INDÉPENDANCE RUSSE
La Gazette de Russie a rencontré un officier russe indépendant sur les terres de Mir.
La Gazette : La Gazette de Russie est heureuse de pouvoir rencontrer un officier indépendant de l'armée du Tsar afin de mieux comprendre leur vie et leur statut au sein de cette vaste campagne. Officier Andrewski, qu'est-ce qui vous a poussé à rejoindre cette campagne militaire en Russie et quel est votre curriculum vitae au sein de cette campagne en tant qu'officier du Tsar ?
Andrewski : C'est un homme qui parcourait la région pour recruter pour son régiment qui m’a poussé a rejoindre les forces du Tsar pour lutter contre l’envahisseur : le général Yermolov, des grenadiers de Pavlov. Mais avant de pouvoir rejoindre ce prestigieux régiment, j’ai du faire mes classes à l’École Militaire pour apprendre les bases.
L’apprentissage suivait son cours quand un jour, ayant eu le malheur de poser une question, l’officier dirigeant l’École Militaire me chassa. Fuyant les querelles intestines entre officiers (faites un test : lors d’une réunion entre officiers commandants, prononcez par exemple le nom de Pavlov et mettez-vous alors à l’abri pour compter les coups), j’ai poursuivi ma lutte contre les Français parmi les irréguliers : une lutte anonyme avec des hauts et des bas, mais oh combien gratifiante quand une des compagnies des envahisseurs qui nous affrontait se débandait !
La Gazette : Gardez-vous une rancoeur envers cette expérience malheureuse face à votre enrôlement auprès du Régiment des Pavlov, et êtes-vous pleinement heureux de votre statut de militaire indépendant au sein de l'armée du Tsar ?
Andrewski : Je n’ai jamais rejoins les grenadiers de Pavlov ? Je comptais le faire après mes classes à l’École Militaire, avec une certaine appréhension puisqu’il a la réputation d’être le régiment du Tsar le plus sévère sur la discipline mais aussi un des plus efficaces et des plus prestigieux.
L’expérience malheureuse s’est produite durant mes classes où l’officier commandant alors l’École Militaire, apprenant mon intérêt pour les Grenadiers de Pavlov, me chassa comme un malpropre. Cette réaction m’était à l’époque incompréhensible puisque la finalité de l’École Militaire était de former les cadets avant qu’ils puissent rejoindre un régiment du Tsar. Or je n’avais pas fini mes classes.
Alors de la rancœur, oui, j’en ai envers l’officier qui m’a ignominieusement chassé de l’École Militaire. Je suis devenu par défaut un indépendant, finissant par me former sur le tas puisque l’École Militaire ne voulait plus de moi.
Quant à votre question pour savoir si je suis pleinement heureux de mon statut de militaire indépendant au sein de l'armée du Tsar, disons que je le suis partiellement. Il est clair qu’en restant indépendant, je reste cantonné à des actions tactiques basiques, moins efficaces que si j’étais dans un régiment commandé par un officier chevronné. D’un autre coté, j’évite le risque de tomber sur un officier irascible comme celui qui dirigeait l’École Militaire. Et puis il y a le confort de ne pas subir les querelles entre commandants : je suis venu pour me battre contre les Français, pas pour assister à ces disputes et me faire massacrer parce que untel ne peut pas supporter untel et lui a donné un ordre qui s’apparente à un suicide.
La Gazette : Pour terminer notre entretient, au quotidien, en tant qu'indépendant, vous arrive-t-il de vous joindre à des actions tactiques d'autres indépendants ou de bataillons régimentaires ? Ou alors restez-vous, quoiqu'il arrive, un loup solitaire dans les steppes de Russie à l'affût d'une proie ?
Andrewski : Je me suis engagé à combattre l’envahisseur français tant qu’il souillera le sol natal, aussi je vais là où il y a des troupes de l’ogre corse. Et pour vous répondre, souvent je rejoins dans le combat des troupes russes indépendantes ou enrégimentées (peu importe leur statut du moment qu'il y a de la bagarre), suivant le mouvement général tout en gardant une certaine liberté d’action, puisque je ne reçois aucun ordre du fait de mon état actuel. Je ne méconnais pas l'efficacité de l'action en groupe, ce dont je m'aperçois de plus en plus avec l’expérience, mais disons pour conclure qu’il faudra du temps avant que je fasse confiance à nouveau à un officier supérieur, si un jour je retrouve cette confiance.
La Gazette : Merci Officier Andrewski pour ce moment partagé avec la Gazette de Russie.
Andrewski
VOYAGE EN COZAKSTAN
1: L'ARRIVÉE À LA SICH
Après trois longs jours de voyage dans les steppes de Mir, le jeune Sanchov et ses bagages arrivent à dos de mule la nuit, en vue d'un improbable campement nomade lourdement armé. Malgré l'agitation, il s'approche des lueurs avec prudence. De longues mélopées et des rires s'échappent aux alentours des foyers qui illuminent la plaine et les Yourtes.
Sur sa droite, Sanchov entend des hennissements et aperçoit une horde de chevaux à la pâture, gardée par quelques nomades. Sanchov pousse sa mule en cette direction et se retrouve nez à nez avec un autochtone à l'air patibulaire.
Sanchov: "Bonne et douce nuit, homme des plaines, je me nomme Sanchov, envoyé spécial de la Gazette de Russie. Fraîche nuit, n'est-il pas ? Euh, vous me comprenez ? Vous parlez ma langue ? On dirait que vous l'avez avalée... Moi Sanchov et Toi ? Qui ?"
L'homme lui faisant face, lui rota tout d’abord au nez avant de sortir un poignard serti de pierres précieuses :
"Mmm... Tu me prends pour un idiot, petit homme !"
Il se rapproche de lui pour le renifler, lui permettant ainsi de pouvoir profiter de l'odeur du cosaque, tout en jouant avec son poignard :
"Tu pues la donzelle encore pucelle !!! Peut être devrais-je t'entailler ton minois pour que tu puisses ressembler à un semblant d'homme !!!"
Un autre cosaque arriva, se positionna à coté d'eux, extirpa sa virilité et urina tout en parlant :
Popoff : "Qui est ce bougre Nakun ?"
Habra : "Il dit se nommer Sanchov et travailler pour la Gazette..."
Popoff : "Ah! Le voici donc celui dont nous parlait Vitali ! Nous t'attendions !"
Habra : "Je suis surpris ! Nous attendions cette loque ?... "
Popoff : "Excuses mon ami, il viens tout juste de revenir parmi nous et n'est pas encore au courant de tout. Suis nous ! Je vais te mener à la RADA !"
Sanchov n'en mène pas large mais est rassuré que ces hommes d'un autre monde comprennent sa langue. La vision du coutelas acéré l'a légèrement refroidi. Il descend de sa mule au doux nom de Renzotte qui broute allégrement l'herbage, toute heureuse de cette halte. Les jambes fébriles, Sanchov empoigne les rennes de l'animal pour suivre les deux énergumènes. Mais la longe s'étire et l'animal se cabre en reculant, refusant d'avancer, forçant Sanchov le maigrelet à lutter contre la détermination du bourricot. Mais le ridicule ne tuant point, elle ne bougea pas d'un pouce :
"Messieurs, je vous prie de m'excuser, mais ma monture refuse de bouger et mes bagages y sont attelés. Pourriez-vous m'aider à la déplacer vers votre "RADA" ? Ces bagages sont importants pour moi. Outre mes atours de rechange, j'y ai aussi mes aquarelles et mon écritoire de campagne indispensable à ma visite dans votre campement."
Popoff secoue son phénomène, le range et, malgré ses suppliques, Sanchov est traîné manu militari par le revers du col par le géant vers le kroug où siégeait la Rada, laissant derrière lui âne et bagages dans la nuit noire.
Le sol boueux qu'empruntent les trois hommes mène devant une kourène aux murs de torchis. Les jambes traînantes, il est relâché dans la boue au pied d'un étrange personnage imposant paré de mille breloques, à la langue féroce et acerbe. C'est un cosaque, grand et bedonnant, vêtu d'un simple charovary bleu délavé. Il exhibe sans complexe son ventre nu et gras, ruisselant de transpiration. Le cosaque porte sous son bras un vieux zipoune, qui eut appartenu au plus grossier des paysans. L'homme se dirige vers un tonneau et de son poing couvert de sang, en brise la fine couche de glace qui s'est formée. Puis il s'asperge le visage et le torse, se débarbouille un peu, avant d'enfiler son zipoune.
Perplexe, il se fige à l'arrivée du petit homme posé à ses pieds :
Vitali : "Que nous amènes-tu là, Nakun ! On laisse rentrer n'importe quoi maintenant dans notre Sich !"
Habra : "C'est le scribouillard dont tu nous a parlé l'autre jour à la Rada ! Il nous est envoyé par ce torche-cul appelé la Gazette !"
Vitali : "Ha oui... J'avais oublié ! Il ne manquait plus qu'un gratte-papier dans nos pattes en ce moment, tiens ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour attirer les faveurs de cet emmanché de Tsar !"
La Sich, le campement fortifié du "Kazak Voïsko" et du "Voïsko d'Araktcheïev", grouille de cosaques en effervescence. De nombreuses sotnias sont en route vers le nord. Certaines troupes, des éclaireurs, sont déjà revenues suite à de violentes échauffourées qui ont fait les premières victimes cosaques de cette campagne de la Bérézina. Vitali jauge encore le moscovite. Il s'essuie les mains sur la veste de Nakun et l'envoie quérir les Chefs de Guerre qui étaient disponibles pour leur demander de se présenter à l'auberge "Chez Natalya" :
"À condition que tu ne fasses pas encore des tiennes, Habra ! Quand tu t'y mets, on ne s'entend même plus hurler !"
"T'en fait pas... Ch'ais m'tenir quand on a du beau monde", grimace Habramovitch, dédaigneux, en regardant l'étranger avec un rictus au coin des lèvres : "Mais au fait, Vitali, que faisais-tu dans cette kourène ? C'était celle de Cagilov, non ?"
Vitali : "Oué !... Popoff a mis en déroute une compagnie de fusiliers franskis qui avaient déjà été secoués par Kingtiti, prêt de Lynsk ! Il n'a seulement ramené que trois prisonniers ! Je te laisse deviner ce qu'il a fait des autres ! Ce furoncle purulent ne peut s'empêcher de soigner les officiers "à sa façon" ! Du coup, il ne reste plus que des soldats à interroger ! Ils ne savent rien ! C'est sûr, j'ai cogné bien assez fort, et Popoff avant moi !"
"Bon toi, le scribouillard ! File-nous le train !" hurle Habramovitch à l'attention de Sanchov. "Et ne nous lâche pas sinon... On ne sait jamais sur qui tu peux tomber. La Sich n'est jamais très sûre pour un moscovite... Hé, hé, hé..." Habra se tourne vers quelques Cosaques affalés près d'un feu : "Bande de moules ! Oui, vous, là ! Amenez les "outils" du gringalet à la Taverne !"
Les cosaques s'empressent de se diriger vers la Mule. Sanchov voyait déjà celle-ci dépecée... Ses affaires pillées... Bref, il s'imagine nu comme un ver. Habra renifle puis rajoute : "Eh ! Les culs terreux ! Vous nous apportez tout ce bordel en un seul morceau ! Et pas touche à la mule ! REMUEZ VOUS LE CUL AVANT QUE JE VOUS FOUTE MON PIED DEDANS !!"
Devant les hurlements et l'agitation du campement, Sanchov suit sagement les trois cosaques sans mot dire vers l'inconnu, vers la mystérieuse Natalya, la peur au ventre. Mais quels outils de torture peuvent bien être une Rada, une Sich, un torche-cul, une kourène ? Autant de questions qui se posent dans sa petite tête habituée à un vocabulaire plus châtié.
Sanchov
BUCHE A LA BONNE BÉRÉZINE
Dans notre rubrique culinaire, les recettes du vieux NiKo qui vous propose une spécialité de fin d'année bien connue des Sapeurs.
1. Comme d'habitude, pillez la première ferme venue, en prenant soin d'emporter œufs, lait, sucre de betterave et les injures du fermier. Ensuite, passage au moulin le plus proche où vous emporterez la farine dans les jupons de la meunière.
2. Dégotez un canon abandonné par l'ennemi et allumez un grand feu.
3. Versez le lait dans un tonnelet de poudre vide, refermez hermétiquement et attachez le tonnelet à une longe derrière un bon percheron. Cavalez ensuite deux heures en rond en traînant le récipient. Vous obtiendrez du bon beurre. Laissez rancir au besoin une semaine pour le goût.
4. Battre au fleuret les jaunes d'œuf, avec une mesure de sucre de betterave et 3 louches d'eau tiède, pour faire mousser. Incorporez peu à peu la farine et la levure prélevée au fond des guêtres du bataillon.
5. Quand c'est bien mélangé, incorporez délicatement les blancs d'œuf montés en neige ferme afin d'obtenir une pâte épaisse que vous étalez sur une souche à l'aide du canon de votre fusil.
6. Faites tiédir le beurre rance et gelé dans son tonnelet auprès du feu en y ajoutant ce que vous pouvez : des noix glanées, des fruits séchés, du jus de betterave rouge, du chocolat pour les officiers supérieurs, bref tout est bon à qui saura y donner couleurs et papilles. Mais surtout en y rajoutant un litre de BB (Bonne Bérézine) distillée maison.
7. Étalez la mixture grasse et colorée sur la pâte en gardant un peu de cette étrange viscosité pour graisser l'intérieur du canon. Roulez ensuite la pâte recouverte de mixture sur elle-même en forme de cylindre et introduisez-la dans le canon.
8. Jetez le canon sur le feu à vif durant quinze minutes puis laissez le tout refroidir dans la neige deux heures.
9. À l'aide d'un boutoir à boulet, démoulez la bûche ainsi obtenue en l'extrayant du canon. Tranchez en partageant avec vos compagnons d'infortune.
Bon appétit et Bonnes fêtes de fin d'année !
Pour la recette de la Bérézine, voir prochaine édition.
Le vieux Niko
CITATIONS
On lui confirme que, sur ce point, la Bérézina n'est pas seulement une rivière, mais un lac de glaçons mouvants.
Hist. de Nap. XI, 2
Il faut boire de la vodka en deux occasions seulement : quand il gèle et quand il ne gèle pas.
Proverbe russe
BRÈVES
Nous apprenons de source indiscrète cette pénible nouvelle.
Le Génie Impérial serait à présent placé en "quarantaine" par l'intermédiaire de son second, Jacques Gallifet, atteint d'un mystérieux mal irrémédiable. La Gazette leur souhaite prompt rétablissement !
La Gazette
41ÈME ÉDITORIAL
30 novembre 1812 : Après de premières escarmouches dans la région de Mir, la Grande Armée et l'Armée du Tsar semblent enfin au contact.
Aux portes de l'hiver, de violents combats autour de la ville de Balaklava et ses mines ainsi que dans le Sud autour de la Topalova, une forteresse Russe, sont rapportés quotidiennement depuis les fronts, de ce que déjà plusieurs correspondants nomment «la Boucherie de la Bérézina».
6 décembre 1812 : Les Armées du Tsar viennent de reprendre le contrôle de la ville de Balaklava en feu sous les flocons de neige. On nous rapporte ce même jour depuis la forteresse de la Topalova que l'impressionnante artillerie française qui la pilonne depuis plusieurs jours a été mise en déroute.
Joyeuse fête de Saint Nicolas au Tsar de toute les Russies.
10 décembre 1812 : De brillantes avancées de l'Armée Impériale sont signalées sur les méandres de la Bérézina, notamment dans les environs des hameaux de Pest, Buda et Krasnoïe.
15 décembre 1812 : Une spectaculaire avancée de l'Armée Impériale lancée depuis le bourg de Wolfgraad nous est signalée dans le Grand Sud de Mir dans les contrées montagneuses des hameaux de Boubka, Semenevskoïé et Vinobradi.
20 décembre 1812 : Un envoyé nous rapporte de violents combats au nord-ouest de Mir, non loin du Monastère de Peterhof. Des hordes de cosaques assoiffées de pillage en seraient aux mains et aux sabres avec des éléments de l'Armée Impériale.
La Rédaction
L'AFFAIRE DU BOUTON
LA LÉGENDE DE L'HOMME A LA BALLE D'OR.
C'était le soir, au coin du feu qui réchauffait les soldats de la Grande Armée.
Comme c'était la coutume, un vieux grognard contait ses exploits aux Maries-Louise, les oreilles toutes ouïes.
Hé bé les p'ti gars, je vais vous en raconter encore une, celle d'un gars à qui le mal du pays a causé bien des ravages. Tirant une autre bouffée sur sa pipe, ils se pencha vers les jeunots qui venaient à peine de quitter la glorieuse école militaire.
Les flammes se reflétaient dans ses yeux tandis qu'il contait son histoire. Il était là depuis le début de la campagne, avait connue la victoire de Smolensk, et c'est là que notre histoire commence.
Malgré la victoire, le mal du pays commençait à lui peser. En effet cela faisait déjà trois ans qu'il combattait, sans jamais avoir eu l'occasion d'un retour dans son foyer à l'occasion d'une permission. Bien sur, comme bon nombre d'entre nous, il avait vu ses meilleurs amis l'abandonner fauchés par la camarde tsariste. Depuis une haine farouche pour ceux d'en face lui brulait le corps. Seulement la défaite que nous avions subi à Polotsk lui avait fait perdre la raison, et alors que la Grande Armée revenait sur ses pas, au détour d'un chemin il vit un éclat doré qui brillait au milieu du manteau neigant.
Intrigué, il s'approcha et vit que c'était un bouton d'or d'une veste, tout content il le mit dans sa poche et rejoignit la colonne de marche. Le soir même, une fois le bivouac installé, il ressortit le bouton et l'examina. C'est là qu'il se rendit compte qu'il était aux armes du Tsar ! Horrifié il s'apprêtait à le jeter au loin quand il se retint. Il prit sa petite marmite et fit fondre dedans le petit bouton en or et de ce liquide il entoura trois des balles qu'il possédait.
"Mes mignonnes, je vous réserve un digne destin, l'une d'entre vous sera pour le Tsar, quand nous lui ferons brûler son tas d'allumettes, une autre pour le général russe, et la dernière reviendra à celui qui a perdu ce bouton."
Son rire démoniaque fit glacer le cœur de ceux qui l'entendirent dans la nuit slave.
Le Boucher
NOS VOLTIGEURS
Les voltigeurs sont des gens étranges et bien mal connus.
Ceux que j'ai côtoyés sont toujours choisis parmi les soldats de petite taille, vifs et secs comme un coup de trique. Ils sont à l'opposée des troupes sévères que nous croisons tous les jours sur le front : grenadiers, cuirassiers… Ces grognards dont le bonnet d'ourson ou le cimier semblent grandir démesurément la taille et le prestige, et qui attirent tous les regards envieux.
Le voltigeur, lui, est toujours menu, discret, bref l'antithèse de ces colosses qui tiennent la ligne de feu mais leur mérite n'est certainement pas moins grand.
Leur modestie et le fatalisme, dont ils semblent faire preuve en toute circonstance, n'est pas la moindre de leur qualité.
L'autre jour, un vieux briscard avec trois chevrons sur la manche, me racontait une anecdote sur son rôle ingrat et les sempiternelles missions de reconnaissance ou d'infiltration qu'on lui demande. C'était pendant l'été.
Avant la tombée de la nuit, il s'agissait d'aller reconnaître un petit bois longeant une rivière, à quelques lieues de nos lignes.
Le petit groupe d'une dizaine d'hommes se mit en route et progressa en tirailleur par le couvert d'un grand champ de hautes herbes. Discrétion oblige, les voltigeurs entreprirent de faire un petit détour pour arriver au terme de leur mission sans être vus. Longeant la rivière, ils entendirent un peu plus loin des voix qui ne leur semblaient pas familières.
Le groupe s'arrêta, chacun retint sa respiration et quatre hommes rampèrent lentement pour s'approcher, plus silencieusement que des couleuvres.
Quelle ne fut pas leur surprise de se trouver, non pas nez à nez, mais presque nez à postérieur avec trois cosaques qui venaient de poser culotte pour se soulager et devisaient tranquillement en regardant le coucher du soleil, tandis que l'onde fraîche courait doucement devant leurs pieds.
Il y a toute sorte de façon de mourir ici bas, et tant pis si c'est les fesses à l'air.
Les Cosaques ne se doutaient de rien et ne se rendirent pas compte de ce qui leur arriva.
Leur mort fut rapide.
«Ben… On leur a pas laissé le temps de finir leur affaire, à ses lascars… On n'avait pas trop envie de discuter du beau temps avec eux et il fallait qu'on y aille…»
Il m'expliqua que, faisant feu de leur position rapprochée, c’était un peu un deuxième trou de balle qu'ils leur avaient fait.
Ainsi allaient les choses de la guerre…
Guy le Vinec
CONTRE-OFFENSIVE
ARCHIVE DE POLOSTK
UN RECIT DE LA CONTRE-OFFENSIVE DE LEPICBOURG
Chapitre I : Les prémices
Les souvenirs sont encore vifs, russes comme français.
Je veux bien sûr parler de la bataille pour le Sud, cette violente boucherie qui a fait rage, il y a quelques mois, au Sud de cette magnifique ville transformée en champ de bataille qu’était Polostk.
Remémorons-nous les évènements qui furent un prélude à ce massacre sans aucun but stratégique, ce plaisir commun partagé par les officiers russes et français que d’étriper ses adversaires.
Aux alentours du 10 Août, la Grande Armée, commandée par le Général en chef Guillaume de Sarthe, avait traversé le fleuve qui constituait un « no man’s land » entre la flamboyante armée du Tzar et la perfide armée du Nabot.
Les Russes, sûrs que le commandement français ne s’intéressait guère au Sud, avaient fortement dégarnis leurs positions pour aider les régiments russes qui se battaient comme des lions au Nord de Polostk. Les Français avaient donc l’avantage. Ils s’engouffrèrent dans le système défensif russe dégarni. Et le pire arriva.
Les Russes se défendirent à un contre cinq, comme ils le pouvaient, mais ils ne purent rien faire : les Français percèrent le front en 6 jours. Ce fut la débâcle. Les officiers russes ne parvenaient plus à retenir leurs troupes, ils n’arrivaient plus à contrôler leurs propres troupes qui fuyaient de terreur.
Pour éviter que cette lourde défaite ne se transforme en désastre militaire, le Feld-maréchal Zoltan ordonna l’évacuation du Sud. Et c’est le cœur bien gros que les régiments russes, dont l’École Militaire Russe, quittèrent leurs positions dans la précipitation et le chaos pour se réfugier dans la ville de Polostk, abandonnant les points stratégiques du Sud aux Français.
C’est à cette époque que fut nommé au poste de Second de l’EMR un officier dénommé Kreuzberg, que je suis. Ma mission était d’aider le colonel Lepine dans sa tâche de diriger l’EMR, et le précédent poste que j’avais occupé était celui d’Instructeur à l’EMR.
Ardent de défendre ma patrie d’accueil (étant Prussien d’origine), la Sainte Russie, je cherchais une solution en inspectant pendant des heures les cartes qui jonchaient le sol de mon bureau, à Polostk, et en lisant à longueur de journée des rapports provenant de tout les fronts.
Enfin, je trouvais la solution : la stratégie du coup de faucille, la coordination des régiments russes et la reprise des points stratégiques coûte que coûte.
L’État-Major, présidé par le Feld-maréchal Zoltan, m’écouta longuement, et après délibération, le grand stratège qu’était Zoltan accepta mon plan.
J’appelais alors cette contre-offensive « Opération Dadagrad/Lepicbourg ». Aussitôt, j’ai contacté le chef de l’Armée du Maréchal, ces Français qui avaient fuis le méprisant régime bonapartiste et qui préféraient à ce régime révolutionnaire le règne absolu d’un roi. Tous deux, nous convînmes un accord qui précisait les objectifs de l’EMR et les objectifs de l’A.M.
J’avais décidé de prendre la Grande Armée dans un grand coup de faucille, tout en adoptant la technique favorite du Nabot : celle des corps d’armées indépendants. Ainsi, l’A.M et l’EMR allaient encercler rapidement les troupes françaises qui au fil du temps s’étaient désorganisées à cause de la longue attente devant Polostk, en séparant les sections en « corps d’armées indépendants ». Ainsi, la 1ère section était commandée par l’officier Lepine, la 2ème par l’officier deb, et la 3ème, sur laquelle reposait tous mes espoirs, par l’officier Alexander Kotlyarov.
La contre-offensive commença aux alentours du 20 Août, et elle allait être terrible…
Kreuzberg
L'EXPIATION
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours! L'Empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre :
Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche de pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,
Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre ;
C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d'ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et, chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
Deux ennemis! Le Czar, le Nord. Le Nord est pire.
On jetait les canons pour brûler les affûts.
Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
On pouvait, à des plis qui soulevaient la [neige,
Voir que des régiments s'étaient endormis là.
Ô Chutes d'Annibal! Lendemains d'Attila!
Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières.
On s'endormait dix mille, on se réveillait cent.
Ney, que suivait naguère une armée, à présent
S'évadait, disputant sa montre à trois cosaques.
Toutes les nuits, qui vive! Alerte, assauts! Attaques!
Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves.
Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.
L'empereur était là, debout, qui regardait.
Victor Hugo
COUTUME LOCALE
Toute l'équipe de la Gazette de Russie vous souhaite ses meilleurs voeux pour l'année prochaine, et un passage heureux vers le nouvel an 1812 qui renaît de ses cendres chaque année.
Sachez qu'en Russie, après l'absorption de votre ration de bérézine ou de mirabelle, cul sec, sur le 12ème coup de minuit, la coutume veut que personne n'oublie d'ouvrir porte, tente, uniforme ou fenêtre afin que le Nouvel An puisse entrer dans le cœur de chacun ! À bon entendeur et malgré le gel, réservez lui le meilleur accueil.
La Rédaction
INDÉPENDANCE FRANCAISE
La Gazette de Russie a rencontré un officier français indépendant sur les terres de Mir. Le Major Box a été Commandant des Autunnois, Second du Xème CA, Formateur a l'École Militaire Française, Commissaire.
"… J'en passe et des meilleurs…", nous confie-t-il.
La Gazette : Pourquoi, Major Box, avez-vous choisi d'être indépendant alors que vous étiez dans un régiment ?
Major Box : On va dire que, environ 4 mois avant l'arrivée sur la région de Mir, je ne pouvais plus lancer tous mes assauts comme je l'aurais voulu. De graves blessures au combat, au sein du régiment du Xème CA, m'envoyaient régulièrement vers les infirmières en arrière du front. Jusqu'à cette blessure fatale qui m'obligea à rester quelques mois à la tente.
C'est en écoutant les anciens Autunnois parler dans leur tente de la transhumance des armées vers Mir que j'ai décidé après guérison de reprendre du service au front en tant qu'indépendant. Mais avec la liberté de pouvoir lancer mes assauts selon mes handicaps de campagne et selon mon rythme, sans avoir besoin de rendre des comptes de ma lenteur à un régiment. J'ai remarqué que le front me manquait, j'ai donc réenfilé mes guêtres.
La Gazette : Être indépendant vous a soulagé ou bien l'ennui est-il fréquent, faute de dialogue inter-régiment ?
Major Box : Comme je l’ai dis plus haut, cela m'a surtout soulagé ; plus de contraintes de plan et d'horaire collectif, plus de rapport de relevés, de carte à faire à longueur de journée et surtout plus d'ordre de l'État-Major pour diriger ton bataillon et ton régiment à ta place et te dire : « Faut aller au nord, euh nan, au sud finalement, vous étiez bien au milieu mais faudrait envoyer des gars à l'ouest ! ». En quatre mois, tu as un régiment dispersé sur toute la carte, tes guêtres sont usées et tu n'as pas tiré une salve ! Après, c'est vrai que la communication d'un régiment pour établir des ordres de bataille, en débattre avec les autres, etc… me manque un peu, mais mes handicaps de guerre ne me permettent plus cette disponibilité horaire.
La Gazette : Comment choisissez-vous le front sur lequel vous vous battez ?
Major Box : Actuellement, je suis sur le front de la forteresse. Je n'avais toujours pas utilisé mon artillerie au front. Mes canons étaient toujours flambants neufs, j'ai donc décidé d'aller faire un tour par là car cette partie de la carte me parait très intéressante, stratégiquement parlant.
De plus, je crois que d'anciens Autunnois déserteurs de la Grande Armée se battent par là, donc si je peux leur mettre une salve ou deux au passage pour leur montrer que le plomb Français reste celui qui tue le mieux !
La Gazette : Comment recevez-vous les ordres, si vous en recevez ?
Major Box : Je ne reçois pas d'ordre, j'essaye juste de suivre les formations en damier sur le terrain et les stratégies des régiments sur place autour de moi, histoire de ne pas les déranger et de donner un coup de main si leurs idées me paraissent bonnes.
La Gazette : Êtes-vous tenu au courant des nouvelles par le Haut État-Major Impérial ?
Major Box : Depuis l'arrivée dans la région de Mir, aucune missive de leur part. Après, je vous avouerai que je ne cherche pas spécialement à en avoir, je ne vais quasiment plus aux nouvelles sur les tentes informatives.
La Gazette : Comment êtes-vous perçus sur le front, vous, les indépendants ?
Major Box : Comme une proie pour tous les régiments en recrutement. Qu'ils ne se disent pas qu'un Major sans régiment, ce n'est pas un bleu perdu au milieu du champ de bataille, mais juste un officier qui a envie de se battre comme il le veut et comme il le peut, avec le handicap qu'il a. Avec Force et honneur.
La Gazette : Merci Officier Box pour ce moment partagé avec la Gazette de Russie.
Box
MÉTÉO
Trois décembre 1812 : La neige commence à s'inviter aux festins nocturnes des troupes et avec elle, les privations et les engelures.
Dix décembre 1812 : Une violente tempête de neige a balayé les plaines de Mir. Le gel s'est généralisé.
Celsius
AUTOUR DES BIVOUACS
L'adjudant Guy le Vinec racontera ici ses rencontres faites autour du champ de bataille, laissant sa plume relater des histoires d'hommes, des anecdotes tragiques ou humoristiques, mais toujours vécues.
LA BALLE
Je pousse la porte de la vaste grange afin de laisser passer l'infirmier qui me suit, un seau d'eau dans chaque main.
"Merci", me dit-il. "Vous cherchez quelqu'un ?"
Je jette un rapide coup d'œil dans cette infirmerie de campagne, un peu à l'écart des combats.
Les cris des blessés qu'on opère à vif, l'odeur des chairs qu'on cautérise au fer, l'odeur du sang et des souillures, tout pousserait un homme normal à fuir cet endroit qui n'est que douleur et rappel de la folie des hommes.
Mais je suis venu trouver un blessé, un brave tombé l'avant-veille, dont on m'a dit qu'il fallait que je raconte l'histoire.
"On a dû vous amener un Chasseur de la Garde. Un blessé qui se nomme Guezo…"
L'homme réfléchit deux secondes, pose ses seaux et se frotte le menton.
"Mmm… On a eu tellement d'arrivées depuis hier… Essayez voir, là-bas, au fond, on vous renseignera mieux", fait-il en indiquant de l'index la direction opposée la mienne.
Puis il reprend sa besogne ingrate qu'aucune émotion ne semble atteindre. Dans l'infirmerie, chacun s'affaire sans dire un mot, les gestes s’enchaînent machinalement. Le chirurgien termine ses sutures, reprends sa scie et ses scalpels, trois hommes soulèvent le blessé inconscient qu'on vient d'amputer pour le retirer du bat-flanc qui sert de table, et d'un large geste, l'infirmier lave à grande eau le sang qui macule le bois. À peine le temps de frotter avec un peu de paille les caillots qui s'accrochent qu'on amène déjà une autre forme humaine sanguinolente qui geint doucement et qu'on démembrera bientôt.
J'enjambe des corps inertes étendus sur des brancards de fortune, dont je ne sais s'ils sont encore en vie, fouillant des yeux les uniformes des blessés.
"Guezo, est-ce celui-là ?… Où bien celui-ci qui n'a plus qu'une jambe ?… Ou bien cet autre encore, dont le moignon de bras rougit le pansement qui l'entoure ?…"
Enfin, il me semble reconnaître celui que je cherche.
L'homme est là, allongé sur une paillasse inconfortable. Une couverture sale qui le recouvrait jusqu'au torse a glissé sur le côté. Son uniforme ouvert et sa chemise sont maculés de sang séché, et c'est plutôt à sa culotte de cheval que je reconnais un cavalier. Il semble dormir. Tout le bas de son visage est emmailloté dans un paquet de charpie rougie, ce qui le rend méconnaissable. Le sang qui a coagulé de sa blessure béante a déjà été bu par le sol en terre battue de l'isba.
Un médecin s'approche, voyant que je me penche sur le blessé.
"Vous le connaissez ? Il se nomme Guezo… C'est un chasseur à cheval qui a reçu une balle en plein visage. Il aurait dû mourir lors de cette charge, mais le destin ne l'a pas voulu… Il a eu la mâchoire fracassée et pour le moment, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour lui."
Le blessé nous a entendu, il esquisse un léger mouvement et sort de sa léthargie. Il ne peut émettre que quelques sons indistincts à travers son bandage, qui trahissent la terrible douleur qui le traverse et ne cesse de le ronger. Ses deux yeux clairs qui émergent de sa face meurtrie, dévorés par la fièvre, implorent la clémence. Il semble résigné devant le malheur qui l'a frappé. Ce qui impressionne, c'est la force morale de cet homme défiguré dont la vie est maintenant inimaginable.
Le médecin me raconte ce qui s'est passé, ce que ses compagnons d'armes qui l'ont déposé ici ont relaté aux infirmiers épouvantés devant l'horreur de sa blessure.
Lors d'une charge sabre au clair contre une compagnie de fantassins russes retranchés, le soldat Guezo a vu un ennemi l'ajuster à vingt pas. Instinctivement il a détourné la tête au moment où le coup est parti. La balle qui aurait dû lui traverser la face et ressortir par l'occiput ne l'a, par chance, touché que de profil, fracassant la mâchoire et emportant au passage la moitié de la langue en dilacérant les chairs, avant de se perdre dans la nature.
Guezo n'a heureusement pas été désarçonné, ou les russes l'auraient achevé sans pitié à la baïonnette ou à coup de crosse. Son cheval l'a ramené, couché sur l'encolure mais encore conscient, jusqu'à proximité de nos lignes.
Perdant son sang en abondance, on ne donnait pas cher de ses chances de survie. Mais Guezo s'est accroché au mince fil que la providence lui a tendu. Il a voué son âme et son corps à l'Empereur. Son corps désormais ne lui appartient plus, son âme, elle, attendra encore un peu que son heure soit venue. Quant à l'Empereur, il ne saura rien du sacrifice du soldat Guezo.
"Il a déjà passé une première nuit ce qui indique que l'homme est robuste, et la suppuration semble être bonne aujourd'hui", ajoute le médecin.
"Mais il faudra l'opérer encore pour essayer de nettoyer les chairs de tous les fragments d'os et de dents brisés qui s'y trouvent encore, et essayer de recoudre son visage. Pour le moment, il ne peut que boire un peu de vin et d'eau sucrée qu'on lui fait passer directement dans le gosier à l'aide de cette petite poire… Je ne sais comment on pourra l'alimenter. Sa blessure n'est pas mortelle mais ce sont les suites qui vont être très compliquées… Demain, nous essayerons de lui donner un peu de bouillon froid."
Puis me prenant à part.
"L'horreur de sa blessure épouvante même nos infirmiers qui en ont pourtant vu d'autres. Un coup de sabre fait une plaie tranchante bien nette qu'on suture sans peine, mais là, le « biscaïen » lui a emporté presque toute la partie inférieure du visage… Comment faire ?… Son pansement est changé chaque jour mais il se dégage de sa plaie béante une odeur plus répugnante que tout ce que j'ai subi jusqu’ici. Même un blessé aux intestins crevés est plus supportable. Il serait bon de le mettre à l'écart des autres blessés mais nous n'avons pas de place ici… Les gueules cassées sont plus difficile à soutenir moralement."
Guezo ne peut parler, évidemment, et je lui serre chaleureusement la main. Je lui parle doucement de son retour prochain au pays, dès qu'il sera rétabli et qu'il pourra reprendre la route de Vilna par l'ambulance. Je parlerai de lui, afin qu'il ne soit pas oublié.
Me croit-il ? Il en donne l'illusion en tout cas. Mais que peut-il espérer d'autre désormais que des paroles compatissantes ?
Gueule cassée qui portera à jamais les stigmates de sa campagne de Russie, il représente le soldat de la Grande Armée qui accomplit sa tâche sans jamais se plaindre ni poser de question, celui qui subit son sort et confie sa vie à ses chefs en qui il a une absolue confiance.
Quelle aura été sa récompense ?
Il cherchait une mort glorieuse sur le champ de bataille, acceptant stoïquement le sort des armes et le voilà réduit à n'être qu'un monstrueux infirme.
Lui, blessé anonyme parmi tant d'autres, à qui nous sommes redevables pour toujours, n'avait sans doute pas imaginé qu'il y a pire que la mort pour un soldat.
S'il s'en sort et s'en retourne chez lui, il sera devenu moins qu'un homme, un paria dont la laideur fera fuir ses compatriotes qui ne pourront plus soutenir sa vue de leurs yeux, alors qu'il aurait dû être pour eux un modèle, un héros qu'on acclame.
Que cette balle eut emporté un bras ou une jambe, et le destin de cet homme eut été tout autre…
Guy le Vinec
UNE RECRUE À L'EMF
La brume vient de se lever. Au loin l'ennemi se prépare à l'attaque. La jeune recrue fraîchement arrivée à l'École Militaire Française a quatre cents hommes sous ses ordres, et c'est une très grande responsabilité de minimiser ses pertes face à des généraux et colonels qui lui font face et qui disposent sous leurs ordres de soutiens supplémentaires.
Heureusement, le jeune Sous-Lieutenant peut compter sur les Grognards Français qui l'entoure de toutes part. Soudain, la cavalerie russe charge. Mais le Sous-Lieutenant prévoyant a anticipé et a donné l'ordre de se mettre en carré, interdisant la charge des russes.
La recrue attend avant de donner l'ordre de tirer. Quand enfin les cavaliers arrivent à portée, les deux cents hommes de sa formation lâchent leurs salves. Plus de quinze russes tombent. Touché, le cheval d'un cavalier russe s'écrase sur la formation et tue plusieurs hommes. Les russes voient cela et s'engouffrent dans la brèche. La lutte est terrible mais une nouvelle compagnie française arrive en soutient et met fin au combat. Les russes reculent. Vingt hommes manquent à l'appel côté français. Au loin, on aperçoit les infanteries d'un colonel russe. Les Français se dépêchent de recharger mais face à six cent russes expérimentés, la jeune recrue ne peut rien.
Les russes arrivent à portée de tir ; malheureusement dans la zone verte comme l'appellent les soldats, car la chance d'y tuer quelqu'un à cette distance est quasi nulle. Le Sous-Lieutenant voit sa fin arriver. Il entend même la cavalerie ennemie charger à nouveau. Mais cette fois, la cavalerie française arrive de derrière ses propres lignes et s'écrase sur les lignes russes dans la surprise générale. C'est le Major Instructeur de l'EMF Nainpoléon. Il arrive au bon moment car la recrue est mal en point.
Moralité : Grâce à la coordination entre l'élève et l'instructeur, le bataillon russe dans son entier est mis en déroute.
Dami
Derniers tombés
Boris Oulianov (mat 17181)
Patchod (mat 20574)
Nicolas Surcouf (mat 22437)
Zénagovik (mat 20882)
Kyle Broflovski (mat 300)
Stanislav Oulianov (mat 17180)
Edoiard de la roche (mat 13890)
billovtovaritch (mat 37302)
Croco (mat 38135)
dami (mat 28780)
Adjt de zephyr59 (mat 36294)
Michel Duroc (mat 44096)
Inf Maxos (mat 21621)
BOX (mat 1454)
Lorenzo35 (mat 23035)
Petrossian (mat 43529)
bardamus (mat 46352)
Adjt de BOX (mat 1455)
Rudy II (mat 17350)
Gérard Francès (mat 16565)
Aurluc (mat 20348)
Alexander Kotlyarov (mat 45712)
Igor Oulianov (mat 22079)
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The Riots (mat 18887)
cegeo (mat 45952)
Marc de Montmorency (mat 1250)
Nevski (mat 24114)
malo (mat 43930)
Adjt de AD2505 (mat 43324)