Bonjour à tous, et merci d'être fidèles à notre Gazette qui fait paraître aujourd'hui sa 21eme édition.................

Je ne sais par quel prodige, un dénommé «Le Corbeau» a réussit à faire imprimer dans la précédente édition des insinuations plus que calomnieuses à mon encontre, qui entachent le IIIème Corps tout entier ! Laissez-moi donc enlever ma casquette de journaliste et prendre celle du témoin pour m'expliquer sur ces faits, que loin de nier, j'exposerai.

Oui, j'ai subtilisé quelques bêtes. Voulez-vous vraiment savoir pourquoi ? C'est fort simple : un certain membre de mon régiment que ne supportent plus ni nos infirmières, ni nos cantinières à cause de son arrogance, sa suffisance et de ses piètres performances sexuelles, a un incompressible besoin de se «soulager» autrement que solitairement.

J'ai pris sur moi de remédier à ses pulsions en lui fournissant personnellement ce que j'appellerai pudiquement «matière à faire ses actions».

«Pourquoi m'exposer personnellement», me direz-vous ? Là encore, ce n'est pas bien sorcier : cet homme, que je connais depuis fort longtemps, ne s'est ouvert de ses déboires et de son addiction qu'à moi. Allais-je l'exposer à l'opprobre en faisant publiquement la demande ou le laisser devoir s'infiltrer dans l’enclos des bêtes au risque de se faire prendre ?

Non, bien sûr, car même dans les pires situations, je suis solidaire de mes hommes. Aussi ai-je usé de ma position pour prendre ces quelques bêtes et les lui amener afin qu'il puisse se reposer quelques temps.

Je ne divulguerai pas le nom de cet homme par respect, mais si vous souhaitez m'y forcer, je suis sûr qu'il se sacrifiera de lui-même pour l'honneur du IIIème Corps.

C'est un brillant officier, alors monsieur le Corbeau, allez-vous vraiment briser sa carrière ? Car vous noterez qu'aucun de vos «témoins» ne m'a vu MOI en train de réaliser ce genre de chose, et c'est pour une bien bonne raison : je n'en suis pas l'auteur.

Quant à «l'engrossement» des bêtes, je dois admettre que je ne sais pas comment il s'y est pris… Mais que j'en suis très curieux.

Nous faisons toujours appel aux critiques constructives pour améliorer nos parutions. N'hésitez donc pas à nous envoyez vos articles, impressions, citations… tout cela à destination de nos journalistes qui se feront un plaisir de les traiter.

Le Corbeau qui vient de nous rejoindre fait aussi appel à vous, chers lecteurs, pour ses futurs croassements. N'hésitez donc pas à contribuer à sa rubrique par vos lettres de délation, anonymes ou non.

Un journal a écrit que ce qui nous manque, aux jeunes, c'est une guerre, ce qui ne nous apprend rien sur les jeunes, mais en dit long sur les vieux.
. Romain Kacew, dit Romain Gary

C'est bien connu, les soldats Russes morts pour leur patrie se relèvent la nuit et viennent hanter leurs agresseurs Français.
Tellement connu même que personne n'accorde plus aucun crédit à cette thèse absurde. Il y avait eu un cas suspect lors de la précédente bataille, mais ce n'était qu'une rumeur.
Pourtant…
Une jeune femme dont nous dirons qu'elle est «à l'affection négociable», Natasha Illivitchia, officiant à Moscou, est venue nous trouver récemment pour nous parler d'un phénomène de ce genre.
Lors de l'une de ses… rondes nocturnes dirons-nous, elle est tombée nez à nez avec une apparition, celle d'un officier Russe, si nous en croyons sa description:
«L'avait un uniforme vert, parfaitement, avec des trucs sur l'épaule là… Des galons ! Et pis l'était tout translucide, j'pouvais voir l'mur derrière lui, parfaitement !»
Mais ce témoignage, déjà abracadabrant, ne s'arrête pas là ! La jeune dame a été choquée, mais apparemment plutôt intéressée, par un détail qu'elle nous livre : «L'avait un sacré engin si vous voyez ce que je veux dire».
Nous sommes partis dans la rue avec elle le soir même pour vérifier ses dires, et après avoir maintes fois repoussé ses avances nous aussi, nous l'avons vu !
Cependant, il semble bien que l'ectoplasme se promène la biroute à l'air et ne fasse pas autre chose que déambuler sans réel but…
Peut être attend-t-il que les soldats Français entrent dans la capitale pour leur faire subir des sévices, mais en attendant, bien qu'étrange, cette apparition n'est nullement effrayante et nos soldats peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Les fantômes Russes pensent manifestement plus à la bagatelle qu'à la baïonnette !

Environs de Smolensk, 25 mai 1812

Ma chère épouse,

Je t'écris du front une courte lettre afin de te rassurer de nos derniers événements. Effectivement, nous avons eu pas mal de difficultés avec les Français.
Aujourd'hui, la situation semble bien différente. Nos troupes sont réunies et déjà au contact avec de nombreux Franskis. Jamais je n'avais vu pareille détermination chez nos soldats ! Ils semblent déterminés à vouloir chasser nos ennemis du territoire national.
Bien plus encore, certains soldats crient : «à Paris !»

Bref, tu auras compris notre situation. Je serai probablement dans l'incapacité de t'écrire durant la semaine prochaine, les combats sur le front me prennent tout mon temps.

Ton dévoué époux,