Récits
RÉVOLTE ET RÉBELLION
Comme à son habitude, Guila s’était encore couché tard et levé tôt. En effet, au fur et à mesure que cette guerre se poursuivait, il perdait de plus en plus le sommeil. Il avait du notamment prendre pendant une période plus longue que prévue le commandement de la Brigade Pelore, ce qui lui avait causé énormément de soucis ainsi qu’une immense fatigue. Depuis; il ne s’en était pas remit et ne dormait plus aussi bien qu’avant. Cela avait une conséquence bien visible sur son visage, qui montrait bien que chaque jour était une lutte contre la fatigue.
C’était donc l’été. Seulement l’été en Russie signifie trois petits mois où la température ne monte que jusqu'à 21° au moment le plus chaud de la journée, et moins de 10° la nuit. Cette situation serait supportable s’il n’y avait pas ce vent glacial, qui le jour vous ravine le visage, et cette humidité la nuit qui vous frigorifie, même sous les couvertures en peau d’ours.
Une aurore d’or :
C’est dans ces contrées hostiles, que le soleil fit son apparition et arrosa de ses premiers rayons l’immensité russe.
Guila, habitué de se réveiller à l’aurore, fit un tour dans le campement. Il passait au milieu des soldats qui chaque soir cherchaient n’importe quoi pour améliorer leur nuit.
Rentrant sous sa tente (privilège qu’il avait obtenu depuis qu’il était devenu Capitaine), il déplia le rouleau de papier mité que nous appellerons une carte.
En effet, seuls les membres de l’EMI possédaient des cartes bien faites et régulièrement mis à jours par les éclaireurs. Guila lui devait se contenter des cartes de seconde main et devait la plupart du temps y ajouter ses propres modifications grâce à ses observations.
Il se dirigea vers l’armoire qui contenait les missives qui lui étaient parvenues dans la nuit. Elles y étaient rangées dans différents casiers en fonction de leur provenance. Comme à l’accoutumée, le casier de l’EMI restait désespérément vide, par contre celui de la correspondance avec les autres chefs de Brigades était plein à ras bords.
La mission :
Il ouvrit une missive qui venait de Le Vicking, après l’avoir lue et consulté sa "carte", Guila sortit et alla réveiller le clairon pour rassembler tout le monde.
Sur l’air de : Soldat lève-toi, soldat lève-toi, viens viiiite… Chacun rejoignit l’espace laissé libre pour les rassemblements, Guila prit alors la parole.
"Messieurs, mes chers camarades, je vous demande de vous préparer en hâte, car l’heure est grave. Je veux que tout le monde soit prêt à lever le camp dans trente minutes !"
Chose facile puisque la seule chose qui prenait le plus de temps était le montage et démontage de la tente de Guila.
Rapidement, la troupe rejoignit le front et se déploya à l’emplacement prévu. Comme à l’accoutumée, les soldats se préparèrent, mirent une nouvelle mèche, remplirent leur cartouchière et burent un dernier coup de boisson vivifiante (mélange de vodka coupée d’eau, aromatisée à la sève de sapin).
Guila s’avança alors devant ses camarades aligné pour la bataille et s’adressa à eux.
"Messieurs vous pouvez comme moi apercevoir l’ennemi. Ces russes sont nombreux mais dois je vous rappeler que nous les avons battus plus d’une fois alors que nous étions en infériorité numérique.
(Guila saisissant son sabre)
"BAÏONNETTE AU FUSIL, À LA CHARGE !…"
Révolte et rébellion :
C’est alors que chose inouïe, aucun des soldats ne bougea de sa position. Guila, d’abord intrigué, répéta haut et fort.
"À LA CHARGE !"
Ce fut à ce moment que quatre soldats rompirent les rangs. Trois d’entre eux pointèrent leur fusil vers l’officier tandis que le quatrième s’adressait à lui.
"Mon Capitaine, je parle ici au nom de tout mes camarades.
Nous luttons depuis des mois, dans ce pays maudit et contres ces pirates sanguinaires que sont les russes. Nous avons fidèlement et bravement endurés le froid hivernal et la neige. Notre toubib a essayé avec peine de combattre les gangrènes de nos camarades blessés et décédés depuis.
Nous avons supporté la faim, et quand enfin la victoire nous semblait à portée, nous devions encore aller de l’avant; marchant toujours marchant, mais dans quel but ?
Ce que nous avons gagné je vais vous le dire, la mort de nos camarades, des ampoules en été et des engelures en hiver, la gangrène, chaque jour quand ce n’est pas la maladie, le froid, la fatigue ou les trois qui nous emportent, nous petit soldats de plomb que nous sommes, ce sont les balles des Russes.
Nous sommes oubliés par un Empereur qui ne se soucie plus de nous. Cela fait maintenant plus d’un an pour beaucoup trop d’entre nous que nous n’avons plus revu nos familles. Cet espoir est bien souvent oublié car peu restent vivants assez longtemps pour penser à leur famille.
Toujours nous repoussons les limites du front russe, mais quel est donc notre objectif ? Si ce n'est nourrir la soif de sang de notre vampire d'Empereur ?".
Et après un instant d'un silence pesant
"Soldats, emparez-vous de notre Capitaine et ligotez-le à un arbre !"
L’attente :
Petit à petit, les heures de la nuit s'écoulaient et les étoiles s'éteignaient les unes après les autres, laissant place à l'aube naissante.
Notre lieutenant avait désespérément attendu l'arrivée de renforts, mais personne n'était venu. Il pensait alors à sa première fiancée qui l'avait quitté pour un bellâtre de noble, lorsqu'un de ses soldats l'apostropha:
"Alors... Heu… Mon Capitaine ? Vous voyez ? Vous êtes toujours parmi nous. Ce qui veut dire que vous avez été abandonné par votre État-Major. Comment voulez-vous que nous, simples soldats, soyons écoutés quand même un gradé est lâchement oublié par ses supérieurs ? »
Sentant toute l'animosité que ce soldat avait accumulée depuis qu'ils avaient posé les pieds sur le sol russe, le Capitaine se contenta de baisser la tête et de ne rien dire.
Le tout pour le tout :
C’est ainsi que Guila vit pour la seconde fois en moins de trois jours le soleil arroser des ses rayons dorés la contrée encore brumeuse.
Voyant que plusieurs soldats se dirigeaient vers lui, Guila tenta le tout pour le tout et s’adressa à eux. Il savait en effet qu’il ne pouvait compter que sur lui-même et n’espérait plus de secours de personne.
"Camarades, mes chers amis, je comprends votre haine et votre désespoir. J’ai moi aussi été à votre place et vous je comprends peut être plus que vous-même. J’ai moi-même douté de bien nombreuses fois envers notre Empereur, mais je vous prie, rappelez-vous comment était notre pays et notre armée avant que notre Petit Caporal ne monte à sa tête.
Dois-je vous rappeler que nous étions chaque jour oppressés par ces vampires de nobles qui nous laissaient dans la misère la plus totale. Depuis que Bonaparte nous dirige, n’avons-nous pas gagne la liberté, ne sommes nous pas égaux ? Le noble d’hier est oblige aujourd’hui de travailler et d’endurer la souffrance humaine. Depuis que notre Empereur dirige notre armée, n’a-t-il pas libéré grâce à nous nos voisins qui eux aussi subissaient le joug des nobles oppresseurs ?"
Patriotisme et rêves illusoires :
"Aujourd’hui notre Empereur nous fait endurer des situations difficiles, mais c’est encore une fois pour libérer nos amis russes. Oui, je dis Amis car j’espère bien qu’un jour nous échangeront avec eux des coups à boire plutôt que des coups de fusils. Est-ce que l’on ne le fait pas déjà avec nos voisins allemands, italiens et espagnols ?
Est-ce que le fait de voir enfin tous les peuples de notre cher continent tous unis, n’est-il pas la plus belle des récompenses ? Car si cela est possible, c’est uniquement que par nous tous qui auront vaincu par les armes ceux qui s’opposent à la Liberté des gens comme nous."
Après un silence que seul rompait le gazouillement des oiseaux, Guila se remit à parler :
"Notre bien aimé Empereur n’a-t-il pas dit un jour « Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire : "J'étais à la bataille d'Austerlitz", pour que l'on réponde "Voilà un brave !"
Alors messieurs, tous ensembles disons (les soldats qui petit à petit voyaient leur cœur réchauffé par le discours patriotique de l’officier se mirent tous alors à dire avec force et conviction) :
Vive l’Empereur ! Vive l’Empereur et notre chers pays !
Vive le IVème CA ! Vive le IVème CA et gloire à tous ceux qui ne sont plus !
Et gloire à tous ceux qui sont encore là !
Certains sont derrière l’Empereur et nous, le IVème CA, nous sommes devant !
Alors messieurs tous à vos fusils, allons libérer nos frères de l’oppression de ce Tsar qui s’engraisse sur leur dos."
Une fois libéré, Guila se mit à la tête de ses troupes et tous engagèrent le combat. Il y eut des quelques morts et beaucoup de blessés, autant dans un camp que dans l'autre.
Guila .