ou les soutenir -et encore, quand eux-mêmes ne s'accrochent pas à leurs galons et à leur batterie de cuisine, ou pire encore, à leurs fonctions pour le seul prestige et le monopole du pouvoir.
Comment avoir foi ? Hier, j'ai signalé à mes hommes que notre nouveau second était Maëlys. Au moins un qui est volontaire, c'est toujours ça.
Remarque. Je critique, mais je pourrais sans doute faire plus moi-même. Seulement, je ne vaut rien en tactique, et c'est pourtant l'une des choses qui priment sur le terrain, sinon la seule chose à prendre en considération. Sur le plan stratégique...bah ! Il faut du temps.
A propos...je continue à l'observer: nos mouvements sont axés sur un point au Nord de Polotsck. Au Nord, l'Armée du Nord progresse, bien que plus durement depuis que nos camarades ont mit le siège à cette satanée ville; au Sud, nos troupes reculent peu à peu. Je compile les cartes, et j'essaye de comprendre. Où se trouve le "verrou"...?
Que faire, au final ? J'ai récemment songé à demander un congé. Mon escadron de cavalerie essuie trop de pertes, et n'en rend que peu...on me dit que mes lanciers manquent d'expérience: d'accord, mais tout de même, c'est rageant ! Finalement, je dois admettre que je ne puis me permettre d'abandonner mes camarades juste pour que moi et mes hommes nous reposions. Que vaudrions-nous si, parce que nous sommes exaspérés, nous lâchions les nôtres face aux habits verts ? J'ose déjà à peine me regarder dans une glace quand je me coupe les cheveux et taille ma barbe: autant tout raser, comme une bille de billard, si je devais ainsi abandonner mes frères d'armes. Là, je n'aurai pas à affronter mon visage.
Feuilleter, compulser, renseigner...Nous manquons de bons stratèges, je pense. Nos généraux sont bons, mais parfois, je me demande s'ils ont à leur disposition assez d'idées diverses pour envisager tous les scénarii possibles.
...
Il faut que je songe à écrire à Hendrix. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de ses nouvelles, je ne sais même pas s'il est encore en vie. Et puis, peut-être aura-t-il quelques conseils à me donner: le 18ème avait évolué dans les parages, il me semble...ou bien étaient-ils plus au Sud ?
MINISTÈRE DE LA GUERRE
Le Général De Division de Saint-Quentin,
Adjoint au Ministre de la Guerre
A
Monsieur le Colonel Lupus,
Commandant le 199ème Bataillon d'Infanterie "Les Loups Noirs"
Mon Colonel,
Par décision de Monsieur le Général de Division Clarke, Ministre de la Guerre, sous avis de Monsieur le Général de Division Lacuée, Ministre directeur de l'Administration de la Guerre, j'ai l'honneur de vous signifier par la présente votre réaffectation à compter du 1er octobre de l'année 1812 au commandement du 69ème Régiment d'Infanterie de Ligne, présentement positionné en la Péninsule Ibérique, dépendante de l'Armée d'Espagne.
En conséquence, vous prendrez vos dispositions pour avoir quitté la Russie à la date indiquée et avoir rejoint votre nouvelle affectation, dans la mesure du possible et des contrainte de la route, au plus tôt.
J'ai également l'honneur de vous signifier que le 199ème Bataillon d'Infanterie sera versé sous le commandement du Général de Brigade Rateau, en tant que force de renfort à la Garde municipale de Paris. Votre actuel adjoint, le Chef de Bataillon Vosgiens, dirigera le 199ème bataillon, avec pour mission d'encadrer et vérifier la formation les troupes de la Garde municipale.
Fait à Paris le 21 août 1812,
Général de Division De Saint-Quentin,
Adjoint au Ministre de la Guerre.
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