EDITORIAL
Bonjour à tous, et merci d'être fidèles à notre Gazette qui fait paraître aujourd'hui sa 23ème édition.
Nous vous proposons deux nouveaux articles: "en direct du front" et "les petites annonces".
Bonne lecture!
La Rédaction
Réponse à Sainte-Croix
Je dois tout d’abord avouer que j’ai eu de la difficulté à lire et à comprendre la réponse de l’officier Sainte-Croix suite à la publication de mon article : "La fin d’une République". En effet, j’ai reçu, en premier lieu, une lettre de Sainte-Croix qui a été publiée dans la gazette. Cette lettre, selon moi, reflète la rapidité, suite à un accès de colère. L’auteur a préféré sauter sur sa plume au lieu de bien lire la Gazette. M. Sainte-Croix pense que le Daily Telegraph est un journal russe et affirme, par ailleurs, que je suis russe. Ensuite, par cinq fois, M. Sainte-Croix a posé la même question : "Qui est donc l’auteur de cet article ?". C’est moi, Woody Illich. Mais je suis sûr que mon nom était inscrit en bas de l’article, il suffit de bien lire…
J’ai reçu aussi d’autres lettres dont l’objet de la critique est moi-même. Un fil conducteur suit vos lettres. Il semble que ma nationalité (russe ou anglaise) est pour M. Sainte-Croix une condition suffisante pour que je ne puisse m’exprimer sur un sujet qui, a priori, ne concerne que la France. Selon cet homme, le fait que la Russie et l’Angleterre soient des régimes monarchiques empêche toute personne d’émettre des critiques vis-à-vis de Napoléon Bonaparte. Sachez Monsieur que chaque homme, quelle que soit son origine, a le droit d’exprimer sa pensée. On appelle cela la liberté d’expression. Je n’ai fait que traduire ma pensée par écrit. Par conséquent en fustigeant mon article, sous la condition que ma nationalité ne me permet pas de l’écrire, vous rejetez aussi la liberté d’opinion. Comble du malheur : vous affirmez que "tout bon français" doit "lui couper la tête". Cracher sur ma nationalité est un acte lâche et pathétique. Cela prouve deux choses : vous manquez d’arguments et que vous ne connaissez absolument pas les droits universels de chaque homme. De plus, il est évident que les idées révolutionnaires sont taries puisque que j’ai ouï dire que vous êtes fortement impliqué dans la Justice. Si un homme comme vous oublie ces principes, alors je doute que l’homme inculte les connaisse. Oui, malgré la publication du Code Civil, les idées de base de la Révolution sont enterrées. Le règne despotique de Napoléon Bonaparte est le principal responsable de cet acte.
Autre chose m’a choqué dans votre première lettre : vous n’hésitez pas à paraphraser un extrait entier de Chateaubriand sans écrire que ce texte vient de cet homme. Ce plagia monstrueux est absolument indigne pour un ancien journaliste et d’un homme aussi cultivé que vous. Comme cette moitié de lettre ne vient pas de vous, je n’émettrai aucune critique contre ce paragraphe.
Vous affirmez notamment que je confonds Révolution, République et Liberté. Je suis d’accord sur ce point cependant pas sur l’épisode qui a secoué la France. La révolution française n’a-t-elle pas enfanté un recueil de libertés ? La République Française n’est-elle pas le fruit de ce recueil ? Certes, la République Française n’est pas le régime parfait en ces temps troublés, mais elle avait juste besoin d’un souffle d’air. L’épisode français est unique et n’est en rien comparable avec le reste des régimes républicains. Je trouve sincèrement dommage qu’un français cultivé ne l’ait pas compris.
Votre dernière lettre stipule aussi que le peuple anglais est lâche et couard, selon vous, l’armée anglaise ne souffre pas des guerres qui secouent l’Europe. Trafalgar ne vous rappelle rien ? Ou encore Aboukir ? Ou Saint-Jean d’Acre ? Ces batailles ont vu l’étendard anglais flotter au vent et le sang anglais être versé à flots. Avez-vous voulu oublier ces noms ? Je voudrais aussi exprimer ma pensée sur votre première lettre qui stipule que je fustige le peuple français. Cela est absurde. Ai-je attaqué la France ? Non, à aucun moment, la France n’est la cible de mes attaques. Je ne fais que critiquer les actions d’un seul homme qui ne représente pas un peuple. Il est impensable de dire qu’un homme, si grand soit-il, puisse rassembler tout un peuple. Je doute que la veuve d’un soldat français mort à Trafalgar ou un déserteur français se sentent outrés par mon article.
Je désire maintenant aborder ce sujet qui fâche tant : la légitimité de Napoléon Bonaparte. Les preuves que j’ai introduites dans mon précédent article sont vraies et elles peuvent être produites sur demande. Je vais revenir sur le plébiscite qui est sensé être vrai et l’expression de la volonté du peuple français, qui a porté Napoléon au trône impérial. J’ai été surpris de voir que ce plébiscite a été manipulé puisque les résultats ont été transformés : 500 000 votes positifs ont été ajoutés au vote. De plus, encore une fois, seuls 3 millions de gens se sont exprimés. Ce vote n’est pas l’expression même du peuple français puisque seul 10% sont allés voter pour une participation de 40%. Je considère que l’abstention se veut contestataire. Le plébiscite, par le trucage et le faible nombre de votants, n’est pas un argument suffisant pour autoriser Napoléon Bonaparte à être nommé empereur.
Ma question est : comment rester au pouvoir malgré ces votes truqués ? Comment cet homme qui est le contre-exemple de la thèse de Nicolas Machiavel a pu être un monarque dans un monde républicain ? La réponse est simple et terrible à la fois : une mise au pas inflexible a eu lieu. Les français sont la cible d’un véritable culte de l’Empereur. La base juridique de la société napoléonienne est le premier pilier. L’apparition du lycée (1802), de l’université (1806) et le catéchisme impérial (1806) permet le conditionnement du peuple français. Même la jeunesse est concernée puisque l’objectif des lycées est de former des personnes au service de l’Empereur. Le deuxième pilier concerne la culture. Les décrets des 20 et 22 mai 1805 mettent au pas la presse. Ce n’est pas tout car l’imprimerie et la librairie (décret du 5 février 1810), le théâtre, la littérature et les beaux-arts doivent promouvoir le régime napoléonien et l’Empereur. Malgré la résistance de Mme de Staël et de Chateaubriand, Napoléon peut et agit en véritable despote et force le peuple à l’aduler.
Dans ce climat propice à Napoléon, celui-ci n’hésite pas à accentuer ses allures monarchiques en introduisant des nobles dans l’administration, en imposant une surveillance policière excessive, une censure omniprésente, un cabinet noir, des prisons d’état. Le peuple français doit accepter sans rechigner les demandes monstrueuses d’impôts et de recrutement. Les exemples les plus frappants de cette mise au pas sont la saisie de "Corinne" de Mme de Staël et un autre de ces ouvrages a été déclaré "antisocial".
Une chose est sûre, Napoléon a toujours été un despote et son règne n’a pas arrangé les choses. J’ai rencontré André François Mirot dont les relations avec Napoléon Bonaparte ont été intimes car ce dernier a déclaré, le 9 novembre 1799, après son coup d’éclat en Italie : "Ce que j’ai fait jusqu’ici n’est encore rien. Je ne suis qu’au début de la carrière que je dois parcourir. Il faut à la nation un chef". Il y est parvenu, félicitations à lui. Il semble que la folie mégalomane, maladie despotique, l’ai atteint puisqu’il n’a pas hésité déclarer : "Je suis un empereur romain", "Je suis de la meilleur race des Césars, celle qui fonde", "Je pense pour 95 millions de personnes".
Monsieur Sainte-Croix, je vous ai écris ma réponse et j’espère que celle-ci vous éclairera.
Woody Illich