"Des artilleurs apparaissent sur la gauche au passage du pont, ils poussent des hurlements et agitent leurs refouloirs et autres écouvillons. Ils sont à une centaine de mètres et placent leur pièce face à nous. Nous disparaissons de leur champ de vision en prenant la direction de l'église au galop, nos rangs sont ouverts et les pointes des lances dressées très hautes.
L'occasion est trop belle, je donne l'ordre de contourner les habitations par la gauche et nous réapparaissons sur le flanc des artilleurs russes.
Je sens mes lanciers en ligne sur deux rangs derrière moi, bien en main, bien vibrants, j'évoque le souvenir des charges passées et je crie : "Pour l'attaque... Chaaaaaaaaaarrrrgggeeeeeeeer !"
Ma jument tire à pleins bras. Couché sur l'encolure, le sabre bien tendu, je vise l'Adjudant ennemi [Alexandre Le Bel Jun] à la poitrine. Il fait un brusque écart, ma pointe érafle son épaule et je le dépasse. Nous traversons aisément la batterie ennemie. J'ai grand peine à arrêter ma jument. Quand je réussis à lui faire faire demi-tour, j'aperçois des artilleurs russes fuyant dans toutes les directions, quelques corps sont couchés sur le sol. Je prends comme objectif les artilleurs ennemis les plus proches. J'ai vite fait d'en rattraper un. Je le frappe dans le dos de la pointe de mon sabre. Il tourne la tête en gémissant et s'abat dans l'entrée d'une cave à quelques pas de là. Mes hommes m'ont rallié. Nous continuons à donner la chasse; mais deux ou trois artilleurs se sont réfugiés derrière un affût de canon et commencent à nous fusiller; je fonce droit sur l'un deux. J'entends une balle siffler à mon oreille, mais j'ai maintenant l'impression d'être sur le russe et de le tenir au bout de ma lame. Il lâche un second coup de feu. Mon cheval fait un écart, un autre cheval s'effondre et un de mes hommes roule à terre. Quand je me retourne, je vois le russe basculer brusquement; le lancier démonté vient de le tuer à bout portant d'un coup de lance. Le terrain est libre, 14 russes sont étendus sur le dos, les autres, dont une petite quinzaine de blessés graves, restent sur le carreau...
Il est temps pour nous de reprendre le chemin de l'église afin de terminer la mission que nous a confiée le Colonel Percy ".
