par Napoléon » Mer Déc 03, 2008 5:39 pm
Dès lors que l’Empereur fut entré dans le Palais, on le conduisit vers la salle de réception, à l’étage. Devant l’immensité de la pièce, tout le monde resta pantois, à l’exception de Napoléon qui traversa au milieu des officiers préparant les tables. Combien étaient-elles ? Peut-être une centaine, peut-être plus ; la capacité d’un tel lieu de réception pouvait au moins accueillir milles convives. A l’autre bout de cette vaste étendue de nappes et de couverts dressés se trouvait une imposante estrade, où dinerait Sa Majesté Impériale et les Officiers Généraux de la Grande Armée. Chacun pourrait ainsi percevoir depuis sa place la tablée et bien évidemment, Napoléon pourrait embrasser du regard tous ses officiers et veiller sur eux le temps d’une soirée.
Remarquant bien que le travail n’était pas fini ici, l’Empereur ne voulait nullement déranger plus et s’éclipsa après quelques félicitations et reprit la direction du hall où se patientait tout le monde. Il aimait à se retrouver au milieu de ses hommes. Tous, par leur histoire, par leur expérience contribuaient à écrire l’histoire de la Grande Armée, à rédiger une page de la Campagne de Russie. Il n’aura cependant suffit que de quelques salutations pour déjà sentir que les hommes étaient heureux, mais las d’être en Russie. Napoléon avait appris à prendre le pouls d’une armée et sentait bien que le froid sibérien ralentissait celui de ses hommes. Ce banquet aurait son effet, pour les jours à venir, mais il ne pourrait point être plus fort qu’un message adressé à chacun de ces hommes. L’alcool ne serait-il pas un bon ingrédient permettant de réaliser un discours portant haut les couleurs de l’Empire ?
Alors que l’orchestre militaire donnait le ton dans un coin de la pièce, Sa Majesté Impériale alla derechef chercher la ferveur de ses troupes en leur adressant tous les encouragements nécessaires pour la réussite de la bataille ; en homme convaincu, il n’était loin là question de jeter sauvagement quelques phrases qui feraient plaisir, mais bel et bien de réchauffer les cœurs et de montrer qu’il était tout autant qu’eux fier d’être là et heureux de se rapprocher toujours plus de Moscou. Dès lors que les officiers seraient attablés, le moment serait le bienvenu pour faire part du profond ressentiment qu’il éprouvait à tout le monde ; pour l’heure, quelques rencontres supplémentaires ne mangeraient pas de pain et permettrait de montrer que chaque homme avait son importance.
« Major Général de Sainte-Croix, cette réception est une réelle réussite, je vous adresse mes plus sincères félicitations ; j’espère que vous n’avez pas eu trop de mal pour faire venir l’alcool et les mets que nous mangerons ce soir. »
Tout en félicitant une remerciant une nouvelle fois le Capitaine Adjudant-Major d’un signe de tête bienveillant, l’Empereur le laissa avec ses interlocuteurs, ne manquant pas de les saluer eux aussi, officiers de la Garde ou bien alors membres d’autres Corps d’Armée.
Au milieu de ce parterre d’officiers et de sous-officiers, Napoléon remarqua sans peine qu’il n’y aurait jamais assez place pour accueillir tous les braves qu’il avait rencontré à l’extérieur ; sans doute la pénombre lui avait-elle jouée un tour, et il constatait que l’on se poussait pour pouvoir pénétrer dans le Hall du Palais, déjà plein à craquer d’hommes devant jouer des coudes pour ne pas être envoyés de part et d’autre de la pièce. Se décidant donc à intervenir, ne voulant pas que l’on gâche cette fête inutilement, il fit demi-tour et se dirigea vers l’homme qui serait le plus à même de gérer la situation et de permettre à tout le monde de profiter de la soirée.
« Veuillez m’excuser une nouvelle fois Major Général, vous serait-il possible de faire conduire les hommes attendant dehors dans les jardins du palais et de leur offrir de quoi festoyer ? Je compte d’ici peu faire un discours et souhaiterais que tout le monde soit présent, or je n’avais pas vu qu’il y avait autant de monde au-dehors. Je n’oublierai bien évidemment pas votre intervention. »
Abandonnant une nouvelle fois l’Officier de la Garde, Sa Majesté Impériale et sa garde personnelle poursuivirent leur route jusqu’à ce qu’ils ne croisent un jeune officier, visiblement heureux mais anxieux, cet homme arborait la tenue du IV° Corps d’Armée, le Corps de Soult. Rajustant son bicorne, jugeant de haut en bas l’homme dont il était question, l’Empereur entonna d’une voix forte et empreinte de majesté.
« Holà, Lieutenant, est-ce dont moi qui vous fait peur jusqu’à en trembler comme une feuille ? N’ayez dont crainte, je ne vous mangerai pas ! Tâchez de vous détendre, nous aurons sûrement l’occasion de nous recroiser plus tard au cours de cette soirée et je compte bien discuter avec vous. »
Adressant avec son intervention une tape amicale sur l’épaule de l’Officier Chaudard, l’Empereur tourna çà et là, préparant déjà l’ossature du discours qu’il ferait au cours de la soirée.