42ÈME ÉDITORIAL
5 janvier 1812 : Depuis les caves des ateliers de la Gazette, nous pouvons entendre les hordes de Kozaques qui ont envahi la ville de MIR.
12 janvier 2012 : Nous apprenons de sources sures que la Topalova, forteresse russe fleuron de défense de MIR s'est effondrée définitivement. Une citation d'un officier français nous est parvenue dans nos locaux à MIR.
"L'officier commandant CROM dirigeant la Grande batterie eut l'honneur, sous le regard de l'Empereur, de tirer la dernière salve fatale au palais de la forteresse.
Des "HOURRAS" se faisaient entendre sur toute la plaine.
Les artilleurs et les unités de lignes présentes furent heureuses de ce dénouement rapide."
21 janvier 1812 : Depuis les caves des ateliers de la Gazette, nous pouvons entendre les régiments français martelant de leurs guêtres les pavés de la ville de MIR.
5 février 1812 :
À MIR : On nous rapporte que les hordes de Kozaques qui ont semés le trouble dans le Nord durant ce mois de janvier seraient à présent maîtrisées par les armées Impériales. Mais certains quartiers nord-ouest de MIR semblent tenir la dragée haute aux troupes impériales.
À BALAKLAVA : On nous rapporte que la ville est toujours aux mains des forces du Tsar. Nous n'avons reçu aucune nouvelle de Lokniza et de Berezinski. Sans doute à cause des rudes conditions hivernales.
9 février 1812 : Des combats d'une rare violence déchirent la ville de MIR. Nous apprenons l'achèvement de la construction d'une forteresse française sur les fondations de la vieille Topalova détruite par l'artillerie française.
La Rédaction
HOMMAGES A LA GARDE
De notre envoyé spécial à la Ferme Béro. Cette nuit du vendredi 10 février 1812, tout le gratin de l'État-Major Russe s'est retrouvé pour fêter les honneurs au régiment de la Garde du Tsar qui après de longues années de service actif a été mise en repos dans ses casernements. A cette occasion festive, le Général Vilpinov a pris la parole tard dans la nuit.
"Messieurs,
Notre bien aimé Tsar a décidé de rappeler à lui son régiment attitré, la Garde du Tsar.
La Garde du Tsar quitte donc maintenant notre armée engagée contre l'envahisseur français. Elle participera à Moscou au recrutement et à la formation théorique de nos nouveaux officiers. L'École Militaire, et accessoirement nos ennemis, se chargeant, ici, de sa formation pratique.
Depuis cinq ans ce régiment nous a accompagné dans la lutte contre la Grande Armée.
Il était donc plus que nécessaire de lui rendre hommage par cette fête qui durera cette fin de semaine.
Je veux ce soir vous rappeler quelques pages de l'épopée de ce régiment.
Il y a cinq ans, le 21 février pour être précis, le Major Ender LETO de Tewen pris le commandement de la Garde du Tsar.
Le régiment défendait les valeurs essentielles :
LOYAUTÉ à la mère patrie,
GLOIRE du régiment, et
HONNEUR pour les officiers membres.
L'engagement au sein de la Garde du Tsar consistait en un serment de fidélité qui je n'en doute pas fera florès.
Citation :
Article 1. Tu es un volontaire servant la Sainte Russie avec honneur et fidélité.
Article 2. Chaque soldat est ton frère d'arme. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d'une même famille.
Article 3. Respectueux des traditions, attaché à tes chefs, la discipline et la camaraderie sont ta force, le courage et la loyauté tes vertus.
Article 4. Fier de ton état de membre de la garde, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net.
Article 5. Soldat d'élite, tu t'entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique.
Article 6. La mission est sacrée, tu l'exécutes jusqu'au bout et si besoin, en opérations, au péril de ta vie.
Article 7. Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n'abandonnes jamais
ni tes morts,
ni tes blessés,
ni tes armes.
À Smolensk, la Garde du Tsar fut logiquement affectée à la défense de la ville du Tsar et de son palais. Elle tint la ville, même si celle-ci fut parfois en partie envahie. Mais le palais fut sauf.
Six mois après le début de la bataille de Smolensk, on nota un événement fâcheux qui dégénéra gravement : un soldat de la GT vola le trésor des cosaques. Il faut dire que ces idiots laissaient leur trésor caché sous du crottin de cheval. Toujours est-il qu'une jeune recrue de la Garde du Tsar, égarée, tomba dessus. La Ville du Tsar fut alors un véritable bouge durant plusieurs jours. 84 pièces d'or ! Un véritable trésor à l'époque, avant que l'inflation de ces derniers mois ne ravage tout.
Il fallut bien les rembourser cependant, après quelques combats menés par les cosaques pour récupérer leur "dû".
À Polotsk, la Garde du Tsar combattit sur tous les fronts. Elle participa à la chute de la ferme Nord-ouest, avant d'être affecté à la garde de la ferme Sud-ouest puis de combattre à Polotsk.
Ici à la Bérézina, elle se battit au sein du IVe Corps d'Armée pour défendre notre forteresse.
Ces faits d'armes sont ceux d'un régiment couvert de gloire.
Nous célébrons ce régiment.
Mais également ses officiers.
Citons en quelques uns, mais je suis sûr que vous vous souviendrez de bien d'autres, que pour certains nous ne reverrons plus : Leto ; Zandraak ; Koutouliov ; Bo_CraDDocK, et bien sur son dernier commandant, Nevski.
Maintenant je vais m'arrêter.
Parce que j'ai soif, d'une part, et pour laisser place à la fête.
Vive le Tsar
Vive la Russie,
Vive la Garde du Tsar et,
Levons nos verres en l'honneur de ses officiers !"
Vilpinov
VOYAGE EN COZAKSTAN 3
DE LA RADA
Il se lève et sort de la Natalya enfumée de vapeurs d’alcool et de fumées de pipes. Sanchov et quelques sbires le suivent en se dirigeant vers un espace dégagé au centre du campement. Ils croisent divers groupes de cosaques et d’autres soldats d’aspect disparate.
"Les hommes que tu vois ici et là viennent de toutes les tribus cosaques, mais principalement des Zaporogues. Si tu veux en savoir plus, il faudra offrir à boire à Vitali.
Mais nous accueillons également dans nos rangs les soldats qui collent à l’esprit de notre Voisko (régiment en mauvaise traduction). C’est pour cela que tu peux croiser des uniformes prussiens, autrichiens et scandinaves.
De plus nous avons accueilli, il y a peu, les transfuges de la Milice d’Araktchéiev. Ils fuyaient les excès du commandement tyrannique et maladroit de certains officiers mal emmanchés. Comme ils combattaient à l’instinct, un peu comme nous, nous avons finis par unir nos destinées. Union éthylique et militaire, cela va sans dire. Pour les femmes ça reste chacun pour soi !"
Des tentes sont montées un peu partout, mais une attire le regard par sa taille et par le groupe qui monte la garde à l’entrée.
"Tu voulais voir la Rada, petit père ? Voici l’endroit où elle se réunit.
La Rada, vois-tu, est la base de notre organisation. D’où le statut spécial de cette tente."
Il s’adresse aux gardes : "Laissez-le passer, camarades, ce petite russe est recommandé par Vitali."
Le garde : "Il a bu quoi Vitali, avant de sortir une ânerie pareille ?"
"Sais pas et veut pas le savoir !" Pokotylo écarte la toile d’entrée. Juste derrière celle-ci, un autre tissu, un tapis oriental, servait de deuxième passage.
Sanchov et Pokotylo entrent alors dans un vaste espace qui laisse pantois le journaliste.
Une table ronde et basse est placée au centre de la "pièce" ovale. Des divans et des coussins sont entassés tout autour. Des tables basses en marqueterie sont couvertes de théières richement ouvragées et de toutes factures, en porcelaine, en argent, en or. Des samovars et des narghilés sur de petits guéridons byzantins. Une odeur à la fois douce et écœurante émane de toute la pièce, mélange de parfums d’orient, de tabac, d’herbes, d’alcool, de thé noir. La table centrale est couverte de papiers. En s’approchant, Sanchov peut voir qu’il s’agit d’ordres, de missives, de courriers, et d’un certain nombre de cartes détaillant les régions des combats des trois dernières années.
Le sol, lui, est couvert de toutes sortes de tapis orientaux aux motifs arabes, byzantins, mogols ou persans. Il y a également des foulards en soie de Chine.
Derrière les coussins et sièges en tissus mordorés, des coffres de diverses tailles sont disposés près des accès aux pièces et couloirs entourant la salle centrale. Certains coffres sont ouverts et on peut y voir de l'argenterie, des objets d'art, des coupes, des tableaux de maître, des colliers de perles et des sacs pleins de pièces de monnaies de toute origine.
Pokotylo interrompt Sanchov dans sa contemplation : "Pas mal, hein ?"
Sanchov se retient d’exprimer son impression, hésitant entre le constat d’un grand désordre et d’un amas de richesses probablement fruit d’années de rapines.
"La Rada, jeune homme, est la réunion de tous les chefs de guerre cosaques. Nous nous réunissons régulièrement ici pour discuter de toutes les choses importantes. Tous les chefs de bataillons, comme vous les appelez dans votre jargon, sont ici des chefs de guerre respectés par tous en tant que pairs. Nous sommes tous égaux, et la voix de chacun a la même valeur. La voix de notre Hetman a la même valeur que celle de n’importe qui.
Nous prenons ici des décisions collégiales.
Quand l’état-major russe nous requiert pour une mission spéciale, nous en débattons ici. Quand l’un de nous a une idée de raid ou de razzia, c’est ici qu’il la propose à ses égaux. Quand nous devons décider d’un grand mouvement stratégique, c’est ici qu’il est élaboré.
Quand nous fêtons des retrouvailles ou des victoires, c’est ici que nous en exploitons les avantages.
Nous fonctionnons comme une véritable démocratie car toutes nos décisions sont votées à la majorité simple. Et chaque chef de guerre se fait un point d’honneur de suivre la décision de la RADA."
S’interrompant dans sa prise de note, Sanchov fouille dans sa poche à la recherche d’un nouveau crayon, tourne une page dans son carnet, et pose une question : "Et l’Hetman, c’est quoi ?"
Toussant d’indignation, Pokotylo se retient et répond : "C’est quoi ?
L’Hetman, sache-le bien, est le chef que la Rada se choisi par vote pour préciser aux destinées du Voïsko et faire appliquer ses décisions communes. Nous changeons régulièrement d’Hetman, toujours par vote, soit si la période de commandement écoulée a été très longue et que l’Hetman est fatigué (histoire qu’il puisse aller entreprendre l’élaboration d’un nouveau rejetons auprès de sa chère et tendre), soit quand on change de grande phase de combat, comme le changement d’un champ de bataille, ou le changement de position sur le front.
Mais il y a un grand désavantage à être Hetman…"
"Lequel ?", s’étonne le scribouillard.
"C’est d’être sans cesse dérangé par les officiers des autres régiments et l’État-Major qui voient en l’Hetman un chef de régiment à part entière et l’emmerdent à chaque prise de contact officielle. Ce que ça peut être barbant…"
Puis reprenant : "Enfin, l’avantage qui en découle, c’est que l’Hetman, en ayant ses entrées dans les salons du palais, nous donne l’occasion d’aller fouiller dans les couloirs pour y trouver riche nourriture et boissons fines. Nous en profitons également pour compter fleurette avec les suivantes de l’impératrice pendant que "ces messieurs" discutent au salon des grands élans stratégiques dont nous n’avons cure.
Sanchov interloqué, interrogeant Pokotylo :
"Et vous n’avez pas peur que l’État-Major ou le Tzar ne prennent ombrage de votre non obéissance aux ordres ou ne colliez pas aux décisions de l’état-major ?"
Riant aux éclats, Pokotylo répond : « Ha, ha, ha, haaaa !… Vais en pisser de rire ! NON ! Nous n’avons pas peur car nous avons gagné le respect de toute cette fichue hiérarchie à coup d’exploits. Toutes nos actions ont chaque fois eu un impact positif pour les régiments russes proches de nos terrains d’action. Soit nous avons coordonnés nos attaques aux leurs. Soit nous avons fait des raids qui détournaient l’attention de 3 à 10 fois plus de franskys que les hommes que nous envoyons au combat, faisant des trous énormes dans les lignes de front fransky.
Nous avons également obtenu de ne pas dépendre de l’organisation de la dernière charte de l’État-Major.
Et notre indépendance militaire est encore respectée à ce jour car nous nos objectifs ont toujours été dans le sens de la victoire commune.
Nous resterons toujours ce Voïsko indépendant car l’État-Major semble avoir bien compris que nos attaques indépendantes avaient toujours pour résultat de déstabiliser l’adversaire par leur imprévisibilité.
Le Tzar ne peut pas se passer de la surprise et de l’effroi que nous créons à chaque fois dans les rangs ennemis."
Soudainement, ils sont interrompus à ce moment par des rires au timbre féminin. Ces voix de femmes semblent venir de l’arrière des toiles et tentures qui entourent la pièce.
"C’est quoi ces voix ?", osa le petit russe rougissant.
"C’est nos tendres donzelles. Partout où ira la Rada, tu trouveras également les femmes qui sont tombées en admiration des chefs de guerre et ne peuvent se passer de leurs manières. Quelques-unes d’entre elles agrémentent les décisions de la Rada et nous aident à ne pas trop nous prendre la tête quand nos discussions sont trop sérieuses. Et puis elles servent divinement bien la vodka et le thé noir."
Pokotylo s'interrompt, la gorge sèche par la soif d'avoir tant parlé.
Sanchov en profita pour tailler son crayon.
"Merci Pokotylo pour ces précieux éclaircissements. J'avoue que la soif de vos paroles me tiraille aussi ! Mais comment faites-vous pour vous reproduire aussi vite ? Comment, dans votre errance, parvenez-vous à fonder famille, à élever vos enfants et à les mener vers vos fronts ? Et comment diable faites-vous la même chose avec l'élevage de vos chevaux pour ne jamais en manquer ?"
Sanchov