Récits
Cela faisait trois jours que la 21253ème compagnie d'infanterie était en première ligne au nord d'Ostankino. En face au loin, des français, des royalistes expatriés, les Partisans du Lys.
J'avais reçu l'ordre de tenir la ligne jusqu'à la relève qui se ferait le lendemain.
Personne n'avait vu se faufiler l'ennemi vers les marais proches, aucun homme ne les survellait pensant que personne n'oserait s'aventurer sur ce terrain. C'était mal connaître les voltigeurs du Lys.
Je discutais avec mes hommes pour détendre l'atmosphère et rendre l'attente de la relève moins longue.
« Les gars, Ostankino n'est pas loin, je vous promets une grande tournée à la taverne de la Madelon dès que nous serons relevés ».
Alors que mes hommes hurlaient leur joie, les voltigeurs commençaient leur travail de sape. Une première salve fut tirée, 5 hommes furent touchés mortellement, le reste de la troupe commençait à paniquer car nul n'avait vu d'où venaient les tirs.
« A terre! Vite! » hurlais-je.
Une autre salve fut tirée tuant 3 première classe et blessant légèrement 4 autres, mais l'ennemi était repéré, des fumées se distinguaient au dessus des roseaux des marais.
« Tir de riposte, canardez moi ces fumiers! » ordonnais-je.
Une dizaine de soldats se levait d'un seul tenant et tirait sur la menace. Des cris et des plaintes se faisaient entendre dans le marais, les tirs avaient fait mouche. J'envoyais une patrouille dans les marais, elle avançait prudement. A son retour, j'apprenais qu'il s'agissait de voltigeurs du Lys et que seulement 3 voltigeurs ont été tué lors de l'escarmouche.
« Des voltigeurs si près de nos lignes. Je n'aime pas ça. Caporal Gannac, allez prévenir la présence de voltigeurs ennemis au Maréchal Soult, foncez! Quand à vous autres, prépa.... »
Je n'ai pas eu le temps de terminer ma phrase, des soldats me montraient derrière moi une menace bien plus importante. Un drapeau avec un Lys bleu qui se déplaçait à toute allure vers nous. Des cavaliers! Et ceux ci allaient foncer sur ma compagnie, je savais que je ne pourrais jamais former un carré défensif à temps.
«Première ligne, baillonettes au fusil, les autres, préparez vous à faire feu sur mon ordre. » hurlais je aux hommes.
Les braves de la première ligne n'écoutaient que leur courage. Ils mettaient leur baillonnette à leur fusil puis ils se mettaient à genou, le fusil plantait dans la terre la baillonette en avant, j'entendais certains d'entre eux citer le Pater Noster, d'autres le Ave Maria ou bien encore insulter le destin en se demandant ce qu'il faisaient là. J'étais en seconde ligne avec les hommes prêt à faire feu, mon revolver en main.
« Ne tirez qu'à mon ordre, et tirez sur les chevaux! » hurlais je encore.
Jamais des secondes m'avaient paru durer aussi longtemps, j'entends encore les pas des chevaux accéléraient leurs cadences à chaque mètres effectués, je me souviens d'avoir vu les insignes du célèbre Bob Razine qui était en tête de ses troupes, j'observais attentivement cette vague qui allait déferler sur nous, cette vague inarrêtable, que Dieu ait pitié de mes hommes. Lorsque je sentais que les cavaliers étaient assez prêt, environ 150 mètres de ma position, j'ordonnais de faire feu.
Les balles touchèrent 4 cavaliers qui chutaient lourdement.
« Deuxième ligne! Baillonnettes au fusil! »
Les hommes se dépêchaient de mettre leur baillonettes mais les cavaliers n'étaient plus qu'à quelques mètres, les lances pointaient vers l'avant, Razine le sabre à la main.
J'entends encore le « Chargez! Pour le Roi! ».
L'instant fatidique était arrivé, comme la vague sur le rocher, le choc fut terrible, ma première ligne fut partiquement balayée entièrement, les hommes étaient embrochés, certains la tête décapitée par des coups de sabre, mais nous tenions encore en première ligne et nous nous battions, les cavaliers repartaient aussi rapidement qu'ils étaient venus. Leurs pertes étaient légères 3 hommes de plus, pour moi c'était beaucoup plus élevé outre les nombreux blessés qui tenaient encore debout, cette charge me couta 30 hommes de plus. Nous étions 180 au matin, nous voilà plus que 150 hommes dont 25 blessés.
Un spectacle effroyable s'offrait à mes yeux, les corps sans vie des mes frères d'armes, les plaintes inhumaines des blessés, l'odeur de la poudre et de la mort. Tous mes sens étaient en état de choc, je restais immobile, je ne savais plus où aller, je ne savais que faire, jusqu'à ce que la raison me revienne, je réorganisais mes hommes pour que notre défense soit meilleure, mais Dieu étaient contre moi ce jour là. Alors que le carré se formait, je voyais des grenadiers, l'élite du Lys, le Duc Michka les diriger. Je savais alors que l'objectif de ses traitres étaient d'annihiler ma compagnie pour effrayer les autres. Je sentais la peur et la mort monter autour de moi, était-ce aujourd'hui mon dernier jour?
Alors que le tambour ennemi jouait le Domine salvum fac regem, je voyais les royalistes monter avec une hargne et une ferveur incroyable, cette musique montait en puissance en même temps que la troupe, le Duc Michka était en première ligne avec ses hommes au côté du drapeau et du tambour, les hommes s'approchaient de plus en plus, et l'ordre de la charge fut prononcé.
Mes hommes subissaient une lourde charge, cette lutte pour la vie était héroïque, chaque homme se surpassait et dominait sa peur, mais l'ennemi était supérieur à mes hommes et beaucoup perdaient la vie, une trentaine d'hommes d'après un caporal contre une dizaine russe.
Mais Micka voulait détruire ma compagnie, et il me renvoyait ses hommes au combat, lui avec. Cette charge fut encore plus destructrice que la précédente, aucune pitié de la part de mon ennemi, mes hommes prenaient la fuite, alors que je me battais avec un soldat du lys, deux de mes hommes le tuaient à bout portant et me demandaient de fuir, ils allaient me couvrir, jamais je ne les reverrais.
Alors que nous fuyons comme des laches, j'entendais les hourras de l'ennemi, mes larmes coulaient sur mon visage, des larmes de tristesse, de colère et de honte, fuir devant l'ennemi, quel déshonneur!
Mes hommes courraient autour de moi, nous cherchions à nous abriter des horreurs que nous venions de subir. Je voyais certains d'entre eux jettaient leur fusil, d'autres criaient sauve qui peu, d'autres hurlaient leur douleur, certains portaient leurs camarades blessés ou morts, nous venions de subir une débacle et je n'ai su me montrer à la hauteur de mes hommes.
Nous voyons enfin des régiments français, des camarades du Ivème corps, les troupes du CAM Guila nous accueillaient. J'étais encore sous le choc, j'étais encore présent sur le champ de bataille, je pensais encore aux hommes morts là bas, je pensais au combat qui venait de se dérouler sous mes yeux, ai-je été un bon officier?
Un caporal me ramenait à la réalité en me disant.
« Prêt pour l'appel mon Capitaine. »
« Merci Caporal Fontaine! » Je me dressais en saluant le caporal qui se remettait devant les hommes et je voyais mes survivants, une petite poignée. Je commençais l'appel, seulement 80 hommes m'ont répondu dont la majorité était des blessés. Seulement 80 hommes rescapés de cette boucherie. Je commençais un discours pour leur montrer mon respect et mon honneur de diriger ces hommes exemplaires.
« Mes braves, aujourd'hui, vous avez combattu comme des lions! Je suis fier de vous, devant un ennemi supérieur en nombre et rusé, vous avez su montrer à l'ennemi et aux soldats de la grande armée votre courage et votre bravoure!
Vous avez été aussi exemplaires que nos aïeuls de Valmy.
Messieurs, je suis fier d'être votre Capitaine, je suis fier de combattre à vos côtés, j'espère que nous aurons encore d'autres combats mais victorieux! Nous verrons à notre tour ces traitres fuirent le champ de bataille et nous vengerons nos camarades morts pour la patrie aujourd'hui.
Mes braves, nos camarades tombés sont des héros tout comme vous, souvenez vous de ce jour, gardez votre rancoeur et votre hargne pour massacrer l'ennemi la prochaine fois car d'autres luttes, d'autres combats, d'autres batailles nous attendent! Messieurs, je vous ai promis Moscou et vous l'aurez! »
Je regardais mes hommes silencieux, tous impassibles et quelques hommes encore debout au garde à vous.
« Messieurs, je vous salue! Repos! » Les hommes disutaient entre eux, certains étaient prêts à retourner au combat, d'autres attendaient le médecin de campagne pour soigner leurs blessures, j'en voyais d'autres pleurer leurs camarades morts laissés sur le champ d'honneur. J'interpellais mes deux caporaux encore vivants, je leur demandais d'aller chercher à boire et à manger pour les hommes.
Quand à moi, Guila m'attendait pour que je lui fasse mon rapport sur les combats des marais. Je lui racontais l'excursion des voltigeur, la charge de Razine, les charges de Michka, et mes pertes effroyables 100 morts ou portés disparus. Le CAM Guila m'ordonnait de prendre du repos car la 21253ème allait être recomplétée, réarmée et allait repartir en première ligne d'ici peu.
J'allais avec un interprète à Ostankino chercher un prêtre pour que mes hommes puissent être enterrés sous le regard du seigneur, notre aumonier qui est campement du Ivème est bien trop loin pour donner le dernier sacrement. J'entrais dans une église de la ville avec l'interprète pour demander la bienveillance et l'aide de ce prêtre. Il acceptait ma requête et nous suivait hors d'Ostankino près de nos lignes, il ne me quittait pas car sa présence aurait pu être assimilée à de l'espionnage.
Mes hommes avait creusé une fosse où une dizaine de corps avait pu être ramenés du champ de bataille, le prêtre bénissait ces corps qui rejoignaient le Seigneur, je voyais certains de mes hommes pleurer leurs camarades, peu d'entres eux restaient dignes à ce moment là, moi même les larmes me venaient quand je voyais ces hommes alignés l'un contre l'autre unis dans la mort comme ils l'étaient dans le combat.
Le prêtre finissait la cérémonie, pour le remerciait de son dévouement et de son courage, je lui donnais une bourse de pièces d'or, je le faisais raccompagner par trois de mes hommes afin d'assurer sa sécurité.
Le reste de la troupe et moi recouvrons les cadavres, puis nous avons posé au dessus du talus une croix où on pouvait lire ses quelques mots.
« Ici reposent des enfants de la France, que Dieu dans sa grande mansuétude les accueille dans son paradis. »
Cette phrase était suivie des noms des hommes que l'on avait pu reconnaître et 4 inconnus. J'ordonnais à mes troupes de se diriger vers Ostankino afin qu'ils se reposent dans une maison réquisitionnée. Je les rejoindrais un peu plus tard. Quand ils étaient tous partis, je me recueillais devant cette croix, m'interrogeant sur mon sort.
« Pourquoi suis-je encore en vie? Pourquoi les avoir rappeler si tôt? Ce n'était que des enfants pour la plupart? Pourquoi m'as tu épargné? Qu'ai-je donc fait pour mériter ta miséricorde alors que je n'ai pas su sauver ses vies? Seigneur aide moi! »
Aucune réponse ne venait soulager mon esprit ni mon âme.
Je devais maintenant m'acquiter d'une tâche importane, je devais écrire aux familles des défunts que leur père, fils ou frère était mort au champ d'honneur, je devais leur faire croire qu'ils étaient mort en héros pour le bien de la patrie, pour le bien de la France, pour le bien de l'Empereur.
Triste tâche et triste mensonge dont je dois m'acquiter.
Chaudard